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Campus - Université

Franchir le cap de la première année

Faire sa rentrée à l'université, devenir étudiant... Quoi de plus stimulant pour ces jeunes qui font leurs premiers pas dans un monde ouvert à toutes les possibilités. En effet, la première année universitaire constitue une étape charnière, une transition sur plus d'un niveau entre deux systèmes, scolaire et universitaire. Pourtant, cette transition ne se passe pas souvent de la manière espérée : entre embûches et défis, l'enjeu majeur reste celui de réussir l'année.

L’un des problèmes communs à la majorité des étudiants en première année est celui de l’adaptation au nouveau milieu. Photo prise sur le campus de l’AUB.

Le premier semestre se révèle être la phase la plus compliquée du parcours estudiantin. Certaines difficultés sont d'ordre général et d'autres spécifiques à chaque université ou discipline. Ainsi, débarquer dans un milieu étranger dont on ne comprend pas assez bien le fonctionnement n'est pas chose facile. L'un des problèmes que rencontre la majorité des étudiants est celui de l'adaptation. « Ce n'était pas le monde auquel j'étais habitué à l'école. Du jour au lendemain, je me retrouve avec des personnes qui viennent des quatre coins du Liban », se souvient Maher Obagi, 3e année de gestion. Les étudiants sortent de leur milieu, très restreint, vers un milieu très vaste, sur le plan socioculturel mais aussi académique. « À mon arrivée, je ne savais pas où aller. On vous lâche et vous devez vous débrouiller », remarque Gaëlle, étudiante en sciences politiques à l'USJ. À l'école, les élèves sont suivis, guidés, voire pris en charge. « Quand les étudiants passent du cocon scolaire à l'université, ils ne réalisent pas qu'ils sont désormais responsables d'eux-mêmes. Tout ne va pas venir vers eux, c'est à eux de foncer », note le professeure Carole al-Sharabati, directrice de l'Institut des sciences politiques à la faculté de droit et de sciences politiques de l'USJ. Ainsi, les étudiants ont du mal à entamer le semestre, vu l'autonomie dont ils doivent faire preuve. « En première année, ils sont encore scolaires et livresques, alors qu'ils doivent être matures et prendre des initiatives », avoue Dany Dagher, coordinatrice de la première année à la faculté de gestion et de management à l'USJ.
Les avis sont unanimes : ce qui entrave l'intégration des nouveaux étudiants, ce sont des facteurs propres au système universitaire. Ainsi, comme le résume Aurore Beaïni, responsable pédagogique de la section arts graphiques et publicité, à l'École des arts décoratifs de l'Alba, « l'étudiant doit savoir s'adapter à un processus complexe qu'il n'a jamais vécu auparavant, s'habituer à l'horaire, au rythme et gérer son temps ». En effet, se retrouver toute la journée sur le campus, avec un programme surchargé, laisse peu de temps aux étudiants pour travailler. Pour Clara Chidiac, 2e année publicité à l'Alba, « la première année a été très stressante en raison du nombre de matières et de projets à rendre en un temps limité. On faisait des nuits blanches, on travaillait les week-ends. Du coup, on n'avait plus du temps pour nous ». Or, pour avoir un résultat efficace en moins de temps et éviter les échecs, « il est essentiel d'être prévoyant, discipliné et méthodique », assure Mme Beaini.
Primordiale dans la vie des étudiants, l'organisation implique « un équilibre entre, d'un côté, les études et, de l'autre, les loisirs et la vie sociale, essentiels pour leur épanouissement », d'après Elvira Habib, enseignante en gestion à l'USJ. Un équilibre que bien de personnes ont du mal à trouver. « En première année, je n'étudiais pas chaque soir, je passais plus de temps à me faire des amis. J'ai dû travailler en fin d'année pour compenser », avoue Marie-Chistelle Saadé, 2e année de médecine à l'USJ.
En outre, les problèmes d'intégration sont parfois liés à la non-maîtrise des langues. « C'est la première cause d'échec ici, vu la mauvaise compréhension du cours », avoue Myrna Gannagé, chef du département de psychologie à la faculté des lettres et des sciences humaines de l'USJ.
Échouer peut être dû aussi à des matières compliquées, jamais abordées à l'école. Selon le Dr Mohammad Husni el-Hajj, doyen de l'Institut des beaux-arts à l'UL, « la plus grande difficulté, c'est le manque de continuité entre la formation scolaire et universitaire » dans la majorité des disciplines. Cette rupture se manifeste surtout dans la façon d'étudier, comme l'ont remarqué la plupart des éducateurs. « L'école ne prépare pas les élèves à la pensée critique ou à la créativité. Là, il fallait retenir par cœur, alors qu'ici on doit développer sa capacité de réflexion. C'est dur de s'y mettre d'un coup », affirme Bana Bachour, coordinateur à la faculté des arts et des sciences de l'AUB. Les étudiants ont des lacunes à ce niveau. « En terminale, je n'étais pas habituée à l'analyse, à la dissertation, ça a été difficile pour moi au premier semestre », se rappelle Maria, qui étudie les sciences politiques à l'USJ. « La réussite dépend de la façon de structurer et de problématiser, et du développement de l'esprit d'analyse et de synthèse. Ceux qui ne l'ont pas, on leur en donne les moyens. Ensuite, ça dépend d'eux », estime Mme Christine Babikian Assaf, doyenne de la faculté des lettres et des sciences humaines de l'USJ. Pour étudier efficacement, le Dr Walid Abou Hamad, directeur du cursus licence à la faculté de médecine de l'USJ, préconise de « prendre note du cours et des interventions, de lire les références et de croiser les apprentissages pour s'approprier l'information ». Quant aux matières artistiques, « la difficulté est de se détacher du réel et d'aller au-delà du texte », selon Nicole Melki, enseignante à l'École des arts décoratifs de l'Alba, où l'étudiante en publicité Carmina Khairallah confirme qu'elle a eu « du mal à (se) lâcher, sur le plan créatif, venant d'un système scolaire rigide ».

