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Liban - Loisirs

Rush sur les clubs de tir au Liban : phénomène de mode ou insécurité grandissante ?

Les Libanais, et de plus en plus de Libanaises, fréquentent les clubs de tir. Des personnes qui n’avaient jamais touché une arme pensent s’y mettre en réaction à l’insécurité grandissante. Témoignages.

Un sport qui nécessite concentration et précision. Certains envisagent d’apprendre à tirer à des fins d’autodéfense si le besoin s’en fait ressentir. Photo d’un tireur amateur prise dans le club dirigé par Karam Karam

Anita* est mère de famille, croyante et pratiquante, exerçant dans le domaine pédagogique, essentiellement pacifiste. « Avec mon mari et mes enfants, nous détestons les armes et tout ce qui va avec, dit-elle. J'ai vécu toute la guerre civile et toutes les autres guerres sans jamais être tentée d'en avoir. » C'est le massacre et l'exode des minorités à Mossoul en Irak, après l'invasion de l'État islamique, qui ont provoqué chez elle un déclic. « Je me suis demandé ce que je ferais si ma maison était attaquée, si l'on menaçait mes enfants, raconte-t-elle. Pour la première fois de ma vie, je me suis dit que je voudrais acquérir ce savoir-faire, apprendre à manier une arme. Si on m'attaque, je veux me défendre, je ne veux pas rendre à mes agresseurs la tâche facile. La religion n'interdit pas la légitime défense. »
Pour autant, Anita n'a pas encore fait l'effort de s'inscrire à un club de tir ou de demander à une personne plus expérimentée de lui apprendre à tirer. « Je ne ressens pas encore le danger comme imminent, explique-t-elle. Quand ce sera le cas, je suis sûre que tout le monde s'y mettra. »


Sylvie, elle, éprouve le même sentiment d'insécurité et s'est même renseignée, avec une amie, sur les clubs de tir en vue de s'y inscrire. « J'exerce une profession à risques et je suis souvent sur le terrain dans des endroits dangereux, dit-elle. Je n'avais jamais ressenti le besoin de me protéger. Mais je crois que la propagande des groupes extrémistes comme l'EI finit par porter ses fruits. L'idée qu'on pourrait tomber entre les mains de quelqu'un qui exerce sur vous une violence terrible me fait plus peur que la mort elle-même. D'autant que j'ai moi-même connu, dans mon travail, des contacts qui me semblaient tout à fait équilibrés et dédiés à une cause noble, et qui se sont radicalisés du jour au lendemain. C'est ce qui m'a ouvert les yeux sur le fait que le danger est partout. »
Outre la propagande terroriste, c'est le crime ordinaire qui effraie la jeune femme. Sylvie remarque souvent la présence de gens louches qui rôdent autour de son domicile. Elle a été harcelée un jour par des ouvriers syriens. Elle a remarqué, un autre jour, la présence suspecte de jeunes hommes dans une voiture garée sur le côté... et elle a alerté la police à plusieurs reprises.


Pour Victor, un père de famille, le facteur de sécurité est présent bien que pas prioritaire. Pour lui, comme pour sa femme et ses enfants, le tir au revolver n'a plus de secret. « Nous fréquentons un club de tir, mais les enfants sont autorisés à y aller seulement deux à trois fois par an, raconte-t-il. Cela peut paraître étonnant, mais j'ai voulu que mes enfants sachent tirer. Le danger qui nous entoure et ma volonté de les savoir prêts à se défendre à tout moment sont quelques-unes des motivations qui m'ont poussé à leur apprendre à manier les armes. Mais elles ne sont pas les seules. Pour moi, c'est d'abord un sport qu'il leur est utile de pratiquer, comme tout autre sport. Cette activité les aide à coordonner esprit, vision et mouvement de la main. Enfin, j'ai bien envie qu'ils s'essaient à un maximum d'activités. Ils apprécient beaucoup le tir. Ils auraient voulu y aller plus souvent. »
Rencontrée dans un club de tir où elle se rend depuis cinq semaines, Leila dit avoir été encouragée par une amie. « C'est un sport comme un autre, qui nécessite une grande concentration et un sens du perfectionnisme, dit-elle. Pour les femmes, il n'est pas toujours facile de charger le pistolet. Mais presser sur la gâchette vous confère une très belle sensation ! »


Leila assure n'avoir jamais pris en compte le facteur de la sécurité et de l'autodéfense. « Il ne me viendrait jamais à l'idée d'acheter un pistolet et de l'utiliser hors d'ici, dit-elle. Je suis même contre l'idée d'acquérir une arme pour l'autodéfense car elle finit par être source de danger. Pour moi, tirer, c'est seulement pour le sport. Je ne me verrais jamais faire feu sur une personne, quelles que soient les circonstances. Je suis même hostile à la chasse ! »

 

