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Moyen Orient et Monde - Entretien

« Je suis une femme du monde et je suis fière d’être libanaise »

Trophée du public 2014 dans la catégorie médias, la journaliste libano-italienne Nahida Nakad répond aux questions de « L'Orient-Le Jour ».

Nahida Nakad. Photo Twitter

Lauréate du trophée du public « Femmes en or 2014 », Nahida Nakad est une journaliste d'origine libanaise ayant eu une carrière internationale. Reporter pour TF1, elle a ensuite pris la direction de la rédaction de France24. Auteure de trois ouvrages en français : Un couple dans la guerre, À la recherche du Liban perdu et Derrière le voile, elle est désormais consultante en relations internationales. L'Orient-Le Jour a recueilli ses impressions après la remise des prix.

Qu'avez-vous ressenti au moment de la remise du prix? Et pensez-vous que votre nomination soit due uniquement à votre parcours ou vient-elle aussi du fait que vous êtes une femme issue de l'immigration ?

J'ai été extrêmement émue du fait que le public ait voté pour moi. Cela a montré qu'il s'intéresse aux reportages de guerre. Il est d'autant plus important de recevoir ce prix en cette période de crise, avec les conflits en Syrie et en Irak. Les journalistes ne sont malheureusement pas assez sur le terrain à cause des menaces qui pèsent sur eux. Du coup, les intégristes sont en train de gagner la guerre médiatique, surtout dans les pays arabophones. Le public français s'intéresse de près aux témoignages que l'on peut rendre sur les conflits. Quant au fait de savoir si ma nomination est due à mon parcours ou du fait que je sois issue de l'immigration, je pense sincèrement que le public a voté pour une certaine sensibilité, pour ma « différence ». J'espère que c'est ma passion qui s'est vue plutôt que mes origines. Le fait que je connaisse le terrain, ayant vécu la guerre en tant que civile, cela a permis aux gens d'avoir une autre vision des conflits, moins militaire ou politique. En tout cas, j'ai été très surprise et touchée d'avoir eu la reconnaissance des téléspectateurs, malgré le fait d'avoir quitté TF1 depuis plusieurs années déjà.

L'ancienne directrice web du « Guardian », Emily Bell, a fait savoir lors d'une interview que « faire du bon travail n'est pas suffisant pour les femmes en journalisme ». Que sous-entend-elle ?

On ne donne pas autant de crédit aux femmes qu'aux hommes, et cela vaut dans tous les domaines. Sauf rares exceptions, les femmes n'atteignent que très difficilement des fonctions importantes. Le monde est toujours assez machiste, et il est aberrant qu'en 2014, certaines boîtes et mêmes certaines institutions soient encore obligées d'instaurer des quotas. Quand Anne-Marie Capomaccio et moi-même avons été nommées respectivement à la direction de RFI et de France 24, les médias ont titré « Deux femmes à la tête de rédactions », alors que si deux hommes avaient été nommés à notre place, ils ne se seraient contentés que de les nommer. Au Liban, le déséquilibre est encore plus flagrant, évidemment. Pourtant, si les femmes ne grimpent pas les échelons autant que les hommes, on ne développe pas la nation. Ce sont elles qui éduquent, et je pense qu'elles ont des responsabilités supérieures à celles des hommes.

Vous avez déclaré dans une interview avoir été « la seule Arabe à l'antenne sur une chaîne de télévision française (TF1) en 1988 ». Depuis, le paysage audiovisuel a changé. Pensez-vous que la France a rattrapé son retard par rapport à ses compatriotes anglo-saxons ?

En effet, et je l'ai été pendant de longues années. Il est vrai que la France a rattrapé son retard. Mais ironiquement, il y a plus de femmes représentées que d'hommes issus de l'immigration. Comme si le visage d'une femme était plus acceptable, que ce soit pour le journalisme TV, la politique, le cinéma... Mais la France est en train de prendre conscience de sa diversité.

En quoi votre carrière de journaliste aurait-elle été si différente si vous étiez restée au Liban ?

Au Liban, il y a plus de matière pour une journaliste, mais souvent pour de mauvaises raisons. Parfois, c'est l'inverse. C'est un pays très original. J'aurais pu faire une belle carrière là-bas, mais l'ouverture à l'international est limitée. Comme elle l'est aussi en France par rapport aux États-Unis. Mon métier a été ma passion et elle s'est faite en France, tel a été mon destin.

Votre départ de France 24 a été quelque peu entaché de soupçons concernant vos méthodes de recrutement. Il a été dit que vous privilégiiez les journalistes libanais, et plus précisément ceux qui partageaient vos tendances politiques. Qu'avez-vous à dire à ce sujet ?

C'était absolument faux. Je recrutais selon les compétences et sûrement pas selon une quelconque connivence politique ou de nationalité. Je suis une femme du monde et je suis fière d'être libanaise. Mais en aucun cas je n'ai favorisé mes compatriotes à ce seul titre.


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