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Lifestyle - Beyrouth insight - Rencontre

Amal Mogaïzel : profession reporter

Dans tout ce qu'elle fait il faut qu'il y ait « de l'intelligence et de l'émotion ». Ses documentaires diffusés sur les chaînes télévisées françaises ont transformé ses mots et son regard en images, en histoires, en témoignages. Amal Mogaïzel a naturellement hérité de ses parents Laure et Joseph un militantisme « surréaliste » et un attachement viscéral au Liban, « chaque pore de ma peau en est fabriqué », assortis d'un « refus total de la violence et une conviction que l'on est tous fait pour vivre ensemble... ».

Amal Mogaïzel : un attachement viscéral au Liban.

De ce « passage du Musée » où elle habitait avec ses parents, ligne de feu et de sang dont elle a fait un roman éponyme, des années plus tard, et qui a obtenu le prix France Liban 1997, il lui reste encore en mémoire le danger permanent, l'intensité de la peur vrillée au ventre, l'absurdité d'une guerre et la folie des hommes, criminels et victimes.


« Je rêvais d'être juge pour enfants, confie Amal Mogaïzel. Je suis devenue reporter de guerre malgré moi. Je suis née dedans. » Son adolescence a cruellement été bercée, comme toute une génération « arrivée après la fête », de combats de rues, de cessez-le-feu qui ne cesseront pas durant 35 ans. En 1981 elle obtient un B.A. en Mass média de l'Université américaine de Beyrouth, puis, deux ans plus tard, une licence de journalisme à l'Institut français de presse (IFP – Paris 2). Après un passage rédactionnel à L'Orient-Le Jour, Amal devient durant 7 ans correspondante pour le Moyen-Orient de Radio France, de La Croix – l'Événement et de l'ACP. « C'était, dit-elle, une façon différente d'aborder la guerre, de maîtriser sa peur. De ne plus être victime mais auteur de quelque chose. J'ai tellement eu peur au passage du Musée que tout m'a paru plus simple après. Je n'avais plus le sentiment d'être prise au piège. La peur est pire que la mort. S'il s'agissait de mourir, autant mourir en bougeant... » En 1990, la paix (re)venue, elle quitte le passage maudit et un Liban où elle ne voulait plus vivre. Ce départ va la mener loin des « lignes de démarcation », proche d'autres frontières, d'autres conflits dont elle est le témoin et le rapporteur. Et à Paris où elle décide de s'installer. « Nous ne faisions pas partie des premiers émigrés, précise-t-elle. C'était impossible alors de partir, affectivement et intellectuellement. Puis un jour, quand tout ça est fini, j'ai décidé que j'avais assez donné... Ce n'était pas une fuite, j'ai été là durant toute la guerre. En partant, je me suis sentie délivrée d'une histoire d'amour, une maladie d'amour. »

 

Nouvelle(s) histoire(s)
À partir de là, Amal Mogaïzel reprend son souffle. Tourne la page, ouvre un autre chapitre. Réapprend à aimer et aimer le Liban, différemment, avec des allers-retours espacés. « Quand j'arrive, je savoure... avant que la fatigue du pays ne me gagne », confie-t-elle. Elle entame une collaboration avec les chaînes télévisées françaises qui se poursuit encore. Sur TF1, France 2, Arte, France 5 et Canal +, la journaliste raconte. Elle partage, dénonce, montre. « Fuir Paris », « Les oubliés de l'histoire », « Crimes et châtiments », « L'attentat du Drakkar », aussi bien que « Les bobos de la ville », « Les femmes kamikazes », « Qui a tué Rafic Hariri ? », ou encore « Syrie, les enfants de la liberté ». « Je sais bouger dans la guerre, interroger les gens, sans doute en raison de mon vécu. » Principalement intéressée par l'humain, elle poursuit : « J'ai beaucoup tourné dans les prisons de France, interrogé des personnes qui passaient pour des criminels aux yeux des autres. Derrière le pire des monstres, il y a une demande d'amour énorme », souligne-t-elle. Sujets de politique internationale, française ou locale, sujets de société, sujets tabous et dénonciateurs, Amal Mogaïzel jongle avec ses mots, ses réalisations et... son émotion. En avril dernier, dans le cadre de l'émission Infrarouge, le documentaire « Parents criminels, l'omerta française 52 », diffusé sur France 2, a soulevé le cas d'enfants battus. Céline, qui a survécu aux tortures infligées par un père tortionnaire, et Marina, qui en est morte comme 700 enfants chaque année en France.


Et comme dans chaque amour, ou chaque crime, Amal revient, mûrie, sur ces lieux qui la définissent. « Tout m'a grandi. Je ne suis plus la même personne. J'ai acquis sur le terrain une culture bien plus importante qu'une simple culture académique. Le matériau humain, sa richesse, c'est le grand avantage de ce métier. Être libanais est une mine d'histoires. Je rêve d'en faire un documentaire fiction. Raconter le Liban, ses larmes, son humour, ses reproches et la gentillesse totalement incroyable des gens dans la rue. Cette pulsion de vie face à la pulsion de mort. Si j'y arrive, j'aurais un peu résumé nos vies... »

 

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De ce « passage du Musée » où elle habitait avec ses parents, ligne de feu et de sang dont elle a fait un roman éponyme, des années plus tard, et qui a obtenu le prix France Liban 1997, il lui reste encore en mémoire le danger permanent, l'intensité de la peur vrillée au ventre, l'absurdité d'une guerre et la folie des hommes, criminels et victimes.
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