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À La Une - Pollution

Liban : mobilisation citoyenne pour dire « non » à la fumée noire de Zouk

Les citoyens, que le président du conseil municipal avait appelés à manifester, s'élèvent contre l'agrandissement de la vieille centrale électrique vétuste.

Photo Suzanne Baaklini

Des dizaines d'habitants du Kesrouan ont répondu samedi à l'appel du président du conseil municipal de Zouk Mikael, Nohad Naufal, et ont manifesté devant l'entrée principale de la centrale électrique de Zouk. La colère était perceptible contre les célèbres cheminées blanc et rouge de la centrale qui vomissent leurs poisons quotidiennement : rares sont les manifestants qui n'ont pas sur leur téléphone portable  des photos de fumée noire. Brandissant des drapeaux libanais et des banderoles munies de slogans qui dénoncent la « mort lente causée par la pollution », ils ont défilé dans l'ordre pour briser le silence. Des membres de la brigade anti-émeute des Forces de sécurité intérieure (FSI) étaient postés à l'entrée de la centrale pour éviter tout débordement.

Cette centrale a été construite en 1956 mais est devenue particulièrement polluante depuis son fonctionnement au fuel oil en 1983. Après plus de trente ans de silence, le catalyseur de ce mouvement de protestation est une décision d'agrandir cette centrale et d'y ajouter de nouveaux groupes électrogènes dotés de onze nouvelles cheminées. « Notre mouvement d'aujourd'hui est pacifique, nous avons lancé notre cri d'alarme et allons rentrer chez nous, a crié Nohad Naufal à l'intention de jeunes manifestants qui voulaient forcer le barrage des agents de sécurité et pénétrer dans la centrale. Nous mettons cependant les autorités en garde : nous exigeons l'arrêt des travaux d'agrandissement de la centrale. Si nous ne sommes pas entendus d'ici quinze jours, nous allons recourir à l'escalade. Et ce jour-là, nous n'attendrons la permission de personne pour forcer les portes de la centrale s'il le faut. »



Les manifestants qui ont répondu à l'appel samedi sont en majorité des habitants du Kesrouan, excédés par la pollution. Zeina Kallab en fait partie, elle a même été candidate aux élections législatives. « Je constate que de plus en plus de personnes autour de moi sont atteintes de cancer des poumons, ça ne peut pas être une coïncidence, dit-elle. Il est indispensable que des filtres soient installés dans la centrale et qu'on la fasse fonctionner au gaz naturel, bien moins polluant que le fuel oil. Nous devons sauver les vivants si nous ne pouvons plus rien pour les morts. »

Imad Hantouche, un jeune homme de 27 ans, souligne que « la population de la région est excédée par ce fléau qui les touche dans leur chair, puisqu'il a un impact sur leur santé ». « Nous aurions dû nous rebeller depuis longtemps, il est vrai, mais nous attendions un leader qui initie un tel mouvement », ajoute-t-il.
De nombreux manifestants marchaient avec un masque en papier sur le visage, un acte symbolique s'il en est. « Cette centrale est devenue un problème insupportable, lance l'un d'eux, Joseph Khalil. Nos maisons sont couvertes de suie à longueur de journée. » Michel Harfouche, un autre manifestant, déplore la recrudescence des maladies pulmonaires et constate que même les plantes n'échappent pas à la pollution. « Les feuilles vertes jaunissent à chaque fois qu'une fumée noire se dégage des cheminées, dit-il. C'est une preuve supplémentaire de l'impact de cette pollution sur nos vies. »

(Lire aussi : Électricité de Zahlé lance son unité de production privée)

 

« Déplacer la centrale »

La manifestation a été précédée d'une conférence de presse tenue par Nohad Naufal au siège de la municipalité de Zouk Mikael. Il était entouré du ministre du Travail Sejaan Azzi, des députés du Kesrouan Farid Elias el-Khazen, Nehmatallah Abi Nasr, Youssef Khalil et Gilberte Zouein, du député du Metn Samy Gemayel et de l'ancien député Farès Boueiz. Il a été précisé qu'une invitation a été envoyée au ministère de l'Energie, mais que le ministre Arthur Nazarian (qui fait partie du même bloc que les députés du Kesrouan) est en voyage. A l'audience était distribué le livre « Le dossier noir », qui retrace l'historique de la lutte de la municipalité contre la pollution dégagée par cette centrale, ainsi que les décisions gouvernementales sur le sujet et des rapports d'hôpitaux de la région montrant une nette progression des maladies pulmonaires, notamment des cas de cancers.

