Le nouveau syndicat des travailleurs domestiques et agents de nettoyage compte sur la prééminence des traités internationaux pour exister au Liban, malgré les réticences du ministère du Travail à le reconnaître.
Le lancement de ce syndicat « pas comme les autres » date du dimanche 25 janvier. « Nous voulons être traitées comme des êtres humains, de vrais travailleurs », déclarait à l'AFP Leticia, une Philippine, battue et violée par un ancien employeur il y a quelques années. La jeune femme se trouvait ce dimanche au siège de la Fédération nationale des syndicats, des ouvriers et des employés au Liban (Fenasol) qui abrite la nouvelle organisation, pour « fêter » l'événement. En tout, 400 personnes ont déjà adhéré, selon Castro Abdallah, le secrétaire général de la Fenasol.
Mais ce nouveau syndicat, qui compte cinq sections distinctes, attend toujours le feu vert du ministère du Travail, auquel une demande d'autorisation officielle a été envoyée le 29 décembre. Un communiqué du ministre du Travail, Sejaan Azzi, du 26 janvier laisse entendre qu'il y est opposé. Au Liban, la constitution d'un syndicat est soumise à l'autorisation du ministère du Travail (sur avis du ministre de l'Intérieur) qui dispose d'un délai de deux mois pour faire connaître sa décision définitive, soit dans ce cas jusqu'à fin février. Il peut aussi décider de « garder le silence », ce qui équivaudrait, au regard du droit, à un rejet de la demande de création du syndicat.
Cette prérogative ministérielle a été dénoncée maintes fois par les syndicalistes ou les organisations internationales. « Elle contrevient aux accords internationaux sur le travail », rappelle l'avocat Nizar Saghié. Quatre-vingt-sept accords internationaux – dont huit principaux – organisent les relations sociales entre salariés et employeurs. Le Liban a ratifié la majorité d'entre eux, sauf l'un des plus importants : la convention n° 87 de 1948, qui garantit la libre formation des syndicats, notamment pour les fonctionnaires et les travailleurs étrangers. Votée en Conseil des ministres en 2012, la ratification définitive de ce texte essentiel dort, depuis, dans les tiroirs du Parlement.
(Pour mémoire: Au Liban, les employées de maison étrangères dans la rue pour réclamer leurs droits)
En cas de rejet de la demande, les syndicalistes envisagent de se tourner vers le Conseil d'État pour demander l'annulation de cette décision, contraire selon eux aux conventions internationales. Refuser de donner l'agrément ministériel reviendrait à dire que le Liban entend garder ces travailleurs dans une situation d'extrême vulnérabilité. « On serait alors en droit de dénoncer des conditions de travail forcé, voire un trafic humain », affirme Nizar Saghié.
Le besoin de protection de ces personnes est lié à la précarité de leur statut juridique. Si les agents de nettoyage, lorsqu'ils sont dûment déclarés, bénéficient de la protection du code du travail, en revanche, les employées de maison en sont exclues au motif que leur travail s'exerce dans la sphère privée et familiale. Par défaut, elles sont assujetties au droit commun, c'est-à-dire au code des obligations et des contrats, rédigé en 1932, qui fixe les règles d'usage entre le « maître », le terme employé dans le code, et les « domestiques ». Elles sont également soumises à la loi n° 44 de 1984, relative au travail des étrangers. C'est cette loi qui exige un « kafil », un « garant » – soit l'employeur – pour assumer la responsabilité économique et juridique de l'employé étranger pendant tout le temps de son contrat de travail. Sur le plan juridique, l'institution de la kafala (« sponsorship ») interdit à l'étranger d'exercer une autre activité que celle pour laquelle il a été recruté et l'empêche, en théorie, de changer d'activité ou d'employeur au cours de son séjour. Les étrangers occupant ces fonctions sont estimés entre 200 000 et 250 000.
Pour mémoire
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commentaires (4)
Qu'en pense Randa(h) à la casquette.... ou au béret ?
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
12 h 06, le 30 janvier 2015