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Économie - Transport

Les camionneurs paralysent le port de Beyrouth

En l'absence d'une réaction du gouvernement à ses revendications, le syndicat des propriétaires de camions du port a lancé une grève ouverte. Objectif ? Arrêter les travaux de remblaiement du bassin n° 4, qui doivent transformer ces quais en une aire de stockage pour les conteneurs. Différentes rencontres ont eu lieu pour débloquer le dialogue.

Le syndicat des propriétaires de camions du port de Beyrouth a entamé une grève reconductible, bloquant les accès au site. Motif ? La fermeture du quartrième bassin, le principal, du port, qui menace, selon lui, l’activité de ses 1 500 membres. Des négociations entre le patriarche et le Premier ministre sont en cours pour tenter de débloquer le dialogue.

Le syndicat des propriétaires de camions du port de Beyrouth, qui regroupe 1 500 membres, a entamé une grève reconductible. Hier, les manifestants bloquaient les accès au port, empêchant les entrées aussi bien que les sorties de marchandises. Ce syndicat, qui bénéficie d'un large appui politique, du côté en particulier des représentants chrétiens – ce syndicat comptant a minima 80 % de chrétiens –, compte poursuivre son action « tant que le Conseil des ministres n'aura pas mis un terme aux travaux de remblaiement du bassin n° 4 du port », dixit Naïm Sawaya, président du syndicat.


En parallèle, hier, dans l'après-midi, le Premier ministre Tammam Salam rencontrait l'émissaire du patriarche maronite, le vicaire Boulos Sayah, qui tente depuis plusieurs semaines une opération de conciliation entre les différentes parties impliquées. Boulos Sayah a indiqué à L'Orient-Le Jour que cette rencontre s'était déroulée dans une « atmosphère positive » sans vouloir cependant en préciser plus avant la teneur. Une réunion du comité de coordination, qui réunit les partis politiques ainsi que les différents acteurs de ce conflit, sous l'égide du patriarche, est également prévue ce matin à 10 heures pour envisager les suites à donner à ce mouvement.


Au cœur de ce conflit social : le sort du bassin n° 4 du port de Beyrouth. La direction du port a commencé à en remblayer une partie afin de libérer environ 130 000 m2 de terre-plein. Objectif ? Créer une nouvelle aire de stockage pour les conteneurs, en attente de sortie du port. Les grévistes ainsi que certains transitaires ou agents maritimes voient dans ce projet une menace pour le transport conventionnel, c'est-à-dire les bateaux transportant de la marchandise en vrac (ferraille, bétail, sucre, farine...).

 

(Pour mémoire : Fadi Abboud : « Nous irons jusqu'à fermer le port pour empêcher le remblayage du 4e bassin... »)

 

Craintes pour l'emploi
« Avec cette réorganisation, les navires transportant du vrac, qui représentent le gagne-pain des camionneurs, ne pourront plus accoster au port de Beyrouth faute de quais suffisamment longs et d'un tirant d'eau suffisamment profond. C'est près de la moitié de l'activité des camionneurs qui est ainsi menacée. Ce projet interdira aussi aux bateaux de grand tonnage ou bien aux navires militaires de pénétrer dans le port de Beyrouth car nous n'aurons plus la capacité de les accueillir », avance Nassif Saleh, fondateur de Saleh Shipping, un transitaire et agent maritime, figure de pointe de la « contestation antiremblaiement ».
Les autorités portuaires démentent catégoriquement et assurent que l'activité de vrac sera simplement répartie sur les autres bassins. Pour Hassam Kraytem, PDG du Comité de gestion et d'exploitation du port de Beyrouth (GEPB), l'entité qui assure la gestion du site pour le compte de l'État libanais, la fermeture du bassin n° 4 et sa transformation en une aire de stockage est la seule réforme possible. Elle vise à répondre au problème de congestion posée par la croissance rapide de l'activité portuaire. En 2014, l'activité du terminal des conteneurs a représenté 1,21 million EVP (équivalent vingt pieds), un volume en hausse de 8,3 % par rapport à 2013. Or la capacité maximale (théorique) du terminal actuel est de 750 000 EVP annuels. « Les conteneurs représentent 80 % du chiffre d'affaires du port mais n'occupent que 20 % de sa surface. Il est normal que l'investissement aille là où se trouve la rentabilité », déclarait-il au Commerce du Levant il y a deux mois.

 

Lenteur administrative
Autre source d'engorgement : la légendaire lenteur administrative du port de Beyrouth. « S'il était possible d'accélérer le traitement des marchandises, ne serait-ce que de moitié, nous n'aurions pas besoin de surfaces supplémentaires de stockage », concédait Hassan Kraytem dans ce même entretien. Selon lui, les autorités du port n'ont « aucune prise » sur ces délais, qui dépendent d'autres structures comme les douanes et les ministères. Aujourd'hui, en moyenne, entre l'arrivée du conteneur et sa sortie définitive de la zone portuaire, il s'écoule 15 jours, contre 3 à 4 jours dans un port « normal ».
Ces arguments, Hassan Kraytem affirme les avoir soumis aux différentes parties, et il assure avoir obtenu leur feu vert en mai dernier. Selon lui, un accord a été conclu avec la plupart des syndicats garantissant le maintien au port de Beyrouth de l'activité liée aux transports conventionnels, et lui assurant même la primauté sur le futur quai n° 16, quand les travaux seront finalisés. Mais le syndicat des propriétaires de camions n'y croit pas et craint une délocalisation de cette activité au port de Tripoli. « Nous n'avons pas confiance », assure son président, Naïm Sawaya.

 

Besoin de transparence
Au-delà de ce conflit social, la question qui se pose mérite un débat plus large, estime le député et ministre du Tourisme Michel Pharaon. « Quelle vision veut-on pour le port de Beyrouth ?
Et quelles conséquences pour le Liban si on prive la capitale de la présence des cargos traditionnels ? » Le député pose, de surcroît, la question du contrat de gré à gré, accordé au groupe Hourié, d'un montant de près de 130 millions de dollars, pour mener à bien ces travaux. « Un contrat de gré à gré suscite forcément des questions, souligne-t-il. C'est pour cela que je souhaite une transparence totale sur ce contrat et demande à ce que des experts puissent le consulter, surtout si la baisse des cours du pétrole et de l'euro permet d'en réviser le coût. »

 

Pour aller plus loin

L'enjeu de la fermeture du bassin n° 4 du port de Beyrouth, dans le Commerce du Levant

Le syndicat des propriétaires de camions du port de Beyrouth, qui regroupe 1 500 membres, a entamé une grève reconductible. Hier, les manifestants bloquaient les accès au port, empêchant les entrées aussi bien que les sorties de marchandises. Ce syndicat, qui bénéficie d'un large appui politique, du côté en particulier des représentants chrétiens – ce syndicat comptant a...

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