Salut, Trésor...

Je déteste le mensonge. Je déteste les gens qui trichent. C'était ma condition sine qua non pour participer au tournoi de gin-rami qu'organise mon amie Claudia, Cardinale, bien sûr, pas Schiffer, à Rome une fois par mois, avec Camilla Parker-Bowles, le Premier ministre belge Elio di Rupo, Michel Drucker et moi-même. Je déteste tellement ces bassesses que j'ai balancé mon iPad Air 2 customisé par Cartier contre le mur en lisant l'histoire de ce Paul Rosolie. Ce petit con a menti comme un vrai ministre des Finances et tout le monde s'est laissé berner. Ce petit con, qui s'est présenté comme un amoureux de l'Amazonie, avait affirmé s'être fait avaler vivant par un anaconda pour un documentaire choc que Discovery Channel a diffusé aux États-Unis, il avait même juré, ce petit con, qu'il a passé une heure à l'intérieur du corps du serpent et qu'il avait même perdu la notion du temps. Or rien de tout cela ne s'est passé, le petit con a pleurniché comme quoi l'anaconda allait lui briser l'os de son bras, qu'il a donc dû demander de l'aide, et les spectateurs se sont déchaînés sur les réseaux sociaux. C'est un scandale. Je me suis jetée comme une furie sur mon Peter Aloisson's iPhone Princess Plus pour appeler mon amie Dilma, Dilma Roussef, la patronne du Brésil. Margotta, tu es folle ma crevette et j'accepte de t'aider. J'ai hurlé de joie, et beuglé mes ordres à Louisa, qui n'a toujours pas rasé sa moustache, pour qu'elle fasse mes malles. Quelque vingt-quatre heures plus tard, j'étais accueillie en grande pompe sur l'aéroport de Belém par la ministre brésilienne de l'Environnement, Isabel Teixeira, et par le chef Raoni qui s'est déplacé en personne malgré ses 85 ans. Je leur ai offert à chacun deux écharpes cèdre confectionnées en deux heures par l'excellent Rabih Kayrouz. Et puis j'ai entendu le rire cristallin et charmant de Christiane Amanpour de CNN, et celui, viril et diablotin, de David Pujadas de France 2. Mon plan fonctionnait à merveille. Une Land Rover 2014 ultraclimatisée, mais comble de l'horreur, couleur kaki, a été mise à ma disposition, dans laquelle j'ai embarqué avec Isabel et Raoni. Nous avions 300 kilomètres de route à parcourir jusqu'au lieu de tournage, Christiane et David nous suivaient, naturellement, j'ai eu l'impression que ces deux-là s'entendaient plutôt bien. J'ai toujours adoré jouer à la marieuse. Fût-ce pour une nuit. J'étais assise à côté du chauffeur, un métis d'une vingtaine d'années au sourire ravageur, j'ai décidé que je le dévorerai pour mon quatre heures le plus tôt possible. En attendant, j'ai sorti de leur tupperware Fauchon des miniblinis à l'œuf de caille et à la mousse de kale parfumée à la Veuve Clicquot millésime 1990 que Louisa avait préparés à Beyrouth, même le chef Raoni a dégusté poliment. Nous avons échangé quelques méditations sur l'ingratitude humaine et sur l'urgence d'une vigilance environnementale efficace et pas bling-bling. Arrivés à destination, nous n'avions pas perdu notre temps. Pendant que les équipes télé installaient leur matériel, je me suis changée le plus élégamment possible dans l'habitacle du 4x4. J'ai troqué ma minirobe Alexis Mabille contre un overall manches longues Paco Rabanne en titane et des minicuissardes Jimmy Choo métallisées. L'équipe d'herpétologistes m'a dit que Trésor était prêt. J'ai pris mon maxi-Birkin d'Hermès en python sauvage dans lequel j'avais déjà mis tout ce dont j'avais besoin pour affronter ce Trésor-là de 8 mètres. Tout le monde m'a serré la main, un par un, me souhaiter bonne chance. Le chef Raoni m'a donné une amulette, une broche représentant une mangouste, incrustée de pierres rouges. Le chauffeur de 20 ans m'a murmuré Rainha, je suppose que cela veut dire reine en portugais ! Alors, en me récitant dans la tête cette phrase que Gabrielle Chanel me répétait à chaque fois que nous faisions les 400 coups dans les bas-fonds européens : Rajuste ton rouge à lèvres, chérie chérie, c'est l'heure, je me suis approchée de Trésor. Effectivement, il faisait huit mètres de long. Et déjà, hypernerveux, ce serpent sifflait sur ma tête. À suivre – saint Sébastien, protégez-moi...