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Liban - Conférence

« Pour mieux comprendre les gamers, il faut connaître les jeux qu’ils pratiquent »

Psychopathologue, Sylvain Missonnier prône une meilleure compréhension des jeux vidéo et des mondes virtuels.

Le département de psychologie de la faculté des lettres et des sciences humaines de l'Université Saint-Joseph accueille cette semaine le professeur de psychopathologie Sylvain Missonnier, de l'Université René Descartes à Paris. Mercredi soir, il a donné une conférence sur les rapports entre le monde virtuel et le développement des jeunes adultes. Au cours de sa carrière, le philosophe et psychanalyste s'est beaucoup penché sur les effets des nouvelles technologies sur les enfants, les adolescents et les familles.
Devant un parterre d'étudiants en psychologie et d'experts de la santé mentale, Sylvain Missonnier a tenu un discours à contre-courant des propos alarmistes qui font souvent irruption dans le débat sur la relation entre les jeunes et les écrans. « Il y a très peu qui sépare une situation où l'utilisation des nouvelles technologies par un adolescent crée une cassure générationnelle et un isolement, et une famille où tout va bien, où chacun en fait un usage sain, explique le directeur des laboratoires de psychopathologie et psychanalyse de l'université parisienne. Si j'entends parler d'un jeune qui passe une heure par jour sur un jeu vidéo, je ne peux pas m'affoler tout de suite, je dois savoir dans quel contexte, dans quel état d'esprit cette personne joue », poursuit le spécialiste qui plaide pour une meilleure compréhension des jeux vidéo aussi bien par les spécialistes de la santé mentale que par les parents : « Nous devons nous débarrasser de nos suspicions et de nos idées reçues à l'égard du monde virtuel. Parler de risques, c'est partir du mauvais pied, et ça ne fait qu'alimenter les malentendus entre parents et adolescents».
Pour illustrer son propos, Sylvain Missonnier raconte une histoire basée sur un cas qu'il a traité. Un jeune homme, malheureux au travail et dans sa vie personnelle, passe l'essentiel de son temps libre sur un jeu vidéo en réseau: World of Warcraft. Lors des consultations, le psychanalyste s'intéresse à ce qui se déroule dans ce monde virtuel, aux interactions du personnage et à ses caractéristiques. Au fil des entretiens, il en ressort que le monde virtuel permet au patient d'expérimenter des comportements qui se traduiront dans le monde réel. Son choix de jeux vidéo évolue en parallèle à son comportement dans la vie quotidienne. Jusqu'à ce que des gestes qui n'auraient été imaginables que dans les jeux vidéos fassent leur apparition dans des situations biens réelles : tenir tête à son patron, inviter une fille à sortir, bâtir une relation sentimentale. Le message du professeur est simple à comprendre et complexe à appliquer. Comme le pharmacode de la Grèce antique, les jeux vidéo peuvent être un poison pour certains, un remède pour d'autres.

L'importance de l'encadrement et du dialogue
Dans un entretien accordé à L'Orient-Le Jour, Sylvain Missonnier est revenu sur des conseils pratiques à l'égard de parents inquiets. « Les problèmes surviennent lorsque le parent ne connaît pas le jeu vidéo auquel joue son enfant, constate le psychanalyste ; s'il y a une ignorance du scénario et des caractéristiques du jeu, il ne peut y avoir de dialogue. Cette méconnaissance de la part des parents favorise la solitude chez les enfants.»
Chez les plus petits, c'est l'encadrement de la découverte des écrans qui fait la différence, insiste le professeur: «Le plus important, ce n'est pas l'âge de l'enfant, mais la qualité de l'environnement humain. Il ne faut pas que l'usage d'un smartphone par un enfant soit banalisé. Ce n'est pas un lego.» Le spécialiste de la petite enfance met aussi l'accent sur la ponctuation: «Il faut qu'il y ait un début et une fin. On donne l'objet à l'enfant et on le lui retire, comme une sucette chez les bébés. C'est quand on ne peut plus retirer l'objet qu'il y a un problème. » Une réflexion qui s'inscrit dans un problème plus général. «Donner un téléphone à un enfant de douze ans pour des raisons de sécurité, c'est bien, mais ça ne veut pas nécessairement dire qu'il l'a vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Cette question se pose aussi pour les adultes», constate Sylvain Missonnier en souriant, avant de prévenir: «Un parent qui est accro à son smartphone n'est pas très bien placé pour faire la leçon à son enfant.»
Toujours mesuré dans ses propos, Sylvain Missonnier met en garde aussi bien contre certains professionnels, «trop rapides à dégainer le mot "addiction"», que contre les tentations extrémistes des parents technophobes : « Le zéro écran est une solution de facilité, mais en bannissant la technologie, on évite le débat et on ne résout pas le problème.»

Le département de psychologie de la faculté des lettres et des sciences humaines de l'Université Saint-Joseph accueille cette semaine le professeur de psychopathologie Sylvain Missonnier, de l'Université René Descartes à Paris. Mercredi soir, il a donné une conférence sur les rapports entre le monde virtuel et le développement des jeunes adultes. Au cours de sa carrière, le...

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