Au Liban, l'insuffisance et le manque d'indépendance du système judiciaire rendent la peine de mort encore plus inadmissible.
De très nombreux arguments militent contre la peine capitale, l'un des plus fondamentaux étant le risque d'erreur judiciaire inhérent à tout procès. Cet argument est d'autant plus évident au Liban que le système judiciaire, ou plutôt les systèmes judiciaires (civil, militaire et la Cour de justice) n'offrent pour l'instant aucune garantie d'un procès équitable.
Les règles garantissant un procès équitable sont clairement définies par la loi libanaise, mais aussi par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques que le Liban a ratifié et qu'il est donc tenu d'appliquer. Pourtant, ces règles sont souvent bafouées, y compris dans des affaires dans lesquelles les accusés sont passibles de la peine capitale. Dans ces conditions, il y a non seulement le risque qu'un innocent soit condamné, mais aussi qu'un coupable écope d'une peine capitale alors que s'il avait bénéficié d'un procès équitable il aurait subi une simple peine de prison.
À plusieurs reprises, notre organisation a documenté des cas de personnes condamnées à mort et montré que leur condamnation faisait suite à des procès inéquitables qui devaient absolument être révisés.
Aujourd'hui, je voudrais vous présenter le cas de Nehmeh Naïm el-Hajj, un cas typique de procès inéquitable ayant débouché sur une condamnation à mort. Nehmeh el-Hajj aurait été arrêté à la fin du mois d'octobre 1998 par les services de renseignements syriens et accusé du meurtre, le 23 octobre 1998, de deux Syriens au Liban. Il serait resté en détention pendant près d'un mois entre les mains des services de renseignements syriens, notamment à Anjar, où il affirme avoir été contraint de signer des aveux sous la torture, avant d'être remis aux autorités libanaises (au poste de police de Zahlé) le 25 novembre 1998. Dans le dossier, le rapport des services de renseignements syriens est d'ailleurs inséré au rapport de police de Zahlé.
Déféré devant la justice libanaise, Nehmeh el-Hajj n'a semble-t-il jamais été réellement entendu. Le juge d'instruction libanais a en effet jugé suffisants les « aveux » signés par M. el-Hajj alors qu'il était aux mains des services de renseignements syriens. En effet, dans le rapport de police de Jounieh en date du 26 novembre 1998, il est mentionné à la première page que selon le juge d'instruction il n'était « pas nécessaire d'interroger Nehmeh el-Hajj, du fait que la preuve de sa culpabilité a été remise en même temps que lui par les services de renseignements militaires syriens du poste de Anjar ».
Jugé le 9 juillet 2004 par le tribunal de Baabda, il a été condamné à la peine capitale. Dans cette affaire, il apparaît clairement que les déclarations initiales de M. el-Hajj, qu'il affirme avoir signées sous la torture des services de renseignements syriens, seraient la base de sa condamnation. Deux médecins légistes libanais ont attesté des tortures subies par Nehmeh el-Hajj et leurs rapports figurent au dossier.
Malgré ses plaintes pour torture, auxquelles s'ajoute l'incohérence des témoignages contre lui, Nehmeh el-Hajj a été condamné à mort à nouveau en cassation le 12 février 2009. Or, la décision en cassation est une simple copie, mot pour mot, du jugement en première instance. Ce qui montre qu'en dépit de la gravité de la peine encourue par M. el-Hajj, sa déclaration de culpabilité n'a, à aucun moment, été revue par une juridiction supérieure.
En date du 12 mai 2006, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a émis un avis concernant la détention de M. el-Hajj, qualifiant celle-ci d'arbitraire en ce qu'elle contrevient à l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel le Liban est partie prenante. Malgré tous ces éléments, malgré l'intervention des Nations unies, Nehmeh el-Hajj est toujours condamné à mort. Pourtant, son affaire mériterait d'être révisée. Et nous pensons que M. el-Hajj, comme tous les condamnés à mort du Liban, devrait immédiatement bénéficier d'une commutation de leur sentence en peine de prison, et qu'une mesure devrait être prise rapidement pour revoir l'ensemble des procès ayant conduit à des condamnations à mort.
Le CLDH (NDLR : Centre libanais des droits humains) joint aujourd'hui sa voix à celle des organisations libanaises et étrangères qui demandent que le Liban abolisse définitivement la peine de mort.
* Wadih al-ASMAR est secrétaire général du CLDH.