Le Hezbollah mène depuis mercredi une offensive contre les groupes armés présents à l'ouest du Qalamoun syrien, sans pour autant que « la grande bataille » n'ait officiellement commencé. Pour l'instant, c'est un repositionnement limité que le parti chiite et les forces du régime de Damas ont réussi ponctuellement, dans cette vaste localité rocailleuse, irrégulière et parsemée de collines. Après avoir repris certaines de ces collines dans le jurd de Assal el-Ward, le Hezbollah mène depuis hier une nouvelle offensive dans le jurd de Jibbé, bombardant les positions où les opposants armés se seraient retranchés après leur retrait de Assal el-Ward. Des unités du Hezbollah ont ainsi réussi hier à prendre contrôle de plusieurs points stratégiques du jurd de Jibbé.
Jibbé serait la deuxième étape d'un plan que le parti chiite entend suivre progressivement : après Assal el-Ward et Jibbé, il doit s'attaquer successivement à Rass Maara, Flita, Jarajir, jusqu'à Qara dans le jurd de Ersal. Le but de cette avancée serait de lier le jurd de Assal el-Ward au jurd de Ersal.
Un observateur proche du Hezbollah, interrogé par L'Orient-Le Jour, fait état d'un « plan de grignotage progressif », la région ne se prêtant pas à « une bataille de grande envergure », quand bien même le secrétaire général du Hezbollah avait lui-même envisagé une bataille de cette ampleur dans sa dernière allocution télévisée. Autrement dit, l'on peut comprendre que « la grande bataille du Qalamoun a déjà commencé effectivement, et se limitera à ces petits combats visant à contenir l'expansion des jihadistes dans la région », confirme-t-on de même source.
L'autre son de cloche est celui d'une « grande bataille qui n'aura jamais lieu » – un point commun aux deux rhétoriques – assorti néanmoins de deux réserves : d'abord, la possible instrumentalisation politique de la perspective de la grande bataille par le Hezbollah, que doit servir le prolongement des petits combats dans le temps ; ensuite, les retombées de ces combats sur le parti chiite sur le long terme, l'enlisement dans une zone aussi ardue que le Qalamoun pouvant être épuisant.
Pour l'éditeur Lokman Slim, opposant chiite, « non seulement le relief du Qalamoun ne se prête pas à une bataille globale, encore moins à une victoire d'une partie sur une autre, mais il offre un terrain optimal à une bataille donquichottesque. Le bluff de la grande bataille doit permettre le prolongement des combats dans le but d'entretenir un état de mobilisation continue et d'incorporer à l'intervention du parti en Syrie un visage libanais, résultat de la proximité du Qalamoun. Les combats du Hezbollah en Syrie doivent ainsi se rapprocher autant que possible du prétexte initial : protéger les villages frontaliers libanais ».
Pourtant, le pari sur le Qalamoun paraît aussi incertain que la volonté réelle du Hezbollah de s'y aventurer. Ainsi, Lokman Slim rappelle que ce dernier avait tenté de prendre contrôle de la région dès 2013, c'est-à-dire « à l'époque où aussi bien le parti que l'armée syrienne étaient plus forts ». Il s'interroge par ailleurs sur l'origine de la différenciation actuelle du Qalamoun-Ouest (qui donne sur le Liban et la Méditerranée) et du Qalamoun-Est, « où de violentes batailles sont menées actuellement ».
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Bilan controversé des victimes
Cet affaiblissement ainsi décrit du Hezbollah, et l'intensité de combats diffus sur le territoire syrien, expliqueraient « l'embarras du parti par rapport à sa base », qui a amené son secrétaire général à « faire état pour la première fois de la nécessité d'ouvrir de nouveaux fronts en Syrie », selon l'opposant chiite.
L'une des marques de cet embarras se dégagerait des divergences sur le premier bilan des combattants tués dans les rangs du Hezbollah depuis mercredi. Alors que la MTV a fait état d'une quarantaine de morts parmi les combattants du parti au Qalamoun, ce dernier a publié hier un communiqué précisant que « le nombre des martyrs de la résistance dans les combats du Qalamoun est de trois », et que leurs « honorables familles en ont été respectivement notifiées ». Ce communiqué viserait surtout à conforter une base chiite « traumatisée », à l'heure où certains observateurs n'hésitent pas à faire état d'au moins vingt tués. Pour la source proche du parti chiite, « l'état de guerre incite la base à serrer les rangs et non à manifester son scepticisme ».
Dans ce cadre, le Front al-Nosra a tweeté hier que « l'armée du Fateh al-Qalamoun a réussi à tuer et blesser de nombreux combattants du Hezbollah et de l'armée syrienne dans le jurd de Assal el-Ward ». L'armée du Fateh a fait état, elle aussi, toujours via Twitter, « de retraits tactiques des jihadistes de Assal el-Ward, après l'infiltration de combattants du Hezbollah à partir du Liban ». Indiquant en outre que « le Hezbollah utilise le territoire libanais pour s'infiltrer à l'arrière des combattants », le Front al-Nosra a mis en garde les Libanais contre « une tentative du parti chiite d'entraîner le pays dans une guerre planifiée par l'Iran ».
Ces mises en garde rejoignent certaines craintes de voir le cycle des attentats reprendre dans la banlieue sud, selon la logique qui veut que seul l'extrémisme sortira vainqueur de la bataille de Qalamoun.
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commentaires (2)
LES GRIGNOTAGES... TRÈS SOUVENT... SE RETOURNENT CONTRE LES GRIGNOTEURS... ET LES FONT GRIGNOTER !!!
LA LIBRE EXPRESSION
11 h 30, le 09 mai 2015