Rechercher
Rechercher

La mort aux trousses

Tapie dans les arrière-cours d'un quotidien fait de larmes et de sang, elle survient parfois quand on s'y attend le moins. Cela ne l'empêche pas, très souvent, de se faire annoncer intempestivement comme pour prouver, dans la fureur et la rage, son inévitabilité, son inéluctabilité. Expression tragique de la Vérité, la seule, avec un V majuscule, elle colle aux basques de l'humanité depuis que l'homme a surgi sur terre.
Naturelle, parce que dans l'ordre des choses, elle peut être apprivoisée par la foi ou par la raison, magnifiée même à l'image de l'hommage exceptionnel rendu hier à l'immortelle Sabah. Mais quand elle est manipulée, traduite en chantages réitérés, en menaces imminentes, en sursis d'espoirs toujours déçus, elle devient alors cette terrible Faucheuse qui ne laisse plus de place à l'espérance, qui ouvre largement les portes menant à la perdition, aux soifs de revanche et de vengeance.
Telle est aujourd'hui la situation à laquelle sont confrontées de nombreuses familles libanaises, une proximité quotidienne avec le spectre de la mort, avec la menace de son accomplissement, conséquence directe des événements sanglants qui secouent la région et dont la traduction, en format réduit, déroule ses insupportables péripéties dans le centre-ville de Beyrouth, auprès des familles d'otages, mais aussi des familles de disparus, ceux d'aujourd'hui comme ceux d'hier.
Le calvaire dure depuis des décennies pour les centaines d'entre elles qui n'ont plus de nouvelles des leurs « oubliés » dans les prisons syriennes. Sont-ils morts, sont-ils toujours emprisonnés dans les geôles sans mémoire de l'infamie, celles d'un régime qui ne tient plus les registres des détenus vivants ou assassinés pour la simple raison que le bilan est tellement lourd qu'il n'y a plus assez de paperasse pour en faire la simple transcription ?
Le calvaire dure depuis de longs mois pour les dizaines de familles dont les leurs, enfants ou époux, ont été enlevés par les fous, par les monstres de l'État islamique ou d'al-Nosra, et qui redoutent, à chaque heure, à chaque minute de leur vie, de recevoir la nouvelle terrifiante de leur décapitation, une exécution élevée au statut de punition divine. Des familles qui se sentent, à juste titre, abandonnées, flouées par un État impuissant, et qui n'ont d'autre option pour se faire entendre que le recours à la fermeture des routes, dussent-elles subir les foudres « exemplaires » des forces sécuritaires.
Si en Syrie et en Irak la mort, oserait-on dire, se vit au quotidien, se banalise presque au rythme des raids aériens, des barils d'explosifs et des décapitations férocement médiatisées, au Liban elle hante les esprits, se rappelle sans arrêt à notre mémoire, celle qui a engrangé les douloureux souvenirs de guerres successives, d'attentats horribles, de meurtres collectifs, des horreurs qui, hier encore, ensanglantaient la banlieue sud, les villes de Saïda, de Ersal et de Tripoli, et qui, aujourd'hui, perpétuent la « tradition » barbare des enlèvements.
Quelqu'un peut-il seulement imaginer, ressentir, éprouver, dans toute leur ampleur, l'angoisse et la panique qui habitent les hommes et les femmes réunis au centre-ville ? Familles d'otages ou de disparus fusionnées dans une même attente désespérée et qui ne savent pas si elles retrouveront, un jour ou l'autre, qui un enfant, qui un père ou un époux ?
À trois semaines de la fête de la Nativité, celle de la vie chaque année renouvelée, la Faucheuse, celle qui vient de nous enlever deux chantres de notre libanitude, Sabah et Saïd Akl, daignera-t-elle, enfin, prendre congé, le temps d'un miracle ?

Tapie dans les arrière-cours d'un quotidien fait de larmes et de sang, elle survient parfois quand on s'y attend le moins. Cela ne l'empêche pas, très souvent, de se faire annoncer intempestivement comme pour prouver, dans la fureur et la rage, son inévitabilité, son inéluctabilité. Expression tragique de la Vérité, la seule, avec un V majuscule, elle colle aux basques de l'humanité...

commentaires (6)

À trois semaines de la fête de la Nativité, triste de voir en effet des fous qui sont loin de toute religion et foi menacer non seulement les otages mais la paix civile de tout le Liban . Choquant et triste .

