Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Hotte d’or

Mais bouffe-moi, salaud !

Le spectacle était lunaire, apocalyptique* : Trésor, anaconda de 8 mètres de long, sifflait sans discontinuer, visiblement hyperagacé ; Christiane Amanpour et David Pujadas étaient serrés l'un contre l'autre tout tremblotants ; la ministre Teixeira et le chef Raoni psalmodiaient des incantations crypto-aztèques ; le délicieux chauffeur de 20 ans, Thiago de son prénom, était à genoux ; les cameramen et les preneurs de son scandaient le nom de la vierge ; les herpétologistes étaient tendus comme des arbalètes, prêts à intervenir à n'importe quel moment, et moi, moi, je caressais lentement les plaques de titane sur mon overall Paco Rabanne en me demandant ce qui m'avais pris de vouloir jouer les Jonas folles à lier et de vouloir m'enfermer dans le ventre d'un serpent-monstre pour sauver l'Amazonie, quelle conne, mais quelle conne je suis, je n'ai même pas écrit mon testament, ni essayé la robe en autruche et en chinchilla que Raf Simmons est en train de me créer. Bonjour, jeune homme, comment allez-vous ce matin ? ai-je lancé pleine d'empathie à l'anaconda en m'approchant de lui. Il a sifflé. À cause de mon Guerlain, La Petite Robe Noire, dont je me suis vigoureusement aspergée quelques minutes plus tôt ? À cause de la broche mangouste que j'avais épinglée sur mon sein droit ? Je me suis assise à côté de lui, il a fait semblant de ne pas me voir, je suis sûre que c'est sa façon de dire qu'il m'a trouvée très belle. J'ai sorti de mon maxi-Birkin d'Hermès deux assiettes en porcelaine Bernardaud sur lesquelles étaient dessinées deux vipères s'entrelaçant, une terrine de lièvre au cognac Fauchon, deux coupes Cristallerie Royale de Champagne et une bouteille de Veuve Clicquot Ponsardin La Grande Dame Brut Rosé 1995, date de naissance de mon dernier amant en date. Je nous ai servis. Vous avez faim, Trésor ? Le Trésor en question ne réagissait pas. C'est très sot, je suis censée l'agacer au maximum pour qu'il m'avale, pas tout faire pour qu'il m'ignore. Ce malotru. C'est bien la première fois qu'un mâle, quelle que soit sa nature et sa culture, ne me regarde pas, ne me calcule pas, ne me drague pas. Ce salaud de Trésor. Il faut que je trouve quelque chose. Et si je me mettais nue ? Impossible. Une fois avalée, je devais être protégée un minimum par quelque chose. Je pouvais lui tirer la queue. Un mâle, quel qu'il soit, encore une fois, n'aime pas particulièrement qu'on lui tire la queue. Mais c'est long, huit mètres : le temps que j'arrive à cette queue, il aura changé de position. Tout le monde me regardait, on aurait dit que j'étais Neil Armstrong avant qu'il ne pose l'orteil sur l'astre. Il faut vraiment que je trouve quelque chose pour agacer cet animal, tellement qu'il n'aura plus le choix : il m'avalera. Il faut mener cette pénétration, moi dans les intestins de l'anaconda, jusqu'au bout, sinon, j'aurais été aussi ridicule que Paul Rosolie. J'ai sorti mon iPod autographé par Steve Jobs que j'ai branché sur enceintes. J'ai mis Last Christmas des Wham ! à plein volume. Trésor n'a pas bronché. J'enrageais. Christiane m'a dit : Pitié, arrêtez ça. Et si je lui lisais des extraits de Marc Lévy ? Ou de vieux discours de Fidel Castro ? Je n'avais ni l'un ni l'autre sous la main. S'il a bon goût et que je l'oblige à écouter Zaz en boucle, peut-être m'avalera-t-il ? J'ai essayé. Non plus. Il m'ignorait ostensiblement. Je sais : je vais lui mettre mes cuissardes Jimmy Choo en python en plein dans ses rétines, sans doute aura-t-il envie de venger ses cousins et cousines assassinés pour cette œuvre d'art. Même pas. Trésor s'en fout. J'enrageais. Bouffe-moi, mais bouffe-moi, connard ! J'étais verte. J'ai bloqué mon iPod, pour me calmer, sur mon amie Feyrouz que j'adore. Zourouni, ma chanson préférée. Vingt secondes plus tard à peine, l'anaconda se cabrait, sifflant comme un fou, et commençait lentement, et sûrement, à se jeter sur moi – suite et fin au prochain épisode, entre saint Sébastien (sauvez-moi !) et saint Sylvestre.

*Relire la Hotte d'or précédente, « Salut, Trésor... », dans notre édition du 10 décembre.

Le spectacle était lunaire, apocalyptique* : Trésor, anaconda de 8 mètres de long, sifflait sans discontinuer, visiblement hyperagacé ; Christiane Amanpour et David Pujadas étaient serrés l'un contre l'autre tout tremblotants ; la ministre Teixeira et le chef Raoni psalmodiaient des incantations crypto-aztèques ; le délicieux chauffeur de 20 ans, Thiago de son prénom, était à genoux ;...
commentaires (4)

Succulent!

Massabki Alice

10 h 07, le 24 décembre 2014

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Succulent!

    Massabki Alice

    10 h 07, le 24 décembre 2014

  • Un bel article écrit, lui au moins, en non-sabir... pseudo-levantin.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 12, le 24 décembre 2014

  • "Raoni psalmodiant des incantations crypto-"aztèques" en pleine Amazonie ?! Il n'y a aucune trace "aztèque" dans tout le Brésil.

    Halim Abou Chacra

    06 h 24, le 24 décembre 2014

  • DE TELS... "SUPPOSÉS ARTICLES"... YI3NÉ DES "BOURDES"... RABAISSENT LE NIVEAU ! OU DU : ON S'EN-FOUT !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    05 h 32, le 24 décembre 2014

Retour en haut