1. Zeinab Bazzal
Nos boys, comme tous les soldats du monde, savaient, dès le premier jour de leur enrôlement, qu'ils pouvaient à n'importe quel moment tomber sur n'importe quel champ d'honneur. Leurs mères aussi : à chaque fois qu'ils portaient l'uniforme, leurs petits cœurs tout mous chaviraient et leurs poings se serraient. Alors, passe encore que leurs fils soldats ou policiers aient été kidnappés par les monstres jihadistes. Le pire, c'est l'attente, l'inhumaine, la barbare attente du bon plaisir de la bête. L'attente-Golgotha de Zeinab Bazzal, mais aussi celle de Zeinab Noun, Chamla Hamiyé et Basma el-Sayed, de tous les Libanais ; l'attente, aussi, infernale que l'État fasse quelque chose. Munchienne(s).
2. Amal Alameddine
Photo AFP
Le buzz a beau avoir été gigantesque, son nom et surtout ses photos ont beau avoir été (dé)multipliés à l'infini, le mariage en 2014 de la Libano-Britannique avec George Clooney a eu ceci d'incroyable qu'il l'a désincarnée. Déshumanisée. On ne voyait plus en elle la femme, mais l'épitomé de la nation, un cèdre à elle toute seule, l'incarnation d'un pays à la dérive que l'acteur-monde, hollywoodien jusqu'à l'os, a choisie pour épouse ; que celle qui a ramené au foyer le gendre idéal. Maintenant que Clooney is in da house, l'avocate peut vaquer à ses occupations : défendre, après Assange, Timochenko ou les antiquités grecques, l'Arménie. Brillante.
3. Sabah
Petite fille du soleil. Dans ses yeux, la vie dansait : des (halé) dabkés (ya ba of), des cha cha cha, des madisons, des jerks, des twists. Dans la vie, ses yeux aimaient, follement, férocement, forcément : le cinéma, surtout de série B ou Z ; la chanson, Chou esmak, illi chou esmak, ya chaghil hal nas bi hesnak ; les robes de fée, l'overmaquillage ; les beaux garçons tellement plus jeunes qu'elle et l'amour sous n'importe quel ciel. Généreuse jusque l'inconscience, classieuse comme une impératrice, seule comme une monstresse sacrée, elle est partie en 2014 fédérant autour de son cercueil des générations entières, souvent en larmes, qui, eux aussi, chantaient et dansaient. Iconique.
4. Haïfa Wehbé
Photo AFP
Critiquée jusqu'à la moelle ? Elle s'en fout. Piètre chanteuse ? Elle s'en fout. Actrice moyenne ? Elle s'en fout. Réputation immonde ? Elle s'en fout. Has been, ricanent certains ? Elle s'en fout. En 2014, mademoiselle a maigri, emballé les réseaux sociaux avec son film, Halawet er-Rouh, et provoqué les foudres hallucinées du calife en personne, Abou Bakr al-Baghdadi, à cause d'une robe Zuhair Murad. Monumentale.
5. Léa Salamé
Bon sang ne ment jamais. Elle a beau avoir passé plus de trente ans en France, son ADN, sa nature et sa culture restent intensément libanais. À la fois Petit Chaperon Rouge mutine et grand méchant loup intello, folle de politique et de projecteurs : elle a raison, ils lui vont bien, elle a compris qu'elle ne doit jamais plaire à tout le monde. En 2014, Laurent Ruquier lui a offert une jolie arène, France Inter aussi. Rayonnante.
6. Zeina Kassem
Un parent qui enterre son enfant, et c'est la nature tout entière qui devrait mourir de honte. En créant Roads for Life après que son fils Talal eut été tué par un chauffard, elle ne savait pas à quel point des papas et des mamans allaient la remercier ; elle ne savait pas combien, à chaque vie sauvée, Talal sourirait et serait fier d'elle. La Croix-Rouge libanaise, elle aussi, dit merci à cette golden woman. Impériale.
