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À La Une - Liban

Un seul mot d'ordre place Riad el-Solh : "Libérez nos fils, sinon ce sera la révolution"

Rassemblement de soutien aux familles des militaires otages, une semaine après l'assassinat du policier Ali Bazzal.

Sit-in de soutien aux familles des militaires otages, dimanche, place Riad el-Solh, au centre-ville de Beyrouth. Photos Matthieu Karam

Une semaine après la mise à mort du policier libanais Ali Bazzal, les familles des militaires pris en otage par les jihadistes dans le jurd de Ersal ont organisé dimanche un rassemblement place Riad el-Solh, au centre-ville de Beyrouth. Des centaines de personnes étaient au rendez-vous pour soutenir les proches des militaires, dont des dignitaires religieux, des représentants du Parti socialiste progressiste (de Walid Joumblatt) et du Courant patriotique libre (de Michel Aoun) ainsi que des représentants de la société civile.

Les participants brandissaient pour la plupart le drapeau libanais et celui de l’armée libanaise. Un homme drapé dans un drapeau syrien était aussi dans la foule.

Pour les proches des otages, le mot d'ordre était simple et repris en chœur : "Libérez nos fils, sinon ce sera la révolution dans ce pays". Appelant le gouvernement à prendre une position courageuse, les représentants des familles ont martelé que leurs fils "ne sont pas un jouet entre les mains de certains responsables". "Nous serons des Daech (acronyme de l'EI en arabe, nldr) s'il le faut", a lancé l'un d'eux.


"Nous sommes ici car non seulement nos fils mais tout le Liban est pris en otage", avait déclaré, juste avant les familles, le représentant du Conseil supérieur chiite (CSC), cheikh Abbas Zgheib. "Nous appelons le gouvernement à prendre une position unifiée et à traiter sérieusement avec toute partie qui offre son aide pour libérer les détenus, a-t-il ajouté. Le gouvernement doit accepter le principe d’un échange si cela permet de rendre les militaires à leurs familles".


Vingt cinq policiers et soldats sont toujours aux mains des jihadistes du Front al-Nosra (branche syrienne d'el-Qaëda) et du groupe Etat islamique (EI) à Ersal. Ils ont été enlevés début août lors de combats à Ersal, dans la Békaa. Quatre otages ont déjà été tués, dont deux par décapitation. Pour relâcher les otages, les jihadistes réclament notamment la libération de détenus islamistes dans la prison de Roumieh.

"Que les responsables qui sont incapables de protéger leurs fils et leur armée quittent le Sérail", a martelé cheikh Zgheib, soulignant que l'affaire ne concerne pas uniquement le cabinet mais tous les partis politiques.


Photo Matthieu Karam.

 

Alors que, malgré la grande colère des famille, le rassemblement était plutôt calme, l'ambiance a changé quand le représentant du CPL, le député Nagi Gharios, s’apprêtait à prendre la parole. Hué par les manifestants, il s'est vu contraint de se retirer le temps que des proches des militaires calment la foule. La semaine dernière, le chef du comité des ulémas, cheikh Salem el-Rafeï, avait assuré que ce n'était pas le Hezbollah qui s'opposait à l'échange mais bien des parties chrétiennes au sein du cabinet de Tammam Salam.

Nagi Gharios a finalement pu prendre la parole, quelques minutes plus tard. "Nous sommes aussi les parents des militaires et nous avons toujours soutenu votre cause", a-t-il déclaré. "Le gouvernement est responsable de cette affaire et doit travailler dans la discrétion et loin des médias", a ajouté le député, rappelant que les négociations, à ce jour, n'ont pas abouti. S'adressant aux familles, il a déclaré : "Ne pensez pas que seuls ceux qui viennent vous voir ici vous soutiennent, tout le peuple libanais est solidaire de votre cause".

 

Si tous les proches des militaires ont choisi de hausser la voix pour faire parvenir leur message, la fillette de l'otage Abbas Mchayk a, elle, usé de mots si innocents et poignants que l'assistance en a eu les larmes aux yeux. "Papa, je ne veux pas que tu meures, je ne veux pas devenir une orpheline. Je veux que tu reviennes me prendre dans tes bras, je veux de nouveau t'appeler papa".

 

Photo Matthieu Karam.

 

"J'aurais espéré voir cette manifestation quatre mois plus tôt", a souligné à L'Orient-Le Jour Hamzi Hommous, père du policier otage Waël Hommous, présent place Riad el-Solh. J’espère que les familles vont poursuivre leurs démarches". "Nous n'avons pas d’assurances quant au sort de nos proches, mais nous poursuivons nos efforts, nous ne désespérons pas", a-t-il poursuivi. Et de lancer : "Au Sérail, nous n'avons pas de politiciens, mais des bourreaux. Regardez où ils nous ont menés. Il n’y a que des martyrs..."

Un manifestant a de son côté indiqué à L'Orient-Le Jour être venu place Riad el-Solh "parce que les militaires sont (ses) frères et toute (sa) famille. "L’armée est la seule institution que je respecte. Si elle disparaît, le pays tout entier disparaît", a-t-il poursuivi, ajoutant, amer : "J'ai fait une demande de visa pour émigrer. Si les otages sont tués, je pars définitivement de ce pays".

Un peu plus loin, Nabila al-Ahmadiyé, elle, assurait être contre le 8 et le 14 Mars et ne soutenir que la troupe.  "Chaque soldat vaut la patrie toute entière", a déclaré cette femme de 50 ans.


Dernier à prendre la parole, le porte-parole des familles des militaires Hussein Youssef a remercié ceux qui ont répondu présent à leur appel. "Votre soutien nous prouve que nous sommes toujours forts", a-t-il indiqué.

Sur un ton plus ferme, M. Youssef a averti que les familles ne laisseront aucun responsable "vendre le sang de leurs fils au nom du prestige de l'Etat". S'adressant au Premier ministre Tammam Salam, il a déclaré : "Nous avons longtemps attendu, rendez-nous nos fils, rendez le pays au pays". Et aux ministres au sein du gouvernement : "Unifiez vos rangs et évitez la discorde. Nous vous prévenons, s'il est fait du mal à nos fils, vous en paierez le prix".

 

Photo Matthieu Karam.



Les familles des otages, favorables à une médiation du Comité des ulémas et au principe de l'échange de leurs fils contre des islamistes de Roumieh, sont soutenues dans leurs revendications par de nombreuses parties, notamment le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt qui a appelé une nouvelle fois vendredi les autorités libanaises à accepter le principe de l'échange.

Les ulémas, qui avaient effectué une médiation après l'enlèvement des militaires entre le gouvernement et les jihadistes avant de suspendre leur mission, ont souvent été pointés du doigt pour leurs affinités avec les islamistes et les liens qu'ils entretiennent avec eux. Mais une médiation de leur part semble être la dernière carte entre les mains des familles qui ne cachent plus leur désillusion quant au rôle du gouvernement libanais, et qui l'accusent d'être responsable du sort de leurs proches.

Tammam Salam a toutefois assuré au quotidien panarabe al-Hayat dans son édition de vendredi que le gouvernement n'a mandaté personne afin de négocier la libération des 25 militaires toujours otages des jihadistes

 

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