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Économie - Trois questions à

« L’avenir du port de Beyrouth est un enjeu national »

Samir el-Daher, ancien spécialiste des infrastructures à la Banque mondiale.

Le remblaiement du bassin n° 4 est une option parmi d’autres, qui ne doit pas être rejetée.

Depuis plusieurs semaines, le dossier du remblaiement du bassin n° 4 et de l'avenir du port de Beyrouth est l'objet de négociations en sous-main entre le gouvernement, l'Autorité du port et les opposants au projet. Le point sur ce dossier sensible avec le conseiller économique de l'ancien Premier ministre, Nagib Mikati, et ancien spécialiste des infrastructures à la Banque mondiale, Samir el-Daher, qui doit, pour lui, être intégré à une politique d'aménagement du territoire.

 

Êtes-vous favorable au projet de fermeture du bassin n° 4, défendu par l'autorité du port ?
Il y a un fait : l'accroissement du trafic maritime au port de Beyrouth exige qu'on dégage à plus ou moins long terme des espaces supplémentaires. Le remblaiement du bassin n° 4 est une option parmi d'autres, qui ne doit pas être rejetée. Mais d'autres peuvent être envisagées, notamment l'extension des frontières du port au-delà du fleuve de Beyrouth. J'entends dire que les sols rendent ces travaux délicats. Mais le fleuve de Beyrouth n'est ni le Mississippi ni le Nil ! Il existe des technologies pour suppléer aux difficultés de terrain, surtout si on compare le coût de ces travaux à celui – majeur – du remblaiement ! Que le fleuve, par ailleurs, soit la limite administrative de la ville – comme cela a aussi été évoqué pour expliciter pourquoi le port ne s'étendait pas au-delà – n'a pas d'incidence pour un projet national par opposition à un projet municipal. Il y a aussi d'autres pistes à explorer qui ne dépendent pas toutes de l'autorité du port elle-même : améliorer l'efficience des opérations au port, accélérer les procédures de dédouanement ou les inspections des ministères, qui justifient pour partie ce besoin d'espaces supplémentaires. Ces décisions appartiennent aux institutions publiques, qui doivent aborder le dossier du point de vue de l'intérêt national.

 

Cette vision nationale existe-t-elle ?
Un Plan national d'aménagement et du développement du territoire a été formulé en 2005 par le Conseil du développement et de la reconstruction, et approuvé en Conseil des ministres. Mais ses dispositions ont été rarement observées, des dérogations étant même périodiquement accordées. Ce schéma directeur, qui entend favoriser un développement intégré sur l'ensemble du territoire national, prévoit trois ports principaux. Beyrouth, Tripoli et Zahrani (Saïda). Avec pour chacun une « spécialisation » répondant aux opportunités de développement et des échanges avec leur hinterland naturel. Le port de Beyrouth, qui souffre de l'engorgement automobile, doit se spécialiser dans l'activité de conteneurs ainsi que sur les importations pour le marché domestique et les exportations libanaises. Au contraire, pour Tripoli, est prévu un projet de zone franche et de voie ferrée reliant la ville à la frontière syrienne, qui deviendrait plutôt le leader du trafic de marchandises en vrac et du transit vers la Syrie, l'Irak, puis des échanges vers la Turquie et l'Europe. Le port de Zahrani serait, lui, dédié au commerce avec les pays du Golfe. Bien sûr, la modernisation des ports du Liban réclame la construction d'infrastructures routières d'envergure. Beyrouth restera le premier port du Liban, mais on ne peut pas priver le Nord – région la plus démunie du Liban – d'un pôle d'attractivité.

 

L'Autorité du port n'a-t-elle pas obtenu le feu vert du gouvernement pour prendre ses décisions ?
Le port est une infrastructure dont dépendent 70 % des importations de marchandises et 30 % des exportations du Liban. C'est de facto une composante capitale de l'infrastructure de notre pays. Même si une très grande autonomie a été donnée au Comité de gestion et d'exploitation du port de Beyrouth, l'entité qui exploite le port de Beyrouth pour le compte de l'État, celui-ci ne peut pas prendre, à lui seul, des décisions qui relèvent d'enjeux nationaux. L'évolution du port de Beyrouth est une question d'utilité publique qui doit être intégrée à une réflexion globale dans le cadre d'un schéma directeur sur le développement économique du pays.

 

Pour mémoire

Les camionneurs paralysent le port de Beyrouth

 

Pour aller plus loin

L'enjeu de la fermeture du bassin n° 4 du port de Beyrouth, dans le Commerce du Levant

 

 

Depuis plusieurs semaines, le dossier du remblaiement du bassin n° 4 et de l'avenir du port de Beyrouth est l'objet de négociations en sous-main entre le gouvernement, l'Autorité du port et les opposants au projet. Le point sur ce dossier sensible avec le conseiller économique de l'ancien Premier ministre, Nagib Mikati, et ancien spécialiste des infrastructures à la Banque...

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