Ils sont nombreux à penser que la semaine qui s'ouvre sera funeste pour la démocratie au Liban. Pour les autres, la démocratie libanaise se trouve déjà dans un état tel que ce qui doit se passer dans les prochains jours à la Chambre n'y ajoutera strictement rien.
Mercredi, les députés vont donc en principe se réunir en séance plénière pour voter, entre autres textes, une proposition de loi prévoyant la prorogation de leur mandat pour une durée de deux ans et sept mois, c'est-à-dire une législature entière (quatre ans) si l'on additionne cette durée avec celle de la première prorogation, votée en juin 2013.
Il est question, cependant, d'ajouter à ce texte une phrase stipulant que dès qu'un président de la République serait élu, l'exécutif s'apprêterait sans délai à convoquer le collège électoral, ce qui supposerait alors que l'on procède à une dissolution de la Chambre.
Des tiraillements politiciens sont à prévoir d'ici à mercredi sur la question et même, peut-être, au cours de la séance parlementaire elle-même.
Le principal enjeu qui se pose touche le point de savoir si les chrétiens vont donner leur couverture à cette prorogation ou pas. D'ores et déjà, les nuances d'interprétation se multiplient autour de ce point précis. Du côté musulman, il ne restait pratiquement plus de voix discordante, au sein des quatre grands blocs concernés, après le ralliement – attendu – de Nabih Berry au « oui » à la prorogation prôné ouvertement par le bloc du Futur et les joumblattistes, et plus discrètement par les députés du Hezbollah.
Le passage est donc acquis d'emblée pour un texte qui, étant de nature ordinaire, ne demande qu'une majorité simple de voix pour être adopté.
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Chez les chrétiens, la situation se présente différemment, des doutes persistant encore sur les intentions des grandes formations.
À ce stade, on sait que le bloc du Changement et de la Réforme va se présenter en rangs dispersés au vote, les Marada de Sleiman Frangié et le Tachnag ayant fait le choix de soutenir la prorogation, contrairement au CPL. Mais la décision finale de ce dernier reste une inconnue. Après avoir tenté une escalade et menacé de recourir une fois de plus au Conseil constitutionnel pour invalider un éventuel vote positif, la formation aouniste est revenue à une attitude moins en flèche, donnant à penser que tout en continuant à s'opposer à la proposition de loi, elle pourrait ne plus essayer de l'entraver.
De l'autre côté de l'échiquier politique, ce sont les indépendants chrétiens du 14 Mars qui s'apprêtent à se joindre au train de la prorogation. Le ministre des Télécoms, Boutros Harb, et le chef du PNL, Dory Chamoun, ont clairement fait part de leurs intentions à ce sujet vendredi dernier. Ils seront très probablement suivis par les autres indépendants.
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Chez les Forces libanaises et les Kataëb, l'incertitude persiste. L'ancien président Amine Gemayel, hostile par principe à toute réunion législative de la Chambre avant l'élection d'un président de la République, avait toutefois laissé entendre il y a quelques semaines qu'il ne s'opposerait pas à la participation des députés de son bloc à une séance parlementaire consacrée à la gestion du pouvoir. Nombre d'observateurs en avaient conclu que M. Gemayel ne serait pas, personnellement, contre la prorogation. Il reste que le bureau politique Kataëb, jusqu'ici défavorable, devra trancher dans les prochaines heures.
Chez les FL, c'est toujours la même incertitude qui persiste, mais on décèle dans le discours des responsables de cette formation un glissement clair vers une attitude moins négative à l'égard de la prorogation. Tant pour Samir Geagea que pour les autres dirigeants ou cadres FL qui se sont exprimés au cours du week-end écoulé, le choix n'est plus entre l'option de la prorogation et celle du scrutin législatif, mais carrément entre la prorogation et le vide.
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Mais en dépit de toutes ces évolutions, des observateurs s'attendent à une polémique nourrie au sujet du seuil à partir duquel on devra considérer que la prorogation aura bénéficié d'une couverture chrétienne.
Certains milieux considèrent, en effet, que la participation à la séance parlementaire des députés des trois grandes formations chrétiennes ne suffit pas à assurer cette couverture si leur vote est négatif. D'autres ont un point de vue moins restrictif du pacte national et estiment que c'est la présence, et pas le vote, qui compte dans ce cas. Enfin, une troisième catégorie rejette l'affirmation selon laquelle la représentation chrétienne se résumerait aux seules trois grandes formations. Pour elle, les Frangié, Harb, Chamoun et autres, sans parler du Tachnag, ne sont pas quantité négligeable.
Quoi qu'il en soit, force est de constater qu'il s'agit ici, une fois de plus, bien davantage de surenchères politiciennes que d'un véritable débat politique. Pour un commentateur, on dirait simplement que les chrétiens sont un peu prisonniers de leurs positions, sachant que tout le monde, sans exception, est persuadé depuis longtemps que la prorogation doit passer...
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commentaires (10)
Ou, la Troïka drolatique "maronitique" !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
17 h 06, le 04 novembre 2014