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Liban - Liban

Adoptera, adoptera pas le décret convoquant le collège électoral ?

La non-convocation du collège électoral n'a pas de précédant dans l'histoire du Liban.

C'est demain mercredi à minuit qu'expire le délai fixé pour l'adoption du décret de convocation du collège électoral. La loi électorale en vigueur prévoit en effet un délai de 90 jours avant la date fixée pour les élections législatives. Le ministre de l'Intérieur avait déjà procédé, il y a deux semaines, à la convocation du collège électoral, fixant au 16 novembre la tenue du scrutin (le dernier dimanche précédant l'expiration du mandat du Parlement le 20 novembre). Si l'on compte 90 jours avant cette date, cela signifie que le décret de convocation doit être pris le 20 août (demain). Il est signé, en temps normal, par le président de la République et le Premier ministre.


D'abord, l'adoption de ce décret se heurte à l'absence d'un chef de l'État, même s'il s'agit d'un problème susceptible d'être contourné, si toutefois l'intention existe de tenir les législatives. L'on sait en effet que le gouvernement remplit à l'heure actuelle les prérogatives présidentielles aux côtés de ses prérogatives propres. Les sources du Grand Sérail expliquent à L'OLJ que « c'est le gouvernement réuni qui adoptera, le cas échéant, le décret de convocation du collège électoral ». Ce décret ne dérogera donc pas au mécanisme de « prise de décision à l'unanimité », qui avait été convenu pour assurer tant bien que mal la marche du gouvernement de Tammam Salam.
Ce mécanisme est toutefois sans fondement constitutionnel. D'ailleurs, le constitutionnaliste de référence, Hassan Rifaï, avance une autre opinion sur la question. « À mon avis, ce n'est pas le Conseil des ministres réuni qui doit adopter le décret de convocation du collège électoral, mais le Premier ministre et les ministres concernés, en l'occurrence les ministre de l'Intérieur, des Finances et de la Justice », souligne-t-il à L'OLJ.

 

Si l'on adhère toutefois au mécanisme de l'unanimité imposé de facto et si l'on cède à la naïveté de croire à une intention politique véritable de tenir des législatives, le scénario qui se dessinerait alors pour la réunion du Conseil des ministres, prévue aujourd'hui, serait le suivant : la convocation du collège électoral serait examiné en dehors de l'ordre du jour (celui-ci comporte deux clauses, relatives à la gestion des déchets solides, d'une part, et la délivrance de permis à de nouvelles facultés, d'autre part). Les ministres s'entendraient pour voter le décret. Celui-ci serait presque immédiatement rédigé par le bureau du Grand Sérail –une démarche qui attend généralement la réunion ministérielle suivante – et des copies en seraient distribuées aux ministres réunis pour qu'ils y apposent leurs signatures respectives. Aucune impossibilité matérielle ne devrait empêcher de respecter le délai fixé, ce délai s'appliquant – il faut le noter – à l'adoption du décret et non à sa publication au Journal officiel.


Les milieux du Sérail laissent entendre que la question de la convocation du collège électoral sera effectivement examinée en dehors de l'ordre du jour aujourd'hui, mais se montrent sceptiques quant à l'adoption du décret relatif. « La réunion de demain (aujourd'hui) révélera les vraies intentions de chaque partie », soulignent ces milieux à L'OLJ, qui rappellent que l'autoprorogation du mandat parlementaire est devenue presque « un fait accompli, mais chaque bloc a honte de le dire et en rejette la responsabilité sur les autres ».


Mais cette honte ne gomme en rien la nuisance que peut engendrer une non-convocation du collège électoral. L'ancien ministre Salah Honein explique en effet à L'OLJ qu'à défaut de convocation, la tenue des législatives serait viciée à la base. Ceci paverait la voie à une saisine du Conseil constitutionnel pour contester les résultats des élections – que le Conseil n'aura d'autre choix que de recevoir – ou qui tout simplement justifierait un boycottage des législatives.


La non-convocation du collège électoral n'a pas de précédant dans l'histoire du Liban. En temps de guerre, la prorogation du mandat parlementaire avait pour justification la force majeure, « seul motif légitime dans ce cas », souligne à L'OLJ l'ancien député, rappelant en outre que « la force majeure doit correspondre à un événement imprévisible, irrésistible et extérieur, et cesse de s'appliquer lorsque cesse l'événement ». Or, non seulement l'autoprorogation envisagée est motivée par des considérations sécuritaires qui « ne suffisent pas pour constituer une force majeure », mais le plus grave est que la prorogation est prévue pour une durée déterminée de deux ans et sept mois, ce qui est une violation flagrante des « normes d'application des cas de force majeure ». Il souligne enfin que le Parlement se réunit « seulement en collège électoral » en l'absence d'un président de la République, ce qui lui ôte toute compétence à légiférer sur une éventuelle autoprorogation de son mandat.


Si donc le collège électoral n'est pas convoqué avant demain, il existe deux issues de « rattrapage » : la première, anticonstitutionnelle, est l'autoprorogation par le Parlement. Cette prorogation devrait se faire avant la fin du mandat le 20 novembre. Au-delà de cette date, le pays basculerait dans « le grave danger du vide parlementaire », comme le rappelle Hassan Rifaï.


Une seconde option, « dans les normes », est avancée par Salah Honein : voter une nouvelle loi électorale sous forme de décret-loi.
« Le Parlement n'ayant pas compétence à légiférer tant qu'il n'a pas élu un président de la République, et sachant que la législation ne doit pas s'interrompre, c'est le cabinet qui devrait se charger de légiférer sous forme de décrets-lois. Rien n'empêche le gouvernement, représentatif de presque toutes les composantes politiques, d'approuver (enfin) une nouvelle loi électorale, en vertu de laquelle un nouveau délai serait fixé pour convoquer le collège électoral avant l'expiration du mandat parlementaire »... Une option qui accorderait un répit de deux semaines à l'exécutif, mais cela n'a plus d'importance puisque « le pays a basculé dans un état de non-droit. Le ballon n'est plus sur le terrain, mais dans les gradins »...

 

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