Le hanbalisme est une école de pensée religieuse fondée par Ahmad Ibn Hanbal à Bagdad où il est né en 780 et où il est mort en l'an 855. Ibn Hanbal était le disciple de Chafi'i mais il s'en était séparé pour instituer une nouvelle école qui lui est propre et qui fut l'école sunnite la plus conservatrice et la plus attachée au texte du Livre et au « Hadith » (voir L'Orient-Le Jour du mardi 14 octobre 2014).
Au nombre des sources de la législation qu'il préconisait se trouvait le Hadith et l'« Ijmaa » (consensus des savants). Le Qiyas (raisonnement par analogie) n'était retenu qu'en cas de nécessité. Ibn Hanbal fut célèbre pour sa foi rigide et son insistance sur « l'ordonnancement de la vertu et la prévention du vice » (Al-amr bil maarouf wal nahi aan al-mounkar) (Sobhi al-Mahmassani – La situation de la législation dans les pays arabes).
Le hanbalisme s'est propagé dans les pays désertiques pauvres. Ibn Hanbal fut le fondateur de l'école salafiste que nous connaissons aujourd'hui. Son attachement sévère aux sources originelles de l'islam lui fit suivre une voie menant au non-respect de l'Ijtihad qui n'est autre que la jurisprudence des savants. Son école, née il y a onze siècles, est devenue, du fait de la présence du pétrole dans les pays hanbalites, l'école dominante, devançant les écoles chaféite, malékite et hanafite. Onze siècles s'étaient écoulés et les portes de l'Ijtihad étaient demeurées fermées... ce qui n'empêcha pas Sayyed Qotb et les Frères musulmans de dispenser leur propre enseignement, leur propre « ijtihad » qui fit que la culture islamique devint hanbaliste, qotbiste, celle-là même que nous observons à présent.
Après le départ des colonisateurs et la « libération » des pays arabes, l'enseignement dans les écoles a vu prédominer le caractère religieux par rapport au caractère laïque, et la culture musulmane, étudiée par les enfants, les jeunes, puis les hommes et les femmes, est devenue la culture hanbalite expliquée par Sayyed Qotb et les Frères musulmans.
Elle est devenue celle que nous percevons aujourd'hui et qui nous fait honte...
Bien sûr, des grandes figures, telles que l'imam al-Ouzaï, avaient affronté cette culture rigoriste arriérée. Ce dernier l'avait combattue par sa réflexion nourrie de tolérance et de sollicitude pour l'unité nationale. Il avait défendu les habitants du Liban en les appuyant dans leur droit face aux walis ottomans et il estimait que l'humanité formait une seule famille, unie par la justice. Il avait enfin rejeté le fanatisme confessionnel et territorial. Il y avait eu aussi Abdallah al-Alayli, puis Mohammad Abdo, Abdallah al-Qoussaïbi et Nasr Hamed Abou-Zeid que les adeptes de cette culture barbare avaient tenté d'assassiner et qui l'avaient fait divorcer parce qu'ils l'estimaient être un mécréant pour son souci de la liberté et de l'ouverture en matière religieuse. Il avait alors émigré en Hollande et résidé en ce pays. À citer également Mohammad Arkoun, Sadeq Jalal el-Azem, Faraj Foudah, Adonis, Nawal Saadawi et bien d'autres.
Mais ces gens sont restés en marge de la culture islamique, qui a été monopolisée par le hanbalisme et la pensée fanatique de Sayyed Qotb, bâtie sur la violence, l'intégrisme et l'intolérance.
Si l'islam veut retrouver ses origines, retrouver Omar, Osman, Abou Bakr, Salaheddine al-Ayoubi et les autres, le premier pas consisterait en la réouverture des portes de l'Ijtihad, le changement des concepts et la réadmission des avis des savants. La religion musulmane est, en effet, menacée de disparition du fait de cette culture rigoriste, fermée et qui exerce son emprise sur les contrats depuis la fermeture des portes de l'Ijtihad, il y a onze siècles, et depuis l'installation de régimes dictatoriaux tout au long des années qui ont suivi l'indépendance. Cela nécessiterait également beaucoup d'audace, de franchise, de sincérité, d'efforts pour entrer dans la vie moderne. Tout cela est demandé, mais aussi des hommes capables de ramener l'slam à l'âge adulte, à lui faire retrouver sa vérité.
Il est demandé en premier aux pays pétroliers de comprendre, d'essayer de comprendre et de cesser d'estimer l'avis comme une œuvre de mécréant. L'Ijtihad n'est pas du domaine du luxe et ne peut attendre. L'heure de vérité a sonné. Les musulmans sont responsables de leur devenir et doivent relever ce défi.
La chrétienté souffrait au Moyen Âge des mêmes maux que l'islam aujourd'hui. Les géants de la pensée au siècle des Lumières se sont plus tard levés et ont pavé la voie aux révolutions qui défendent la dignité de l'homme et également à une religion chrétienne dont le pape recommande aujourd'hui à ses coreligionnaires de jeûner avec les musulmans au cours des derniers jours du ramadan. Telle est la religion, telle est la tolérance et tel est l'amour prôné par le vrai islam.
Abdel Hamid EL-AHDAB
Avocat
"La chrétienté souffrait au Moyen Âge des mêmes maux que l'islam aujourd'hui. Les géants de la pensée au siècle des Lumières se sont plus tard levés et ont pavé la voie aux révolutions qui défendent la dignité de l'homme..." Etant donné que nous sommes actuellement dans la première moitié du quinzième siècle de l'Hégire, il faudrait donc attendre encore trois siècles pour voir l'avènement du "siècle des Lumières musulman"...Quel bel avenir en perspective!
10 h 50, le 15 octobre 2014