7. Waël Bou Faour
Photo Dalati Nohra
Avec toutes les maladresses du monde, l'un des hommes politiques les plus intègres du pays a décidé en 2014 d'être la figure de proue de la lutte contre la malbouffe. Avec une méthodologie inédite au Liban, il a épinglé des restaurants, des supermarchés, des boucheries, l'eau potable, et enchaîné sur l'aéroport et le port. « Le Libanais partage son pain avec les rats » : le choc des mots, le poids des photos. Donquichottesque.
8. Riad Salamé
C'est l'éternel paratonnerre du Liban. Surdoué dans son secteur, ses pairs le reconnaissent volontiers, cet homme ne se fatigue jamais. En 2014, il a organisé la première conférence internationale sur les start-up à Beyrouth, émis la fameuse circulaire 331 et annoncé une enveloppe d'un milliard de dollars pour 2015 afin de booster les PME et l'immobilier. On le verrait bien passer de Hamra à Baabda. Rassurant.
9. Zeina Daccache
Elle est au four et au moulin, avec une énergie cosmique et une volonté de changer la vie assez inédites. La thérapie par l'art dramatique portée en étendard, elle a transformé les prisonnier(ère)s du Liban en autant de Marlon Brando ou Isabelle Adjani. En 2014, son Scheherazade's Diary est sorti sur les écrans et a amassé une kyrielle de récompenses. Une manière très politique d'ordonnancer le chaos. Réjouissante.
10. Sarah Beydoun
Dans sa tête, il y a tellement de couleurs, de sons, d'odeurs, de goûts et de matières qu'elle peut créer des Sarah's Bags pour onze vies. Reconnue par les plus grands magazines et sites de mode, vendue chez Colette, elle fait aussi travailler des prisonnières et des personnes nécessiteuses. En 2014, l'affolante Amal Alameddine a porté ses sacs à trois occasions différentes – dommage qu'elle n'ait pas choisi le smartissime Xanax... Malicieuse.
11. Hashim Sarkis
Il est partout. Au Canada, en Turquie, en Chine, au Royaume-Uni, au Liban et aux États-Unis. L'architecte-urbaniste est à la fois un Stanley Kubrick visionnaire glué aux nouvelles formes d'énergie et de transport, et un Ken Loach obsédé par ce sens social qu'il veut donner à son œuvre. En 2014, il a été choisi pour diriger l'école d'architecture de la très libanophile et prestigieuse MIT. Percutant.
12. Nicolas Fattouche
Il n'y a (plus) rien à dire. Le gâchis est inouï. Juriste très cultivé pourtant, ce député avocat radié du barreau à qui l'on doit la proposition de loi liée à la prorogation du mandat de la Chambre aura marqué 2014 par trois verrues : le soufflet qu'il a infligé à Manal Daou, une fonctionnaire qui faisait son métier, les insultes au bâtonnier de Beyrouth et la gifle à l'environnement avec les carrières familiales à Zahlé. Affligeant.
13. Marc Baroud
Une phrase-clé qui sonne comme une mise en garde, une (pré)vision : si nous ne développons pas un écosystème autour du design, nous n'irons pas très loin. En 2014, l'architecte-architecte d'intérieur-designer a certes exploré le yin et yang au Bac avec 1:0, mais il a surtout consacré sa passion, son temps et son énergie à l'avenir. À l'à-venir : l'école de design de l'Alba, un geste ample de passeur, de pédagogie. Connecteur.
14. Zoya Rouhana
Kafa. Tellement. À la tête d'une armée de soldates, elle se bat pour le droit des femmes. Pour, avant qu'elles ne deviennent, c'est impératif, les égales des hommes, qu'elles ne décèdent pas à cause de leurs chromosomes XX. Comme Manal Assi ou Christelle Abou Chacra. En 2014, l'ONG a tout fait pour qu'une loi soit votée, et elle l'a été, malgré mille lacunes. À voir : www.kafa.org.lb/zalfa. Indispensable.
15. Rand Hindi
Il n'a même pas 30 ans. Il invente depuis toujours, est docteur en bio-informatique, mais il aurait pu aussi être urbaniste, philosophe, professeur Tournesol, peu importe. Sa start-up, :Snips, veut rendre les villes intelligentes. Le travail est colossal. En 2014, avec deux autres Libanais, Ayah Bdeir et Fadel Adib, il est applaudi par l'incontournable MIT. Ray Bradbury aurait adoré le connaître. Visionnaire.
