Une sorte de routine s'est installée au Liban depuis quelques années : des périodes d'accalmie s'intercalent entre les crises politico-sécuritaires, et la déferlante de touristes fuyant un énième attentat est remplacée par celle venue en sens inverse fêter Noël ou le Fitr.
Au milieu de cette instabilité, tant bien à l'échelle locale que régionale, les organisateurs des principaux festivals du pays s'efforcent de conserver un équilibre qui leur permet, bon an mal an, de maintenir leurs activités face aux circonstances particulièrement difficiles que traverse le pays. Mais certains d'entre eux avouent que les obstacles sont en train de devenir de plus en plus importants d'année en année.
L'une des difficultés majeures rencontrées par les organisateurs est ainsi, sans conteste, les contraintes et la baisse de fréquentation enregistrée en raison d'une situation sécuritaire imprévisible et volatile. Ainsi, le Festival de Baalbeck a durement été affecté cette année encore par l'évolution de la situation dans la région. En dépit de la « détermination » farouche de son comité de maintenir le festival dans son cadre naturel, les combats dans la région et les impératifs de sécurité ont malheureusement entraîné une délocalisation partielle.
« Évidemment, des conséquences financières se sont fait ressentir » en termes de frais logistiques et de coûts supplémentaires, déplore la présidente du comité du Festival de Baalbeck, Nayla de Freige, mettant toutefois en avant la « formidable solidarité » qui a été exprimée envers le festival par les autorités, les officiels ainsi que les responsables des espaces (Music Hall, Casino du Liban ) qui ont hébergé les spectacles délocalisés.
Même son de cloche de la part de la présidente du Festival de Beiteddine, Nora Joumblatt, et de son homologue au Festival de Zouk Mikaël, Zalfa Boueiz, qui ont toutes deux constaté en 2014 « une chute » du nombre de spectateurs. « Nous accueillons normalement autour de 40 000 personnes ; cette année n'a vu que 25 000 festivaliers » faire le déplacement à Beiteddine, relève Mme Joumblatt.
Pour sa part, même si le Festival de Byblos a encore affiché cette année un taux de fréquentation enviable (environ 40 000 spectateurs, un chiffre similaire à celui de l'an dernier), son organisateur, Naji Baz, concède que « le paramètre sécuritaire peut effectivement jouer, à 5 ou 10 %, sur le nombre de festivaliers – même si c'est la programmation qui est réellement déterminante », selon lui.
(Pour mémoire : L'insécurité ambiante plombe le tourisme)
Les retards dans les subventions
Autre sujet récurrent de lassitude pour les organisateurs, les retards dans les subventions et les incohérences sur le plan des taxes. « Nous commençons régulièrement nos saisons avec un déficit qui remonte à deux ans et qui est reporté d'année en année. Ceci est dû au fait que la subvention de l'État est versée au festival avec deux ans de retard. Ce "trou" entraîne (le recours à) un prêt bancaire et des intérêts lourds à porter. De plus, cette subvention, qui est supposée représenter un tiers du budget, n'atteint jamais plus de 17 % », affirme ainsi Nora Joumblatt.
Cette dernière dénonce depuis des années les retards dans les subventions publiques – des retards qui peuvent s'avérer cruciaux pour certains événements de gabarit plus restreint, comme le Festival de Zouk Mikaël, dont le budget s'élève à environ 1 million de dollars – contre le double pour Beiteddine et 4 millions de dollars pour le Festival de Byblos.
« Nous sommes gagnés par la lassitude, renchérit Zalfa Boueiz. Nous avons fini par recevoir les subventions remontant à 2011 et 2012 (à titre de rappel, des documents auraient apparemment été perdus par l'administration publique ..., NDLR) ; je vous avoue en toute honnêteté que le festival risque de ne pas avoir lieu l'an prochain si les subventions ne sont pas versées à temps et que la situation demeure telle quelle. »
« Nous n'avons jamais compté sur les subventions », ajoute M. Baz. « Nous avons dès le départ fait en sorte que 75 % de nos recettes soient captées par la billetterie, contre une norme de 30 à 40 % maximum pour les autres festivals », poursuit-t-il.
Et que dire du flou qui entoure la fameuse loi 56 ? « C'est le statu quo, comme c'est le cas pour tant de choses dans le pays », tranche Nora Joumblatt. Une affirmation reprise par l'immense majorité des organisateurs, dubitatifs, voire hostiles à cette nouvelle loi.
Il convient de rappeler que la loi 56, promulguée l'an dernier, prévoit d'appliquer 36,7 % de taxes sur le prix du billet (contre 24,7 % précédemment), en plus de 3,5 % reversés à la Sacem. Une initiative décriée par beaucoup d'organisateurs, qui la jugent bien trop lourde financièrement, venant, selon eux, s'ajouter à un contexte déjà difficile.
Un mot d'ordre : se battre
L'engagement et la passion des organisateurs envers leurs festivals respectifs demeure, envers et contre tout, ce qui leur permet de continuer. Ils ont à maintes reprises unanimement fait part de leur volonté de se battre et de résister face à la crise.
L'exemple le plus marquant de ce combat face à l'adversité demeure celui du Festival de Baalbeck, un symbole historique et culturel du Liban aujourd'hui confronté à des circonstances d'une rare gravité. Et pourtant, son comité ne baisse pas les bras, bien au contraire. « L'on fera tout pour rester à Baalbeck dans les limites du possible », martèle Nayla de Freige, qui dévoile en conclusion que le comité travaille d'ailleurs sur « un grand projet artistique » en hommage à la ville.
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