Dénoncer l'unilatéralisme du Hezbollah pour ce qui a trait aux grandes décisions stratégiques ainsi que le peu de considération qu'il accorde à l'intérêt libanais perçu au sens large du terme est devenu monnaie courante. Le directoire du parti chiite ne s'en cache pas : il se place dans un espace-temps totalement déconnecté des considérations spécifiquement libanaises et des impératifs de la stabilité interne. La ligne de conduite et les calculs politiques du Hezbollah ne s'encombrent nullement du cadre, jugé étroit, de l'entité libanaise et s'inscrivent plutôt, irrémédiablement, dans le contexte géopolitique régional du projet et des ambitions démesurées du nouvel empire perse.
Le dernier discours du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, revêt à cet égard une importance indéniable, non pas parce qu'il reflète parfaitement, comme à l'accoutumée, l'arrogance érigée en pratique partisane bien réfléchie, mais parce qu'il illustre, une fois de plus, le fait accompli imposé aux Libanais depuis pratiquement la fin des années 60. Ce que le « numéro un » du parti pro-iranien s'emploie à obtenir, c'est l'édification d'une société guerrière placée au service de la raison d'État de la République islamique. En clair, le but recherché est de maintenir le pays dans une situation de guerre permanente, dans un climat de conflit chronique et perpétuel, sans horizons, sans frontières, sans perspectives, à part celles des visées régionales de Téhéran.
Le prétexte invoqué pour justifier une telle option stratégique transnationale est la nécessité de préserver la « résistance ». La « résistance » contre l'agression israélienne permanente, contre la politique belliqueuse de l'État hébreu. Certes. Mais une telle politique belliqueuse peut durer encore cent ans, ou plus. Faudrait-il alors pour autant que le Liban reste organiquement et indéfiniment ancré à un axe dit de la « moumanaa » (« obstructionnisme ») qui fait preuve d'un aventurisme guerrier sans foi ni loi, et qui tend souvent vers une certaine forme de terrorisme, à tel point que le pays tout entier devient l'otage, et la victime, de cette politique aventuriste ?
Cette situation imposée au Liban n'est pas nouvelle. Elle dure en réalité depuis la fin des années 60, lorsque les organisations palestiniennes armées ont amené manu
militari les Libanais à se soumettre à une conjoncture guerrière qui s'est avérée stérile dans la lutte contre l'État hébreu et qui a abouti à l'éclatement du pays sans qu'Israël ne soit ébranlé pour autant. Depuis la dernière guerre israélo-arabe de 1973, le Liban est pratiquement le seul pays de confrontation dans la région, alors qu'il avait été convenu au sein de la Ligue arabe qu'il serait un « pays de soutien ». Or, les deux principaux pays censés être de confrontation, l'Égypte et la Jordanie, ont signé des traités de paix avec l'État hébreu. Quant à la Syrie, depuis 1973, la « confrontation » se faisait dans les colonnes des journaux et les communiqués de presse. Si bien que le Liban est passé du statut de « pays de soutien » à celui de seul et unique pays de confrontation.
C'est précisément à ce niveau que se situe le profond clivage qui oppose le Hezbollah aux factions plurielles qui portent l'étendard de la révolution du Cèdre. Ce que le parti pro-iranien propose aux Libanais, c'est de s'engager sur la voie d'une conjoncture guerrière perpétuelle, sans horizons, qui les opposerait non pas seulement à Israël, mais également à l'Occident. Le camp opposé, par contre, celui de la révolution du Cèdre, rejette la prolongation illimitée de cette stratégie aventuriste, soulignant qu'après avoir été en premières lignes, seuls, pendant plus de 45 ans, les Libanais ont le droit de bénéficier d'un climat de paix
civile, de stabilité durable, de prospérité et de développement équilibré. Ils ont le droit de ne plus être otages d'un jeu régional qui ne leur rapporte que soubresauts sécuritaires, guerres intestines, assassinats, instabilité chronique, marasme économique, paralysie politique et déliquescence des institutions étatiques.
Il ne s'agit certes pas de se soustraire au devoir de solidarité avec le peuple palestinien face à Israël. Mais après 45 ans de confrontation militaire et sécuritaire unilatérale, le Liban a aujourd'hui le droit d'axer ses efforts sur le bien-être de sa population et d'opter pour une autre approche de la résistance, souvent beaucoup plus efficace que la résistance fondée sur les discours enflammés. Le combat peut prendre en effet d'autres formes, économiques, commerciales, culturelles, diplomatiques, médiatiques. Et dans ces domaines, les Libanais peuvent exceller et s'avérer plus efficaces qu'en demeurant otages d'un axe régional aux desseins douteux et aux visées hautement suspectes ou en tout cas profondément déstabilisatrices.
commentaires (9)
Un tres grand oui pour fin a toute strategie aventuriste ..Basta ...ca suffit le LIBAN NE PEUT PLUS SUPPORTER....KHLASSS
Soeur Yvette
17 h 17, le 03 février 2015