16. Tom Young
Ce Britannique a fait pour le Liban, son identité, sa mémoire, son legs, son image, bien plus que beaucoup, beaucoup de Libanais. Amoureux fou de ce pays, il y avait déniché la villa Paradiso à Gemmayzé, ce peintre a décidé en 2014 de contribuer à sauver, à sa façon, avec ses pinceaux, ses rétines et son cœur, cette hallucinante Maison rose qui ne peut ni ne doit mourir. Passionné.
17. Sélim Mouzannar
Qui a dit que l'on ne pouvait pas être à la fois un Peter Pan clownesque et un créateur de génie ? Qui n'a pas envie de se fiancer juste pour cette bague surréelle sortie tout droit de ses cortex-usines ? En 2014, sa marque est au cœur de l'espace joaillerie du Bon Marché, au milieu des plus grands, les yeux dans les étoiles diamantées, et dans quelque mois, il réserve pour Beyrouth un gros projet-surprise. Polisson.
18. Philippe Aractingi
Photo Patrick Baz
Rarement devoir de mémoire, un concept de plus en plus étranger à ce pays qui en a pourtant incroyablement besoin, n'aura été aussi remarquablement rempli : le 27 mars 2014 voit la sortie nationale d'Héritages, un conte pour les adultes, les enfants, les pierres et les végétaux de ce Liban maudit. Le réalisateur part en tournée mondiale, dans les deux hémisphères, le cœur léger. Nécessaire.
19. Michel Sleiman
Photo AFP
Il en faut du cran, de l'élégance ou de l'inconscience pour ne pas rempiler, une fois et à titre exceptionnel (cette phrase ne fait plus rire personne...), à la présidence de la République. Depuis qu'il l'a quitté en 2014, le palais de Baabda n'est plus qu'une béance obscène, la charte une vague idée obsolète, et lui, l'ex-chef de l'État, entre Amchit et l'Élysée, de plus en plus indispensable. Omniprésent.
20. Mira Mikati
Elle aurait pu se contenter d'être (devenue) une Mikati. Mais non. Depuis qu'elle a ressuscité Façonnable, elle est partout, avec sa propre marque, avec sa bomber jacket aux insectes que Rihanna ne lâche plus, avec ses créations vendues à New York, Tokyo et Paris, chez Colette herself. En 2014, elle a bouffé de la Californie, du surf et des Beach Boys pour accoucher d'une collection SS 15 acclamée. Hype.
21. Yasmine Hamdan
Photo AFP
Sa traversée du désert, comme tous les artistes à l'exigence et l'orgueil über, elle l'a faite avec grâce et classe. D'A comme Asmahane (sa cover de Ya habibi est juste extraterrestre de beauté) à Z comme Zeid (Soapkills reste encore le groupe libanais le plus troublant), en passant par le M de Mirwaïs (Madonna sourit jaune), et puis, en 2014, le J de Jarmusch, Only Lovers Left Alive, Hal, la shortlist des oscars... Capiteuse.
22. Walid Joumblatt
Il y a(ura) toujours ceux qui le portent aux nues et ceux qui le vouent aux gémonies. Loin du champ (de la jachère) politique de 2014, c'est l'année du chef du PSP sur... Twitter. S'y amusant comme un fou, comme un enfant qui a ouvert à l'avance ses cadeaux de Noël, avec tous les émoticônes du monde et un ahurissant, un régénérateur sens de l'autodérision : son nom de guru est juste inouï de drôlerie. Défrisant.
23. Saïd Akl
Oubliées toutes les polémiques politiques qu'il a alimentées avec un plaisir qu'il ne savait ni ne voulait dissimuler ; oublié ce folklore tendre mais pathétique, un peu : je suis phénicien, pas arabe ; oublié, même, l'insensé cercueil-meringue dans lequel il reposera à jamais. Parti plus que centenaire en 2014, on ne retiendra de lui que son génie et sa maestria des mots, des songes, de la libanitude métissée et triomphante. Roc.
