Annoncé fin 2013, le Berytech Fund II géré par une holding éponyme a clôturé, hier, sa levée de fonds initiale auprès de dix-neuf banques libanaises. Leurs participations vont de 500 000 à 10 millions de dollars, portant le total des engagements à 51,5 millions de dollars. Il s'agit du deuxième lancement opérationnel d'un fonds d'investissement opérant dans le cadre de la circulaire 331 de la Banque du Liban (BDL) qui a introduit en automne 2013 un mécanisme permettant aux banques commerciales d'entrer dans le capital de sociétés exerçant dans « l'économie de la connaissance » (voir encadré). Un secteur que le Berytech Fund II définit de manière large, en ne se limitant pas – contrairement à son prédécesseur Impact lancé en octobre dernier par Middle East Venture Partners, par exemple – aux seules start-up œuvrant dans l'économie numérique. « Elles restent notre cœur de cible et absorberont la majorité des investissements que nous réaliserons. Mais la BDL a approuvé, à l'été 2014, l'ensemble de notre champ d'intervention qui inclut également les nouveaux médias, le design ou les énergies renouvelables », se réjouit son directeur Paul Chucrallah.
Éviter le « spray and pray »
Lors de la conférence de presse, le PDG de Berytech Maroun Chammas a déclaré que les premiers investissements du fonds seraient annoncés dans les prochaines semaines. Globalement, l'essentiel du budget du fonds sera dédié à des investissements de série A compris entre un et cinq millions de dollars, avec des participations minoritaires oscillant entre 15 % et 40 % du capital des cibles. « Compte tenu des spécificités et de la jeunesse de l'écosystème libanais, notre stratégie d'investissement sera plus conservatrice que celles de fonds opérant aux États-Unis ou en Europe, par exemple. Nous souhaitons éviter le traditionnel "spray and pra" (NDLR : stratégie consistant à investir dans une multitude de boîtes en espérant toucher le gros lot avec quelques-unes), en nous limitant à une trentaine d'investissements, expose Paul Chucrallah. Un taux d'échec de l'ordre de 40 % du volume global du fonds assorti de plus-values moyennes de 4-6 fois les montants engagés au moment des sorties pourra être considéré comme satisfaisant. Bien sûr, nous comptons sur quelques sorties dépassant largement ces ratios. »
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En attendant, les montants envisagés s'inscrivent dans la droite ligne des autres fonds généralistes appelés à opérer dans le cadre de la circulaire 331. Impact devrait investir ses 55 millions de dollars dans des tickets compris dans des fourchettes similaires tandis que Henri Asseily, Hervé Cuviliez et Hala Fadel, les fondateurs du fonds Leap Ventures qui a également reçu l'agrément de la BDL, se préparent à lever un volume de capitaux à peu près équivalent, destinés toutefois à des entreprises plus matures. À eux trois, ces fonds devraient donc absorber plus du tiers des quelque 470 millions de dollars de capitaux potentiellement engageables dans le cadre de la circulaire 331. Une donnée qui confirme leur rôle central dans le dispositif de financement de l'écosystème et souligne en creux la faible appétence des banques pour les investissements directs dans des start-up : « Les fonds d'investissements sont gérés par des spécialistes du capital-risque dont les spécificités sont aux antipodes du cœur de métier des banques », résume Paul Chucrallah. De fait, depuis l'entrée en vigueur de la circulaire, seules deux d'entre elles ont réalisé des investissements de ce type : al-Mawarid a investi 200 000 dollars dans Presella en mai 2014 et BLC Bank, avec 1,5 million de dollars injectés dans Cinemoz en novembre.
« Penser l'impensable »
« Quant aux entrepreneurs, les tickets investis par les fonds pourront désormais leur permettre d'envisager un avenir à 3-5 ans et de cesser de fonctionner de manière sous-optimale. L'ensemble de l'écosystème va pouvoir changer de dimension en s'autorisant à penser l'impensable et se lancer dans des activités jugées jusque-là trop compliquées à financer. » À l'instar de ses homologues opérant sous d'autres latitudes, le Berytech Fund II entend par ailleurs consacrer environ 10 % de ses capitaux à quelques opérations d'amorçage ou des initiatives de soutien aux start-up, telles que l'accélérateur Speed, lancé en janvier dernier. « Nous souhaitons également créer une association d'investisseurs exerçant une activité d'influence auprès des décideurs pour faire évoluer l'environnement du secteur », signale Paul Chucrallah.
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Le mécanisme de financement prévu par la circulaire 331
La circulaire intermédiaire n° 331 émise en août 2013 par la Banque centrale permet aux banques libanaises d'investir jusqu'à 3 % de leurs fonds propres dans des sociétés – start-up, incubateurs et accélérateurs, ou fonds d'investissements – œuvrant dans « l'économie de la connaissance ».
Concrètement, les banques pourront prendre jusqu'à 80 % du capital d'une société pendant sept ans maximum. En échange, elles obtiennent des facilités de crédits à taux zéro de la Banque centrale pendant leur participation. Ces crédits sont calculés de façon à garantir au moins 75 % de l'investissement, voire davantage en cas de dérogation spécifique. Au terme de leur engagement, les banques devront reverser à la BDL la moitié des profits éventuellement réalisés ; et affecter le solde à un autre investissement ou à une augmentation de leur capital.
Dans le cas d'un investissement direct dans une start-up, la circulaire prévoit une validation préalable de la BDL en fonction des critères quantitatifs énoncés ci-dessus et d'autres critères comme la localisation de son siège social au Liban. Lorsque les investissements sont réalisés à travers un fonds, la BDL vérifie les engagements des banques dans ce dernier et non chacune des opérations qu'il réalise ensuite.
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