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Liban - Patrimoine architectural

Une bâtisse vieille de 150 ans ? Hop, on démolit !

À l'instar des centaines d'anciennes bâtisses tombées sous le couperet des démolisseurs, celle des Houssami, à Aïn Mreissé, est passée sous le rouleau compresseur d'un promoteur immobilier. Elle aurait pu connaître un autre sort si les députés, toutes tendances confondues, avaient légiféré pour mettre fin au massacre. Nos élus resteront dans l'histoire comme les fossoyeurs du patrimoine.

Les différentes étapes de la destruction de la bâtisse dont la construction du premier niveau daterait de la première moitié du XIXe siècle...

Datant de la seconde moitié du XIXe siècle, la maison Houssami a été démolie selon un topo désormais classique : démonter le toit, arracher les fenêtres et livrer le bâtiment aux vents et à la pluie, qui inonde les lieux et les transforme en ruine. Et un matin, les voisins, réveillés par les vrombissements et les secousses d'un bulldozer, assistent à la dévastation de l'une des façades. Prenant acte de l'affaire, les acteurs publics déclarent le bâtiment « danger public » et signent le permis de démolition. Le dossier est clos. Aucune sanction à caractère dissuasif n'est prise. Le génocide de l'héritage architectural continue... Bientôt, la maison traditionnelle qui raconte 150 ans de l'histoire sociale du pays sera bannie du vocabulaire beyrouthin.


Que de passionnés réussissent pourtant à redonner tout son lustre à cette vieille architecture. Mais sommes-nous conscients de l'effort qu'ils y consacrent ? Alors que le permis de détruire est délivré en toute facilité, c'est la croix et la bannière pour obtenir l'autorisation de restaurer une vieille demeure. Un architecte raconte le chemin de Compostelle de la rénovation. Une épreuve où la patience se révèle être la vertu essentielle. Tout d'abord, il prépare son dossier (acte de propriété, attestation d'alignement, plans de la maison, étude de la réfection et d'autres papiers, qu'il faut deux à trois mois parfois pour se procurer) ; il le présente au bureau technique de la municipalité de Beyrouth avant de le soumettre au ministère de la Culture et au mohafazat. Puis il attend. Il attend Godot... et la délivrance du permis de réfection. Celui-ci n'est valable que pour six mois. Au bout de ce délai, il devient caduc.

 

(Lire aussi : À la mémoire des anciennes bâtisses de Beyrouth...)

 

Surréel
« Or la réfection d'une ancienne bâtisse demande autant de temps qu'une nouvelle construction, sinon plus », dit l'architecte, expliquant que le patrimoine est le plus souvent très vétuste et, de surcroît, ne répond pas aux nouvelles normes en vigueur dans le bâtiment. « C'est pour cela que, parfois, démolir pour reconstruire est plus facile et économique, surtout pour des habitations qui n'ont pas été rénovées depuis plus de 50 ans ». « En six mois, nous n'avons pas le temps de mobiliser une équipe d'ouvriers et de mettre aux normes du XXIe siècle la structure et tous les conforts adéquats – chauffage, climatiseurs, salles de bains, cuisine, etc. Alors rebelote. On recommence à zéro. On (ré)entame les mêmes formalités pour rassembler les pièces justificatives et on (ré)entreprend les mêmes démarches auprès des administrations concernées. Puis on attend que les différents échelons des responsables se décident à nous remettre un nouveau permis. Entre-temps, si les agents de police attrapent un ouvrier plantant un clou, la maison est mise sous scellés. »

 

(Lire aussi : Le port de Byblos et sa zone côtière en péril...)


« Et c'est ainsi tous les six mois, jusqu'à la fin des travaux. Dans l'intervalle, il faut renouveler l'acte de propriété et l'attestation d'alignement tous les trois mois, ajoute un spécialiste. Je veux bien que l'acte de propriété soit valide pour trois mois car il pourrait y avoir changement de propriétaires. Mais trois mois pour l'attestation d'alignement (largeur des routes devant la propriété et zone foncière du bâtiment), alors que l'aménagement du territoire de Beyrouth est gelé depuis les années soixante, c'est totalement absurde. De plus, les plans cadastraux ne sont pas informatisés. Ils sont dessinés à la main. Et un coup de crayon un peu gras vous fait perdre à chaque fois un mètre carré ! »
D'autre part, au lieu d'alléger les taxes, la municipalité impose un « forfait parking astronomique » aux propriétaires, relève un autre architecte, qui raconte aussi qu'un de ses collègues attend depuis trois ans le permis de restaurer une vieille demeure.


Force est de constater que tout est fait pour décourager et écœurer les propriétaires des vieilles demeures... Que, depuis les années 1990, on répète les mêmes mots, on égrène les mêmes maux qui frappent le Liban, victime d'une opération de marquage à tous les niveaux : urbanisation sauvage, sites dégradés, côtes bétonnées, végétations rasées, ressources hydrauliques polluées et une grande bleue servant d'ultime réceptacle aux déchets domestiques et industriels.

 

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Datant de la seconde moitié du XIXe siècle, la maison Houssami a été démolie selon un topo désormais classique : démonter le toit, arracher les fenêtres et livrer le bâtiment aux vents et à la pluie, qui inonde les lieux et les transforme en ruine. Et un matin, les voisins, réveillés par les vrombissements et les secousses d'un bulldozer, assistent à la dévastation de l'une des...

commentaires (3)

COMME UNE VIEILLE DAME SUR DES BÉQUILLES... SI ON L'EMBELLIT ET LA DÉCORE DE L'EXTÉRIEUR... ELLE RESTE UNE VIEILLE DAME SUR DES BÉQUILLES ! À MOINS QUE LA BÂTISSE SOIT QUELQUE CHOSE DE VRAIMENT VALEUREUX... DÉMOLIR ET REBÂTIR EST LE MOT D'ORDRE !!!

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 36, le 07 mars 2015

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Commentaires (3)

  • COMME UNE VIEILLE DAME SUR DES BÉQUILLES... SI ON L'EMBELLIT ET LA DÉCORE DE L'EXTÉRIEUR... ELLE RESTE UNE VIEILLE DAME SUR DES BÉQUILLES ! À MOINS QUE LA BÂTISSE SOIT QUELQUE CHOSE DE VRAIMENT VALEUREUX... DÉMOLIR ET REBÂTIR EST LE MOT D'ORDRE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 36, le 07 mars 2015

  • ..."nos élus resteront dans l'histoire comme les fossoyeurs du patrimoine..." Honte à eux tous, et que tout l'argent ainsi amassé brûle leurs doigts et leur âme souillée par tant de cupidité, source de leur laisser-faire coupable !!! Irène Saïd

    Irene Said

    14 h 46, le 07 mars 2015

  • C'est un crime contre notre histoire et notre patrimoine...! comment les bulldozers des requins promoteurs sous cultures , peuvent 'ils agir en toute impunité...? où sont les complices dans ce gouvernement fantoche...?

    M.V.

    13 h 44, le 07 mars 2015

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