Commencera, commencera pas ? La question est depuis quelques jours sur toutes les lèvres, au sujet de la bataille annoncée du Qalamoun. D'autant que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait déclaré dans son dernier discours que « cette bataille s'imposera aux médias le moment venu ».
Entre-temps, les combats se poursuivent, sans qu'il n'y ait la moindre déclaration officielle. En réalité, ce flou est voulu et le suspense contribue, selon les sources proches du parti chiite, à miner les nerfs des combattants de Daech et de Nosra. Ces sources révèlent ainsi qu'il y a quelques jours, une unité du Hezbollah avait avancé dans un secteur syrien qui fait face au jurd de Brital. Les combattants de cette unité avaient réussi à piéger les lieux dans la plus grande discrétion. Cachés dans leurs positions, les jihadistes n'ont rien vu, et, quelques heures plus tard, ils lançaient l'assaut contre les lieux qui avaient fait l'objet d'une opération du Hezbollah. Ils étaient donc tombés dans le piège et ont été tués. L'embuscade a d'ailleurs été filmée par le Hezbollah et diffusée sur les réseaux sociaux.
Plus récemment, les combattants du Hezbollah ont décelé des groupes d'al-Nosra cachés dans une grotte dans le jurd. Ils leur ont lancé des missiles et ont capté des communications entre les combattants survivants, dans lesquelles ils criaient sur un ton paniqué : « L'assaut du Hezbollah a commencé... »
La tactique est donc efficace et le parti chiite ne fera pas de déclaration sur le déroulement de la bataille et sur son timing, préférant agir sur le terrain, selon une stratégie et un plan précis. Les sources proches de cette formation révèlent ainsi que la géographie de la région du Qalamoun est grande et difficile d'accès. Les cachettes et les grottes y sont nombreuses. C'est pourquoi il est pratiquement impossible de contrôler l'ensemble de ce secteur et de s'y maintenir. Le Hezbollah préfère donc essayer de repousser les combattants de Daech et d'al-Nosra vers la zone qui fait face au jurd de Ersal, où sont d'ailleurs détenus les militaires pris en otages. De la sorte, le parti pense pouvoir les encercler et renforcer, par la même occasion, la position des négociateurs libanais dans les tractations pour la libération de ces otages en ne laissant à leurs ravisseurs qu'un choix limité, celui de s'enfuir moyennant la libération des militaires libanais, ou de mourir.
Pour l'instant, le Hezbollah et l'armée syrienne se sont partagé les axes et suivent une tactique de grignotage vers le jurd de Ersal, du côté syrien. Du côté libanais, l'armée a pris des positions stratégiques sur les collines avoisinantes, et la coordination est évidente sur le terrain, même si elle n'est pas reconnue officiellement. L'armée libanaise estime d'ailleurs être couverte dans son action sur le terrain puisque le Premier ministre Tammam Salam a récemment déclaré dans une interview que la troupe peut prendre les décisions militaires qu'elle juge nécessaires pour assurer la protection des villages frontaliers de la Békaa et de ses propres positions.
Ce n'est d'ailleurs pas la seule position ambiguë dans les développements au Qalamoun. Une source proche des participants à la onzième séance de dialogue entre les représentants du courant du Futur et ceux du Hezbollah en présence du ministre des Finances Ali Hassan Khalil qui a eu lieu lundi à Aïn el-Tiné révèle que la situation dans le Qalamoun a été évoquée. Le sujet a été ouvert par les représentants du courant du Futur qui ont commencé par demander au Hezbollah s'il était nécessaire de mener cette bataille et si elle n'aurait pas des conséquences graves sur l'intérieur libanais. Les représentants du Hezbollah ont alors demandé à leurs interlocuteurs s'ils pouvaient garantir le fait que les combattants postés dans le jurd ne lanceraient pas des attaques contre les villages frontaliers, ainsi que des opérations à l'intérieur du territoire libanais, sachant que l'armée et les autres services de sécurité sont entièrement mobilisés pour traquer les cellules dormantes sans parvenir à les démanteler totalement, puisque dès qu'un noyau est neutralisé, un autre apparaît. De plus, les combattants de Daech et d'al-Nosra installés dans le jurd, qui n'arrivent pas à avancer du côté de Damas, ont forcément besoin d'élargir leur espace vital vers des régions plus peuplées et mieux équipées.
Le commandant en chef de l'armée a lui-même déclaré à plusieurs reprises que ces combattants planifiaient d'établir une jonction entre le nord du pays et la région de Saïda pour y créer leur émirat.
Les représentants du courant du Futur ont répondu qu'ils ne pouvaient pas fournir des garanties de ce genre et ont exprimé leur rejet total d'une extension des combattants extrémistes en direction du Liban. Ils ont donc d'une certaine façon admis la nécessité pour le Hezbollah de se battre dans le Qalamoun pour faciliter la mission de l'armée, déployée du côté libanais du jurd. Selon la même source, les représentants du courant du Futur ont préféré clore le sujet se contentant de demander au Hezbollah de laisser l'armée en première ligne dans les médias et de rester discret. Ce que le Hezbollah fait de toute façon, ne parlant généralement des batailles qu'il mène qu'une fois celles-ci terminées. La source proche des participants à cette réunion de dialogue ajoute que le climat pendant les discussions était calme et responsable, à l'opposé des récentes déclarations virulentes de Saad Hariri sur la bataille du Qalamoun. Selon cette source, il ne faudrait donc pas trop s'attarder sur ces propos, essentiellement destinés à des parties arabes et régionales bien plus qu'à l'intérieur libanais. « Ces bombes sonores » ne couvrent en tout cas pas le bruit des combats qui se poursuivent et qui pourront bien être moins longs que prévu si le Hezbollah et l'armée syrienne poursuivent sur leur lancée.
Lire aussi
Halte à la triche, l’éditorial de Issa Goraieb
Qalamoun : le Hezbollah se contentera d'un grignotage... prolongé
ENTRE LES BOMBES SONORES... ET LES ACTIONS IRRESPONSABLES DES TÉNORS !!!
13 h 23, le 10 mai 2015