Nohad Naufal a rappelé « les multiples promesses faites à la municipalité et à la Fédération des municipalités du Kesroun (ndlr : dont il est également le président), et qui sont toutes restées lettre morte ». Il se souvient particulièrement d'une décision ministérielle de 1996 qui visait à allouer un budget de 110 millions de dollars pour des améliorations dans les centrales de Zouk et de Deir Ammar, ainsi que d'une promesse arrachée en 2007 au Premier ministre de l'époque pour déplacer la centrale vers un terrain à Hamate, appartenant à l'Electricité du Liban (EDL).
« Nous ne voulions pas descendre dans la rue afin d'éviter que cette affaire ne soit politisée, a-t-il affirmé. Mais dorénavant, avec le projet d'agrandissement de la centrale sans étude d'impact environnemental, nous n'avons plus le choix. Si la situation est si grave avec trois cheminées, que se passera-t-il avec onze de plus ? »

Le président du conseil municipal de Zouk a lancé un appel aux hommes politiques de tous bords pour « freiner l'agrandissement de la centrale et déclarer un état d'urgence environnemental dans la région ». « La mesure la plus urgente est de contrôler le fuel importé, qui doit être à faible teneur en soufre, pas plus de 1% selon les normes internationales, a-t-il dit. A plus long terme, il faudrait soit réhabiliter la centrale afin qu'elle fonctionne au gaz naturel, soit la déplacer vers une autre région. »

Les interventions des hommes politiques présents ont abondé dans le sens de Nohad Naufal. Le député Farid el-Khazen, pour sa part, a précisé que la centrale réhabilitée et agrandie sera exécutée de manière à fonctionner au gaz. Toutefois, il n'a pas répondu à une question qui lui a été posée : fonctionnera-t-elle au fuel en attendant ?

Au cours de la conférence de presse, des photos de fumée noire se dégageant des cheminées de Zouk ont été exposées. Pour Raja Noujaim, écologiste, rencontré sur place, « la fumée noire est un faux problème, elle est due aux tests effectués actuellement dans la centrale en vue de la réhabilitation ». « Le véritable problème de ceux qui gèrent le site, c'est qu'ils n'ont pas pu réduire le taux d'oxyde d'azote (NOx, un polluant dangereux) de plus de 10%, selon les données fournies par l'EDL (voir L'Orient-Le Jour du 21 avril), explique-t-il. Il se trouve toujours à un taux de 430 mg/mètre cube alors que la norme définie par la Banque mondiale est d'un maximum de 165 mg/mètre cube. C'est là que réside le vrai problème : il est impossible de réduire davantage le NOx. D'où la conclusion suivante : une centrale vieille de 60 ans ne peut plus être réhabilitée. Il faut impérativement la déplacer vers une région moins densément peuplée et en construire une autre, moins polluante. »


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commentaires (3)

NON ! ET MILLE FOIS NON !!!

LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

19 h 01, le 27 avril 2015

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Commentaires (3)

  • NON ! ET MILLE FOIS NON !!!

    LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

    19 h 01, le 27 avril 2015

  • La fumé noire qui sort de la cheminée...est de mauvaise augure..., ca veut dire que le pape n'est pas élu...il faut donc, même à Zouk attendre la fumée blanche....

    M.V.

    15 h 16, le 26 avril 2015

  • Les quatre députés du Kesrouan s'empressent pour assister ostensiblement à la réunion à Zouk autour de Nouhad Naufal... Ils sont les députés de la circonscription du Kesrouan depuis neuf ans. Qu'ont-ils fait concernant le scandale de la Centrale de Zouk depuis neuf ans ? RIEN. Pourtant les dangers sur la santé des riverains sont connus depuis plus de 50 ans. Ils accourent maintenant comme des mouches à merde uniquement pour des raisons électoralistes qui ne trompent plus personne. Ils feraient mieux d'aller au Parlement pour élire le Président de la République.

    Annie

    11 h 37, le 26 avril 2015

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