Acquérir ou non une arme ? Telle est la question...
Pour celles dont la principale motivation est leur sentiment d'insécurité, l'acquisition d'une arme suit-elle nécessairement ? Pour Anita, ni les cours de tirs ni l'acquisition d'une arme ne seront d'actualité avant qu'elle ne sente que le danger est imminent. « Mais si c'est le cas, une fois que j'aurais appris à viser, j'achèterais une arme, dit-elle. Pour moi, cela va de soi, sinon, pourquoi prendre cette initiative ? »
La position de Sylvie est bien plus mitigée. « Même avec le risque de paraître incohérente, je dirais que je n'ai pas réfléchi à la possibilité d'acquérir une arme une fois que j'aurais appris à tirer, répond-elle. J'estime que, jusque-là, j'ai toujours aspiré à être une bonne citoyenne. Malheureusement, j'ai conscience que l'État ne peut plus me protéger. Le poids qui pèse sur les services de sécurité est si énorme qu'ils ne peuvent plus répondre à tous les besoins. Pour l'instant, je compte m'inscrire dans un club pour apprendre à viser. Au moins je serai prête. »


Victor, pour sa part, indique qu'il possède déjà des armes chez lui, comme dans tant d'autres foyers. « Mais toutes les armes chez nous sont sous clé et non chargées », précise-t-il.
Est-ce que le sentiment d'insécurité au point de vouloir apprendre à tirer est généralisé actuellement ? Nous avons sondé l'opinion d'un directeur de club de tir, Karam Karam. Ce dernier, dont l'établissement compte des centaines d'amateurs par mois, pense que le succès de ce sport doit plutôt être imputé à l'amour que portent les Libanais pour les armes plutôt qu'à un sentiment d'insécurité ponctuel. « Notre clientèle est assez diversifiée, dit-il. La plupart sont là pour le plaisir de tirer, tout simplement, et pour cette ambiance conviviale qui existe entre passionnés d'un même sport. La nouveauté, c'est qu'il y a de plus en plus de couples qui viennent s'exercer à deux. Les femmes apprécient ce sport et elles sont de plus en plus nombreuses. »

 

Les femmes... plus habiles que les hommes
M. Karam nous apprend que, selon les entraîneurs, les femmes semblent plus douées pour apprendre rapidement à viser. « C'est probablement parce qu'elles sont plus calmes, plus détendues que les hommes au moment de tirer sur la gâchette, dit-il. Souvent, les hommes y voient davantage un défoulement qu'un effort pour atteindre une cible. ».
Leila confirme. Elle exhibe fièrement une photo de la cible qu'elle a touchée en plein centre. « C'est pas mal pour un entraînement de cinq semaines à peine, dit-elle, tout sourire. L'entraîneur m'a même confié que les hommes évitent d'entrer en compétition avec les femmes sur ce terrain. Contrairement à d'autres sports, ils s'y trouveraient en état d'infériorité ! »


Combien de séances faut-il compter pour apprendre à tirer correctement ? M. Karam pense que deux séances avec moniteur sont suffisantes pour les débutants. Le club fournit des armes de location pour ceux qui n'en ont pas, mais les plus expérimentés ont la possibilité d'apporter la leur. « Toutefois, nous ne vendons ni n'achetons des armes, et pas de munitions non plus, explique-t-il. En fait, notre activité est surveillée de près par l'armée. Pour importer les cartouches qu'utilisent nos clients, nous devons fournir aux militaires les douilles qui subsistent après les entraînements. On ne nous autorise pas à importer plus de cartouches que les douilles qu'on aura collectées. Voilà pourquoi nous évitons toute opération de vente de cartouches hors du club. »


M. Karam prévient les futurs amateurs de tir qu'il s'agit d'une activité plutôt coûteuse. « Outre la location de l'arme, une boîte de 50 coups revient en moyenne à une cinquantaine de dollars, dit-il. Pour beaucoup, une boîte ne suffit pas. Il y en a qui dépensent 500 à 600 dollars par séance. » C'est la raison pour laquelle, poursuit-il, ce sport reste réservé aux élites.
De jeunes hommes rencontrés sur place confirment être là pour l'amusement et le plaisir. L'un d'eux explique qu'il s'est tout naturellement retrouvé à exercer ce sport, ayant été élevé dans une maison où on lui a appris à manier les armes depuis l'âge de dix ans. « C'est très commun au Liban, il ne faut pas s'en étonner », souligne-t-il.

 

*Tous les prénoms ont été changés, les personnes interrogées dans le cadre de ce reportage ayant toutes souhaité demeurer anonymes, à l'exception de Karam Karam, le directeur du club de tir.

Anita* est mère de famille, croyante et pratiquante, exerçant dans le domaine pédagogique, essentiellement pacifiste. « Avec mon mari et mes enfants, nous détestons les armes et tout ce qui va avec, dit-elle. J'ai vécu toute la guerre civile et toutes les autres guerres sans jamais être tentée d'en avoir. » C'est le massacre et l'exode des minorités à Mossoul en Irak,...

commentaires (3)

Les cibles sont vivantes ? de toute façon seuls ceux qui meurent pour la patrie auront droit à la parole .

FRIK-A-FRAK

13 h 06, le 29 octobre 2014

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Commentaires (3)

  • Les cibles sont vivantes ? de toute façon seuls ceux qui meurent pour la patrie auront droit à la parole .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 06, le 29 octobre 2014

  • QUE DITES-VOUS ? CELUI-CI... OU CELLE-LÀ ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 23, le 29 octobre 2014

  • Triste ... !

    Remy Martin

    10 h 05, le 29 octobre 2014

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