24. Jackie Chamoun
Née dans l'éclatante blancheur, comme une Emma Frost chez Marvel, elle a déchaîné les passions, #stripforJackie restera dans les mémoires comme un des hashtags les plus délirants de 2014, mais aussi la bêtise, à tous les niveaux, ministère de la Jeunesse et des Sports de l'époque compris. Ses seins dans la neige et sa 47e place du slalom féminin aux JO de Sotchi représentent infiniment plus le Liban que tous les miliciens. Somptueuse.
25. David et Nicolas
Blue is the warmest color. Réussir à métisser hier et demain, comme deux alchimistes obsédés par le temps : ils l'ont fait, à quatre mains. Leur maîtrise du laiton est implacable, et le New York Times les a salués comme deux rising stars de la Milan Design Week 2014. Jeunes, beaux, riches et talentueux, ils ont cent et une impatiences, et leur public aussi. Il faudra juste qu'elles soient canalisées. Prometteurs.
26. Walid Ataya
Quand il parle de sa façon de cuisiner le cabri, quand il ouvre une bouteille de Martin Miller achetée à The Malt Gallery juste pour faire plaisir au client, quand il tient son ballon de rouge ou quand il a peur que les bruits de son insensée petite terrasse ne réveillent Juliette, en face, il bouffe la vie. En 2014, sa Wine Room, ou Wine Bar, au cœur du Bread Republic d'Achrafieh, a été un absolu it place. Attachant.
27. Elias Maroun
Quelque part, il a ensorcelé le MusicHall, fameux, mais somnolant sur ses lauriers. En réunissant les musiciens les plus séduisants de la scène alternative arabe, c'est un véritable travail d'utilité publique, et donc politique, qu'il a fait. En 2014, son Beirut Open Stage a accouché des excellents « Beirut Wave One » et, surtout, de « Bil 3arabé ». L'avenir est à lui, entre architecture, musique et management. Fédérateur.
28. Lana Sahili
Legally brunette. Bimbo, oui, mais redoutable d'efficacité quand elle partage, pas radine, ses trouvailles, ses adrénalines, ses envies : fashion, fashion, fashion, mais pas que... En 2014, son hypermariage et son blog, larmoiredelana.com, a cartonné : sur Facebook, sur Twitter, mais surtout sur Instagram, elle est suivie, likée, recommandée, commentée à gogo. Tous les goûts sont dans sa nature. Généreuse.
29. Maya Kanaan
Comment transformer un péché capital en vertu cardinale... En 2014, elle a dompté le chocolat, l'a réinventé et l'a libanisé, entre mastic, loukoum, marjolaine ou menthe fraîche. Le Salon du choco de Paris l'a couronnée, Award de l'espoir étranger, et dans son cabinet de Bayada, mi-docteur Mabuse mi-Charlie reine de sa chocolaterie, elle continuera de rêver. Pierre Hermé peut avoir peur. Fondante.
30. Aline Lahoud
Il y a eu ces frissons quand, sur le petit écran, les lumières se sont tamisées, que les premières notes de Khedni ma3ak ont éclos, que sa mère, la royale Salwa Katrib, a souri d'en haut. En 2014, les téléspectateurs de « The Voice France » ont crié Aline. Mais celle qui n'aime pas son âge a sans doute fait le mauvais choix de coach en snobant le transi Mika. Elle irait loin avec le bon producteur. Pimpante.
Nos boys, comme tous les soldats du monde, savaient, dès le premier jour de leur enrôlement, qu'ils pouvaient à n'importe quel moment tomber sur n'importe quel champ d'honneur. Leurs mères aussi : à chaque fois qu'ils portaient l'uniforme, leurs petits cœurs tout mous chaviraient et leurs poings se serraient. Alors, passe...
Belle brochette de libanais célébres à part un ou 2 .... la girouette ... mais celle qui me fout le béguin c'est Léa Salamé , je la ressens libanaise justement parce qu'arménienne de mère , ce qui explique ce mélange détonnant qui nous fait vibrer quand on est pas couché les samedis. Elle résume le Liban que les ignorants de ce qui fait notre force ne peuvent comprendre , malgré leur inflation de paroles qui cachent des pronostiques foireux qui ne veulent rien dire en fin de compte !
12 h 45, le 06 janvier 2015