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À La Une - Eclairage

La culture, champ de bataille entre la Russie et l'Ukraine

Capture d'écran du film russe Match.

Il y a deux ans, Philip Illienko manifestait à Kiev contre un film russe qu'il considérait anti-ukrainien. Il est aujourd'hui directeur de l'agence ukrainienne en charge du cinéma et le film a été interdit, symbole de la guerre que se livrent Kiev et Moscou sur le terrain culturel.

La manifestation, en 2012, visait la première de Match, un drame relatant un match de football dans le Kiev soviétique pendant la Seconde guerre mondiale, entre une équipe locale et des occupants nazis. Ses détracteurs lui reprochent de présenter les Ukrainiens comme des collaborateurs.

 

 



Composé essentiellement de membres du parti nationaliste Svoboda (Liberté), le rassemblement a été dispersé de manière musclée par les redoutés policiers antiémeutes Berkout. Certains manifestants ont été battus, d'autres arrêtés.

Depuis, l'unité Berkout a été dissoute après les affrontement sanglants du Maïdan de Kiev l'hiver dernier. Le film Match a, lui, été retiré des salles, comme 12 autres films russes présentés par le régulateur comme des "exemples parmi les plus odieux de la propagande russe moderne".

"Avant, notre société pouvait peut-être tolérer ce genre de choses, mais plus maintenant", tranche M. Illienko. "Nous devons protéger le champ de l'information, la sphère de la culture, de l'influence ennemie", explique-t-il.

Dans la ligne de mire des autorités se trouvent notamment les films qui glorifient les soldats russes, évoquent la péninsule de Crimée rattachée à la Russie en mars, représentent les Ukrainiens en "traîtres ou en idiots", manipulent l'histoire ou sont réalisés par des cinéastes qui défendent publiquement la politique ukrainienne du Kremlin, selon M. Illienko.

Les autorités ukrainiennes ont également interdit la diffusion de plusieurs chaînes russes et le comité audiovisuel a demandé fin septembre à la presse de ne plus publier leurs programmes.

Sur le terrain culturel, la guerre fait rage entre les deux pays voisins depuis l'arrivée au pouvoir de proeuropéens dans l'ex-république soviétique, suivie du rattachement à la Russie de la péninsule de Crimée puis du conflit meurtrier entre forces ukrainiennes et séparatistes prorusses, selon Kiev armés par Moscou et appuyés par des forces régulières russes.
Kiev met la rébellion séparatiste dans l'Est en grande partie sur le compte de la propagande russe, tandis que Moscou considère les artistes qui critiquent sa politique étrangère comme des traîtres.

Les chanteurs visés

Certaines pop-stars ukrainiennes populaires en Russie se trouvent contraintes de faire profil bas, comme l'extravagant chanteur travesti Verka Serdioutchka, de son vrai nom Andriï Danylko. L'artiste, familier des plateaux de la télévision publique russe, a disparu des écrans.
"Andriï a annulé tous ses concerts en Russie et en Ukraine parce qu'il estime qu'il ne serait pas correct de s'amuser dans une période aussi difficile", a expliqué un porte-parole dans un courrier électronique.
Pendant l'été, des heurts ont éclaté lors d'un concert d'Ani Lorak, interprète de tubes romantiques à Odessa, port ukrainien sur la mer Noire. Des militants du parti radical nationaliste Pravy Sektor (Secteur droit) exigeaient l'annulation du spectacle, reprochant à la chanteuse ukrainienne ses liens trop étroits avec la Russie.

Exaspérée, la chanteuse, de son vrai nom Karolina Kouïek, a demandé sur son site internet aux hommes politiques de ne pas l'utiliser dans des "jeux sales", assurant qu'elle était une patriote aimant l'Ukraine.
En Russie, un monstre sacré du rock russe, Andreï Makarevitch, est devenu la cible d'une campagne de dénigrement rappelant l'époque soviétique après avoir dénoncé la position russe en Ukraine. Il s'est produit dans la ville de Slaviansk après que ce bastion séparatiste a été repris par les forces ukrainiennes en juillet, s'attirant la fureur des commentateurs pro-Kremlin.
La télévision d'Etat russe l'a accusé de servir la propagande de Kiev et certains détracteurs l'ont comparé aux artistes qui se produisaient sous l'occupation nazie.

A l'agence en charge du cinéma à Kiev, M. Illienko souligne que les accusations de fascisme fréquemment adressées aux Ukrainiens par Moscou constituent l'une des "contrevérités" utilisées par la propagande pour alimenter le conflit dans l'Est. "Nous ne voulons pas aider (la Russie) à promouvoir son agression au sein de notre société", assure-t-il. "Ce serait une trahison pour ceux qui combattent et risquent leur vie sur le front".


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