Rechercher
Rechercher

À La Une - témoignage

Le calvaire d'une Chilienne terrifiée par la prison mais décidée à avorter

"Je savais que c'était ma seule chance et que si ça se passait mal, j'aurais pu devoir poursuivre une grossesse avec un fœtus mort".

Manifestation pour la légalisation de l'avortement, à Santiago, en juillet 2013. AFP/MARTIN BERNETTI

Enceinte de trois semaines et décidée à avorter, Maria a dû entrer dans la clandestinité. Le Chili, un des sept pays au monde à interdire l'avortement sous toutes ses formes, le considère comme un crime passible de trois à cinq ans de prison.

"J'ai eu peur d'aller en prison parce que je n'avais pas de couverture santé et si j'avais eu un problème et dû être hospitalisée, j'aurais pu être dénoncée", explique dans un entretien à l'AFP la jeune femme, dont le prénom a été changé en raison de l'illégalité de l'avortement au Chili.
Maintenant Maria a 30 ans. Surprise par une grossesse non désirée il y a un an, elle prend une décision toute personnelle: elle ne pouvait pas avoir un enfant à ce moment-là, dit-elle.
"Je savais ce que j'avais à faire : avorter (...). Le problème était de savoir comment obtenir la pilule abortive, quel était son coût et où la trouver", raconte-t-elle.

Après avoir examiné plusieurs options avec sa mère et son compagnon depuis six ans, notamment celle de voyager dans un autre pays pour avorter, Maria se décide à aller sur Internet. Là, des dizaines de vendeurs anonymes offrent la pilule abortive et des médicament vendus sous diverses appellations et dont la vente est interdite au Chili.
Sur Internet, elle apprend l'existence d'une organisation internationale qui se consacre à la prévention des grossesses non désirées et des avortements à risques et qui peut lui envoyer du Misoprostol, un médicament pour traiter les ulcères d'estomac, mais qui a un puissant effet abortif.
Néanmoins, les médicaments auraient mis trop de temps pour arriver au Chili et sa grossesse aurait été déjà avancée. Finalement, elle achète les comprimés à une autre femme qui avait changé d'avis et décidé de garder le bébé.
Avec le soutien de sa famille, Maria décide d'interrompre sa grossesse au domicile de son petit ami.

 

"C'était ma seule chance"
Après avoir pris connaissance des informations sur l'absorption des comprimés, elle prend une première dose, qu'elle doit garder sous la langue jusqu'à ce qu'ils fondent dans la bouche.
"J'ai eu de fortes contractions, puis d'abord une diarrhée, puis j'ai perdu beaucoup de sang et j'avais encore le comprimé dans la bouche. Ensuite j'ai eu des nausées. J'ai dû avaler mes vomissements par trois fois pour ne pas cracher la pilule", raconte Maria.
"J'étais stressée, car je savais que c'était ma seule chance et que si ça se passait mal ou ne fonctionnait pas, j'aurais pu devoir poursuivre une grossesse avec un fœtus mort, ce qui peut arriver", ajoute-t-elle.

La douloureuse expérience a pris fin après un peu plus de douze heures. Et même si l'épreuve était terminée, Maria redoutait toujours que quelqu'un découvre ce qui s'était passé.
"Si quelqu'un avait su à un moment donné que j'avais avorté, on aurait pu me dénoncer et j'aurais été jetée en prison et tout le poids de la loi aurait pu retomber sur moi", rappelle-t-elle.

L'arrivée du Misoprostol, il y a environ 15 ans, a changé la donne pour les avortements clandestins au Chili. Officiellement, il y a 30 000 avortements par an, selon les registres des hôpitaux, qui comprennent également les fausses couches. Mais il n'existe pas d'estimations du nombre d'avortements clandestins.

La présidente socialiste Michelle Bachelet, réélue en décembre dernier, a adressé au Congrès un projet de loi visant à dépénaliser l'avortement en cas de risque pour la mère, de viol ou de non viabilité du fœtus.
Lors de son premier mandat (2006-2010), la présidente socialiste, pédiatre de formation, avait bataillé dur pour faciliter l'accès à la "pilule du lendemain", qui lui avait valu d'être dénoncée devant le Tribunal constitutionnel et qui reste encore difficile à obtenir dans ce pays de 17 millions d'habitants.
"Ce serait un premier pas vers l'avortement thérapeutique, relève Maria, mais le Chili est vraiment en retard".

 

Pour mémoire
Enceinte de 13 semaines, une Italienne avorte en Espagne

Le pape demande aux gynécologues catholiques de défendre "la vie" dans les hôpitaux

Enceinte de trois semaines et décidée à avorter, Maria a dû entrer dans la clandestinité. Le Chili, un des sept pays au monde à interdire l'avortement sous toutes ses formes, le considère comme un crime passible de trois à cinq ans de prison."J'ai eu peur d'aller en prison parce que je n'avais pas de couverture santé et si j'avais eu un problème et dû être hospitalisée, j'aurais pu...
commentaires (1)

On ne nous dit malheureusement pas - et c'est pourtant là l'essentiel - ce qui a motivé sa décision de tuer l'enfant qu'elle portait. Il ne nous est pas permis de la juger, mais,sans connaître ses raisons, difficile également de la plaindre.

Yves Prevost

06 h 58, le 01 février 2015

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • On ne nous dit malheureusement pas - et c'est pourtant là l'essentiel - ce qui a motivé sa décision de tuer l'enfant qu'elle portait. Il ne nous est pas permis de la juger, mais,sans connaître ses raisons, difficile également de la plaindre.

    Yves Prevost

    06 h 58, le 01 février 2015

Retour en haut