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Liban - Éducation

Le « Cles », spécialisé dans les troubles de l’apprentissage, fête ses 15 ans

Le Centre libanais pour l'enseignement spécialisé (Cles) est l'une des rares structures libanaises proposant un enseignement spécialisé aux enfants présentant des troubles de l'apprentissage. À l'occasion du quinzième anniversaire de l'association, Carmen Chahine Debbané, directrice et fondatrice de l'association, revient sur le chemin parcouru.

Au cours d’une classe de support scolaire.

«Si je devais choisir, je choisirais d'être dyslexique.» Alaa, 21 ans, étudiant en 3e année d'architecture, est dyslexique. Le jeune homme a choisi de voir sa différence comme une force. Il a bénéficié du soutien absolu de sa mère, enseignante, mais aussi du Centre libanais pour l'enseignement spécialisé (Cles). Issu d'une famille d'universitaires, Alaa était perçu comme un «fainéant» par ses professeurs avant que son problème ne soit identifié. Il est en CE1 lorsqu'il rejoint le centre. En 2000, le Cles est le seul à proposer de l'aide aux enfants qui présentent des troubles de l'apprentissages. Composée d'orthophonistes, de psychologues et de psychomotriciens, la structure encadre des élèves dyslexiques, dyscalculiques, dysphasiques... C'est souvent l'occasion pour ces derniers de rencontrer des spécialistes pour la première fois.

La structure, qui a ouvert ses portes en 1999, ne possédait qu'un seul centre et peinait à recruter des enseignants spécialisés, raconte Carmen Chahine Debbané, fondatrice et présidente de l'association. Elle en compte désormais quatre à travers le pays: Beyrouth, Saïda, Tripoli et Zahlé. Ces centres permettent aux enfants en difficulté d'apprentissage de consulter des spécialistes après l'école. Alaa se souvient : « Je m'y rendais deux fois par semaine. » Après avoir dressé un bilan, les spécialistes du centre établissent un programme adapté à chaque enfant. Il s'agit d'une prise en charge au cas par cas, chaque élève présentant des troubles distincts à des niveaux différents.

Classes de support scolaire à l'école publique
En février 2013, l'ONG signe un protocole d'entente avec le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur prévoyant l'ouverture de classes de soutien scolaire dans les écoles publiques. Aujourd'hui, 9 classes existent déjà, et une quarantaine de plus verront le jour en octobre 2014. D'ici à 2023, 200 classes devraient être équipées du matériel et des technologies spécifiques nécessaires à la prise en charge d'enfants en difficulté scolaire. Elles permettront de toucher un maximum d'élèves au sein même de l'école publique. À long terme, 60000 enfants devraient bénéficier des services de l'association.

 

Une des affiches utilisées par le Cles dans le cadre des campagnes qu’il mène pour sensibiliser aux troubles de l’apprentissage.  Photo tirée de la page Facebook du Cles


L'évolution du Cles est aussi marquée par son travail de sensibilisation en matière de troubles spécifiques de l'apprentissage. À ses débuts, la communication s'opérait principalement par le biais du bouche à oreille, par des conférences et grâce à la presse. Désormais, les enseignants sont mieux formés et travaillent directement avec l'institution. Dès qu'un trouble est identifié chez l'enfant, les enseignants en informent directement le centre le plus proche. Un réel travail de sensibilisation s'est opéré dans le milieu éducatif depuis 15 ans. «Les enfants oubliés du Liban», tels que les appelle Mme Debbané, sont maintenant pris en charge et leurs troubles sont identifiés.
Grâce à plusieurs campagnes de sensibilisation, l'association a réussi à toucher un plus grand nombre de personnes, parents et enseignants. «Il est important de détecter le trouble au plus vite afin que l'enfant ne sombre pas dans la spirale de l'échec et dans la marginalisation progressive», note Mme Debbané. Tel est en effet le risque si l'enfant n'est pas conscient de son trouble et qu'il pense alors être le dernier de sa classe, voire le cancre.

Formation d'enseignants et sensibilisation
L'association s'est développée et propose maintenant des formations aux enseignants du public. Les centres sont composés de 21 formateurs, belges et libanais, et d'ici à cinq ans, 400 enseignants auront bénéficié de formations. Le Cles est donc devenu un acteur incontournable dans le domaine éducatif spécialisé. Rappelons qu'à sa création en 1999, il était difficile de recruter des spécialistes. Les troubles spécifiques de l'apprentissage étaient peu étudiés et ne représentaient pas une priorité pour le gouvernement. «L'Université Saint-Joseph a ouvert ses premiers départements de formation en 1998», rappelle Carmen Debbané.

Quinze ans déjà que l'institution a pour objectif le bien-être des enfants présentant des troubles de l'apprentissage. Le travail de l'équipe de spécialistes est avant tout psychologique. «Le Cles m'a appris à me connaître, à me découvrir, et à comprendre mes points forts et mes points faibles», déclare Alaa. «Avoir une équipe derrière moi m'a empêché de baisser les bras», ajoute-t-il.
Actuellement l'un des meilleurs élèves de sa classe, le jeune homme a repris confiance en lui et encourage tous les dyslexiques à poursuivre leur rêve. Ce qui l'a aidé, c'est également de se tourner vers des activités extrascolaires plus artistiques. «Il est important pour ces enfants de réaliser qu'ils peuvent exceller dans d'autres domaines», précise Alaa. Dans cette optique, le Cles entend promouvoir davantage les activités artistiques telles que le théâtre, la peinture ou encore la musique au sein de ses centres.

Mais ses ambitions ne s'arrêtent pas là. L'association a pour projet de créer un cinquième centre dans un avenir proche pour toucher davantage d'enfants. La structure a choisi de se tourner vers l'école publique dès sa création, mais après avoir été sollicité à de nombreuses reprises par des écoles privées, le Cles envisage prochainement un partenariat avec des établissements privés.
Les troubles de l'apprentissage touchent beaucoup d'enfants, «un nombre effrayant», note la présidente de l'association. «Près de 30 à 50% des élèves d'une classe rencontreront des difficultés plus ou moins sérieuses et devront rejoindre les classes de soutien pour quelques jours, quelques mois ou même pour un an», insiste-t-elle.
L'ouverture d'un nouveau centre et l'élargissement de la structure tenteront ainsi de faire face à une situation qui n'est pas près de disparaître. Avec l'afflux de réfugiés sur le territoire libanais, 4500 enfants syriens ont déjà été pris en charge par le Cles. L'écart de niveau scolaire avec les élèves libanais est un nouveau défi pour l'association.

 

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