« Je viens d'un autre monde ! » lance d'emblée Isa(bella) Baffa. Son autre monde, dans une autre vie, était la pub et la communication, qu'elle quitte après 17 ans d'une belle entente, sans doute usée par le temps et la routine. « C'était un concours de circonstances... Je me suis retrouvée face à un questionnement et l'inévitable "Qu'est-ce que je fais à partir de là ?" » La « tête remplie de rêves », elle écoute ceux qui lui disent ce qu'elle a envie d'entendre. Un conseil en trois mots : « Suis ta passion... » Sa passion ? Une de ses passions ? La cuisine, pour les souvenirs d'enfance, moments sacrés dans la cuisine, parfumés de douceur. Des bonheurs qui ne s'oublient pas. La cuisine pour le partage de ce talent, de ce moment convivial et généreux. Née de parents italiens installés au Liban, Isabella se souvient : « À la maison, la pièce principale était la cuisine. Ma mère était toujours en tablier, en train de concocter des plats. Autour de sa table, les cousins, les cousines, les amis... Et le soir, une table complètement vide ! Elle ne m'a jamais rien appris, je l'ai juste observée. Retenu des images et des arômes, dont celui de sa brioche mythique que j'essaie encore de retrouver ! »
C'est ainsi qu'Isabella-la-passionnée décide de préparer des sauces. Entre science et gastronomie, entre cuisine et laboratoire, elle passera une année à goûter, expérimenter, faire des voyages, des recherches pour les réussir et les conserver dans les meilleures conditions possibles. Elle épluche elle-même toutes ses tomates, enlève les grains, reprend les gestes « que nos grands-mères faisaient... ». En décembre 2013, et en hommage à sa mère, elle trouve un nom à ces bocaux de deux tailles, accompagnés d'une étiquette à carreaux rouges et blancs : Sapori Di Tery. À peine avait-elle proposé à (l'expert ès goût) Kamal Mozawak ses premières quatre sauces qu'il lui intime l'ordre de se présenter à Souk el-Tayyeb le plus rapidement possible, pour y proposer ses produits. Plus encore, il l'invitera à préparer un repas, italien bien sûr, pour 30 personnes, à Tawlet. « Plus j'approfondis ma connaissance de la cuisine italienne, poursuit-elle, plus je découvre sa richesse et sa simplicité. Elle a été créée par les mères pour leurs enfants. C'est une cuisine d'amour... »
Le goût des autres
Et comme dans un prolongement logique, – Isabella Baffa fonctionne au partage, on l'aura compris –, elle se lance dans des cours de cuisine. À Tawlet, d'abord en tant que consultante au sein de programmes organisés par différents ONG, et maintenant à Kitchen Lab. Même si elle affirme fonctionner et cuisiner à l'instinct, elle réussit, deux fois par mois, à y communiquer son savoir-faire et son amour des recettes de ses ancêtres. « J'adore ce moment », confie-t-elle. Des âges différents, une majorité d'hommes, des enfants, quelquefois, deux heures de travaux pratiques suivies d'une dégustation informelle autour d'une même table. Et, parce qu'elle aime « diversifier » ce qu'elle fait, elle organise à Platform 39 une table d'hôtes où elle prépare un dîner tous les trois mois. Le prochain aura lieu le 20 novembre. Mais surtout, elle va lancer des ateliers de cuisine à la maison de retraite les Filles de Notre-Dame des Douleurs-Ghodress. « Ces personnes ont besoin de retrouver des odeurs de leur enfance, d'utiliser leurs mains et de pouvoir se regrouper autour de quelque chose qui les ramène à leur vie d'avant. »
Enfin, et dans la liste de ses envies, il y a la photo, les voyages et le yoga qu'Isabella pratique et enseigne. « Le yoga est entré dans ma vie il y a 8 ans. J'ai découvert une autre dimension de l'être humain, confie-t-elle. Il permet de relativiser beaucoup de choses... Je donne des cours en petits groupes à des personnes qui ont des problèmes de dos, une douleur que je connais pour l'avoir vécue moi-même. C'est encore un autre moment de partage... » Avec aujourd'hui de nombreuses sauces à son menu, Giusi, Arrabbiata, Tery's Pizza, Pomarola, Giulia, Puttanesca, Etna, Pistacchio et Pesto Genovese, trois genres de pains salés et deux tapenades, elle continue de composer. « Et j'aime ça ! » rajoute-t-elle. Son rêve ? « Avoir une cuisine centrale pour préparer des plats, recevoir des gens qui apprécient, et partager les goûts, les recettes et les histoires derrière chaque plat... »
Pour mémoire
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CUISINE... OK ! MAIS D'AMOUR ? A-T-ON JAMAIS CONçU OU MÊME ENTENDU QUE LA BOUFFE EST L'AMANTE DE L'AMOUR ? L'UNE, REMPLIT ET APAISE L'ESTOMAC ! L'AUTRE, FLEURIT ET EMBAUME LE COEUR ! DEUX NÉGATIONS NE FORMENT PAS UN COUPLE !
19 h 27, le 15 novembre 2014