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Liban - L’éclairage

La tendance aux compromis et à la détente dans la région pourrait débloquer la présidentielle

Il ne faut, certes, pas vendre la peau de l'ours... Mais certains indices significatifs laissent penser que la région du Moyen-Orient pourrait bien avoir été engagée sur la voie des grands compromis politiques et de la détente, fût-elle lente et hésitante, entre les deux axes antagonistes qui déstabilisent, voire qui ensanglantent, la région depuis de nombreuses années, à savoir l'axe iranien et l'axe saoudien. Si cette tendance se confirme concrètement dans les faits, cela ne manquera pas de se répercuter positivement sur l'échéance présidentielle.
Mais nous n'en sommes pas encore là. Pour l'heure, la question reste de savoir si les instances internationales et régionales ont réellement abouti à la conclusion qu'il est grand temps que les tensions au Moyen-Orient soient réglées par la négociation et les solutions en tenant compte des intérêts et des impératifs des parties en présence. En d'autres termes, la page des conflits armés, des attentats, des assassinats et de la déstabilisation sécuritaire est-elle sur le point d'être sérieusement tournée ? Il est évidemment encore trop tôt pour apporter une réponse tranchée à cette interrogation. Il reste que divers développements survenus ces derniers jours dans la région constituent autant de signes que l'option de la détente paraît l'emporter sur celle de l'escalade militaro-sécuritaire.
Un ancien ministre, qui continue à suivre de près la conjoncture moyen-orientale et internationale, relève dans ce cadre que le choix des grands compromis politiques a commencé à poindre à l'horizon avec l'évolution survenue en Irak du fait du repli iranien dans ce pays à la suite de la décision des autorités de Téhéran de renoncer au maintien au pouvoir de leur poulain, Nouri al-Maliki. Celui-ci a été ainsi remplacé au poste de Premier ministre par Haïdar Abadi, qui serait proche de l'Arabie saoudite et qui devrait mettre sur pied un gouvernement d'union nationale regroupant toutes les factions irakiennes, dont notamment des baassistes. Les portefeuilles sécuritaires seraient répartis au sein de ce cabinet entre les principales composantes politiques, les sunnites prenant alors en charge l'un de ces ministères.
Indice particulièrement significatif : ce changement de cap au niveau du pouvoir exécutif en Irak, dans le sens d'une diminution de l'emprise iranienne, s'est accompagné de nouvelles nominations à des postes sécuritaires très sensibles en Iran. Le patron de la bridage al-Qods (« Jérusalem »), le général Kassem Suleimani (chef des pasdaran, ou gardiens de la révolution), a ainsi été remplacé récemment par Hussein Hamadani. Or, le général Suleimani était pratiquement l'élément moteur et le « cerveau » des interventions iraniennes au Liban, en Syrie et en Irak. Il était en quelque sorte le « patron iranien » du Hezbollah. Selon des sources diplomatiques à Beyrouth, le dossier libanais relève désormais du général Ali Chamkhani, ancien ministre de la Défense et proche conseiller du président Hassan Rohani. Le général Chamkhani, indiquent en outre ces mêmes sources diplomatiques, entretiendrait de bonnes relations avec l'Arabie saoudite.
À ces changements importants intervenus dans les hautes sphères de l'appareil sécuritaire iranien est venu s'ajouter la visite effectuée au début de cette semaine par le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, à Riyad où il a tenu une réunion avec le chef de la diplomatie saoudienne, l'émir Saoud el-Fayçal. Certains milieux proches du 8 Mars croient savoir que la visite du vice-ministre iranien avait essentiellement pour but de convaincre les dirigeants du royaume wahhabite que l'Iran est la seule garantie en Iran contre la milice de « l'État islamique » (Daech). L'ancien ministre susmentionné souligne par contre que les entretiens de Hossein Amir-Abdollahian à Riyad ont permis aux hauts responsables saoudiens de souligner que le royaume ne saurait se contenter désormais de simples déclarations de bonne intention de la part des dirigeants iraniens et qu'ils insistent pour que les belles paroles se traduisent par des actes et des initiatives concrètes, en l'occurrence, notamment, la participation de toutes les composantes sunnites au prochain gouvernement irakien.

Préserver la stabilité au Liban
Dans ce contexte, une source diplomatique à Beyrouth fait preuve de prudence et souligne que le bilan de ce premier contact direct irano-saoudien n'est pas encore très clair et qu'il faut notamment scruter la composition du gouvernement irakien en gestation pour déterminer si l'amorce de la détente entre Téhéran et Riyad est sérieuse ou s'il ne s'agit que de la poudre aux yeux. Cette même prudence est perceptible dans les milieux du 14 Mars qui estiment que les indices positifs en provenance de Téhéran ne sont pas encore suffisants et paraissent aléatoires, même si l'atmosphère régionale et internationale penche globalement plutôt vers la détente.
En tout état de cause, l'un des ministres du gouvernement Salam souligne que les instances régionales et internationales se montrent ouvertement soucieuses de préserver la stabilité au Liban. Cela se traduit notamment par une volonté internationale d'éviter le chaos constitutionnel dans le pays en raison des graves retombées sécuritaires qu'un tel chaos risque de provoquer. Dans la pratique, si le climat de détente se confirme réellement à l'échelle de la région, l'impact positif sur le dossier de la présidentielle ne devra pas tarder à se manifester, en ce sens que le pouvoir iranien ne manquerait pas de « conseiller » au Hezbollah de faciliter l'élection d'un nouveau président de la République, à l'instar de ce qui s'est produit lors de la formation du gouvernement de Tammam Salam lorsque le Hezbollah a été contraint de revoir sensiblement à la baisse ses exigences au niveau de la composition du cabinet.
Mais bien au-delà de l'élection du président de la République, le processus de détente entre l'Iran et l'Arabie saoudite – s'il se concrétise – pourrait avoir pour conséquence de mettre sur le tapis, dans le cadre des négociations, le dossier du Hezbollah au Liban, affirment des sources politiques libanaises dignes de foi. Un ancien ministre indique, à l'appui de ces informations, que les États-Unis ont lié la signature d'un accord stratégique sur le nucléaire iranien et la levée des sanctions imposées à Téhéran à une position claire de la République islamique iranienne concernant les dossiers irakien, syrien, libanais, du Hezbollah et du Hamas. Affaire à suivre...

Il ne faut, certes, pas vendre la peau de l'ours... Mais certains indices significatifs laissent penser que la région du Moyen-Orient pourrait bien avoir été engagée sur la voie des grands compromis politiques et de la détente, fût-elle lente et hésitante, entre les deux axes antagonistes qui déstabilisent, voire qui ensanglantent, la région depuis de nombreuses années, à...

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