La recherche, voie ultime pour se former
Pour compléter le cours, effectuer des recherches est primordial dans toutes les disciplines. Or beaucoup d'étudiants éprouvent une grande difficulté à s'y mettre. « Après 30 ans de travail ici, je constate que, malheureusement, la nouvelle génération lit et fait de moins en moins de recherches », se désole Dany Dagher. Habitués à la facilité et à l'Internet, les étudiants acquièrent une culture qui va contre l'approfondissement et font preuve « de paresse et de démotivation au niveau de la recherche. Ils digèrent l'information directement au lieu de la construire », explique Mazen Haïdar, directeur adjoint de l'École d'architecture de l'Alba. En effet, l'effort des étudiants doit égaliser celui de l'enseignant. Ceux-ci sont appelés à acquérir une culture générale en art, politique, sociologie... « La lecture est une clé essentielle. Nous comptons sur nos étudiants pour rassembler des connaissances et se construire un bagage d'informations », insiste le professeur Ohannes Geukjian, conférencier au département des études politiques et administration publique à l'AUB. De même, pour Aurore Beaïni, « plus on emmagasine dans son réservoir, plus on est créatif ». Cela signifie aussi sortir de sa bulle pour s'immiscer dans son contexte socioculturel : aller à la rencontre des autres, connaître sa ville et ses problématiques, visiter des galeries, participer à des conférences... bref, vivre des expériences. Or, certains étudiants sont détachés de la réalité sociale, ce qui peut limiter leur perception et fausser leur jugement au niveau de leur travail.
En outre, ce qui distingue certaines facultés, réputées difficiles, c'est l'esprit de compétition entre étudiants, premiers de promotion en classe de terminale. « Habitués à être les meilleurs, ceux-ci sont soumis alors à une pression constante afin de préserver leur place. Le stress est accentué par l'augmentation du travail en cette première année. Parfois, ils n'arrivent plus à se rattraper et s'effondrent », raconte Alia Kazma, directrice du service des étudiants à la faculté de génie de l'AUB. Pour ceux qui ne s'en sortent pas, cela constitue un choc et peut poser un problème d'intégration psychologique. « L'image de soi est ébranlée. C'est très important de les prendre en charge dès les premiers signes. C'est ce que j'appelle le malheur du parcours sans échec », analyse le Dr Abou Hamad. Dans ce cas, l'étudiant doit agir et s'ouvrir aux personnes responsables.
Enfin, les performances académiques des étudiants en première année sont altérées en grande partie par leur choix de la spécialisation. En effet, « ceux qui échouent sont ceux qui se sont inscrits pour faire plaisir à leurs parents. Ils ne sont ni intéressés par le cours ni convaincus de leur formation », note Mme Babikian Assaf. De plus, cela peut être dû à une mauvaise orientation. Et comme le souligne le professeure Sharabati, « ne voyant pas le bout du tunnel, ils n'arrivent pas à trouver un sens à leur formation ».

Le premier semestre se révèle être la phase la plus compliquée du parcours estudiantin. Certaines difficultés sont d'ordre général et d'autres spécifiques à chaque université ou discipline. Ainsi, débarquer dans un milieu étranger dont on ne comprend pas assez bien le fonctionnement n'est pas chose facile. L'un des problèmes que rencontre la majorité des étudiants est celui de...
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