Sabbagha Antoine

17 h 24, le 01 décembre 2014

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • À trois semaines de la fête de la Nativité, triste de voir en effet des fous qui sont loin de toute religion et foi menacer non seulement les otages mais la paix civile de tout le Liban . Choquant et triste .

    Sabbagha Antoine

    17 h 24, le 01 décembre 2014

  • "Quelqu'un peut-il seulement imaginer, ressentir, éprouver, dans toute leur ampleur, l'angoisse et la panique qui habitent les hommes et les femmes réunis au centre-ville ?", intéressante question : faut-il vivre la même expérience pour comprendre un état affectif? Je rappelle que d'autres Etats ont eu des ressortissants (non militaires d'ailleurs) enlevés et pris en otages. Cela n'a pas conduit les familles de ces individus à bloquer des routes ou à brûler des pneus. Il faut quelques fois trouver les bons moyens pour faire passer des messages

    Olivier Georges

    13 h 20, le 01 décembre 2014

  • Cet article Mr Aoun etait si bien ecrit et tellement reel dans le pathetique jusqu'au moment ou vous ecrivez :Si en Syrie et en Irak la mort, oserait-on dire, se vit au quotidien, se banalise presque au rythme des raids aériens, des barils d'explosifs et des décapitations férocement médiatisées etc... mais vous oubliez un etat ou le massacre se fait au quotidien dans l'indifference totale !!!! non il n'est pas loin , colle a nous , vous voulez son nom ??? bon puisque c'est parti pour se dire des verites , c'est etat usurpateur d'israel impose depuis 1948 . Passez une bonne journee quand meme .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 47, le 01 décembre 2014

  • QUAND ON A SACRIFIÉ SES SOLDATS, TUÉS OU EMPRISONNÉS DEPUIS, PEUT-ON ÊTRE AUJOURD'HUI LE DÉFENSEUR DES TYRANS ET ASPIRER À LA PREMIÈRE MAGISTRATURE ? POURTANT PARFOIS, LES CIRCONSTANCES S'Y MÊLANT, ET POUR SAUVER MOMENTANÉMENT LE PAYS EN ATTENDANT DES JOURS MEILLEURS, ON Y PENSE BIEN QU'AVEC GRANDE HÉSITATION...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 45, le 01 décembre 2014

  • Du sinistre Moyen-Orient des sinistres régimes et dictatures, dont la plus criminelle d'à côté, dite "frérote" par-dessus le marché, qui a causé au Liban tous les malheurs possbiles et imaginables depuis qu'elle a vu le jour, que peut-on attendre sinon malheur et mort pour les citoyens de ce pays ?

    Halim Abou Chacra

    04 h 58, le 01 décembre 2014

  • A côté de représentants des militants de l’État de droit, ce sont des penseurs venus du monde entier qui ont rappelé à ces Sains parents, Syriens et Libanais, l’urgence de continuer à se battre pour les idées dont ils se réclamaient. A l’image de ces pères et mères de Syrie et du Liban qui luttent sûr, pour leurs dignités abusées et bafouées. A l’exemple de tous ces disparus Syriens et Libanais, probablement assassinés ici ou à côté ! Face aux braillards bruyants de ces pouvoirs archaïco-autocratiques, ces Saines voix familiales semblent bien fragiles. "Ce sont en effet nos ennemis acharnés, déclare le chébél-lionceau bääSSdiot d’à côté même après leurs probables assassinats, mais leur influence sur notre politique bääSSyrienne restera insignifiante." ! Une influence insignifiante ? Sans aucun doute, sale lapin de mes d.ux, va, si on part du point de vue de la verticale de ton satané pouvoir collant à la semelle pire qu’un chewing-gum ; au sein duquel "tout ressemble à un clou pour qui ne possède qu’un marteau assassin et meurtrier !". Mais si l’on s’inscrit dans la Grande Histoire, tout peut basculer sur ta petite, grosse, mate et plate tête espèce de sé(yy)ide aSSadiot, béjaune et niais. Et, n’en doutez jamais : une poignée de parents Sains et déterminés ou, comme vous le dites si mal, "insignifiants et acharnés", peuvent changer ton satané monde imaginaire dégueu et usurpé ! A l’image donc de cette "poignée" de parents, héros ordinaires Sains Syriens et Sains Libanais.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 09, le 01 décembre 2014

Retour en haut