L’opportunisme politique au cœur des nouvelles transformations du FN

Ces dernières années, Marine Le Pen s'est engagée dans une stratégie de réhabilitation du Front national (FN) qui rompt avec le discours populiste poujadiste et ses relents antisémites. Face aux envolées polémiques de son père à chaque échéance électorale, Marine le Pen s'est engagée dans un conflit ouvert avec lui. Les propos de Jean-Marie Le Pen qui font ouvertement référence au pétainisme et au génocide semblent desservir les projets politiques de sa fille, présidente du FN, dans une vision stratégique renouvelée du parti. En effet, il semble que cette dernière veuille offrir une nouvelle image de marque à son parti sur les questions névralgiques liées à la Seconde Guerre mondiale dans une logique d'alliance politique. Pour Joël Gombin, chercheur et spécialiste des partis d'extrême droite, les clivages qui opposent père et fille seraient essentiellement générationnels et politiques. « Il y a une différence indéniable dans le rapport à l'histoire et à la mémoire, mais je ne suis pas certain qu'il y ait une idéologie structurée chez Marine le Pen. Il y a plutôt un positionnement politique et stratégique qui exclut tout antisémitisme », affirme M. Gombin. Mais le chercheur considère que la question du rapport à Israël reste secondaire pour le Front national. D'après lui, « les tentatives de rapprochement opérées par le Front national avec des milieux pro-israéliens tant sur le plan diplomatique à l'étranger que sur le plan électoral en France n'ont pas été couronnées de succès. Je pense que la question centrale est celle de l'antisémitisme qui reste un tabou au sein de l'espace public français ».

(Portraits croisés : Marine et Jean-Marie, la rupture générationnelle et politique semble consommée)

« Normalisation ? »
L'attachement initial de Jean Marie Le Pen, fondateur et président d'honneur du FN, à une stratégie d'ascension du FN, seul, semble en contradiction avec la volonté de Marine de s'ouvrir aux alliances. Pour autant, M. Gombin fait montre de prudence et se refuse de parler de « normalisation ». « Le FN se présente comme un parti différent avec une virginité politique. Je pense qu'il y a une forme de contrôle dans le discours politique pour éviter de porter les stigmates du passé mais sans remise en cause fondamentale du fonctionnement de ce parti. » On peut néanmoins se demander si le tournant initié par Marine n'entraînera pas une reconversion du Front national, empruntant la voie tracée par d'autres partis de l'extrême droite européenne. Nous avons en effet pu assister à des virages décisifs pour des formations comme celle de l'ancien président du Parti populaire espagnol de filiation franquiste, José Maria Aznar, ou celle de Gianfranco Fini, ancien leader du parti d'extrême droite italien la Ligue du Nord, lui-même héritier de l'idéologie fasciste. Mais ces évolutions restent étroitement liées au contexte politique et aux changements dans les rapports de force. L'antisémitisme virulent qui caractérise l'histoire passée de ces partis a été battu en brèche par la montée d'un autre consensus idéologique qui lui substitue un nouveau danger dans l'imaginaire collectif des sociétés européennes.

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