Tempête sous narine

Le rhume est une infection très fréquente, notamment chez le jeune enfant. Plus de 200 virus sont à l'origine du rhume avec des conséquences diverses sur l'organisme. La transmission se fait surtout par voie aérienne (particules aérosols émises lors des éternuements et de la toux) et par contact (mains, poignées de porte...). Le nez est un point d'entrée possible pour les virus et les bactéries présents dans l'air que nous respirons. Il est donc armé en conséquence : l'intérieur du nez est tapissé de cellules qui forment la muqueuse nasale, un tissu humide et capable de réagir à l'environnement. Lorsque la muqueuse est agressée par un virus, une réaction inflammatoire se produit localement : les vaisseaux se dilatent, la muqueuse s'épaissit : c'est la sensation de nez bouché. Pour se défendre, les cellules produisent du mucus qui renferme des globules blancs et des anticorps pour piéger et éliminer les virus.
C'est d'ailleurs pour cela que le nez coule. Cette manifestation est un moyen de défense de l'organisme, utile autant que désagréable. Il faut donc le respecter et non le stopper trop brutalement. On parle alors de rhume carabiné : contrairement à ce qu'on pourrait croire, un rhume carabiné n'est pas un rhume de tireur d'élite. Les carabins étaient au XVIe siècle des soldats de cavalerie légère qui avaient troqué la lance traditionnelle contre une sorte de mousqueton court, adapté à l'équitation : la carabine. Ces cavaliers redoutables adoptaient une tactique efficace et meurtrière : ils arrivaient en trombe sur les rangs ennemis, déchargeaient leur arme et faisaient demi-tour avant d'attendre la riposte. Ces attaques soudaines, à bout portant, faisaient des ravages chez les malheureux fantassins et autres hallebardiers. Agrippa d'Aubigné décrit ainsi une de ces charges : « La cavalerie du prince avait quitté les lances, et les combattants avaient presque tous des carabines, desquelles, avant de tirer le pistolet, ils avaient abattu la plupart des piquiers de la longueur de leur bois. »
Cette escalade dans la violence armée frappait les imaginations, un peu comme de nos jours le passage d'une vague de bombardiers lourds. Ces « carabinades » furent donc vite célèbres et passèrent dans le langage : « On y redoute vos œillades autant que des carabinades », dit Scarron, sur un ton flatteur. Il en résulta le verbe « carabiner », se battre en carabins. Plus tard, ce terme a été utilisé dans la marine et désignait une brise intermittente, mais d'une rare violence. Il a ensuite doucement glissé dans le langage commun au sens de « très fort », voire « pénible », notamment en ce qui concerne le rhume. Celui de Walter Shira par exemple : c'est au deuxième jour de la mission Apollo Vll que Walter le commandant se réveille avec un rhume carabiné. Il fait part de son état au centre de contrôle qui lui recommande de commencer par un décongestionnant, en l'occurrence de l'Actifed. La trousse à pharmacie en contenait 24 et la totalité sera utilisée. Pour les missions Apollo suivantes, le stock sera porté à 60 comprimés. Walter Shira est le premier malade dans l'espace, mais 24 heures plus tard, deux autres astronautes présenteront les mêmes symptômes mais à un degré moindre... De l'Actifed sera également utilisé lors des missions Apollo lX, Apollo XII et Apollo XIII.
Du coup, au début des années 80, le laboratoire pharmaceutique qui commercialisait l'Actifed fera appel aux astronautes des différentes missions Apollo pour des spots publicitaires, moyennant des sommes importantes. Cela peut servir, un rhume...
(Sources principales : doctissimo.fr ; expression.com ; dossierssanté.fr)