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Diaspora - Interview

La Chambre libano-brésilienne de commerce, un trait d’union entre le Brésil et le Liban

M. Mattar, qui est dans le secrétariat des relations internationales de la mairie de São Paolo dont l’actuel maire, Gilberto Kassab, fils d’émigrés libanais, a été porté en octobre à la tête de cette institution par un véritable raz-de-marée populaire, nous explique d’emblée que la Chambre libano-brésilienne de commerce, qui existe depuis des décennies, a été réactivée pour renouer les liens entre le Brésil et le Liban. « Toutefois, la Chambre avait perdu ses connexions matérielles avec le Liban, poursuit-il. Nous avons donc lancé des missions institutionnelles avec des hommes politiques. En 2003, nous avons organisé “Planet Lebanon ” au Brésil en présence de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. À ce même moment, le président brésilien Lulla da Silva affirmait que le Liban serait la porte d’entrée du Brésil au Moyen-Orient. »
Sait-on avec précision combien il y a de Brésiliens d’origine libanaise ? Selon M. Mattar, le seul chiffre quasi officiel dont on dispose est celui de huit millions, même si certains avancent le chiffre de douze millions. « Le plus important est de savoir que ces Libano-Brésiliens sont actifs dans tous les domaines », dit-il. Et que fait pour eux cette Chambre libano-brésilienne du commerce ? « Nous les mettons au courant de ce qui se passe au Liban, explique-t-il. Nous travaillons à répandre l’idée de ce que le Liban représente, à rappeler à ces gens-là leurs origines, leurs racines, et, surtout, à promouvoir les relations entre les deux pays, non seulement entre hommes d’affaires, mais aussi à tous les niveaux. Entre autres, nous faisons au Brésil la promotion du Marathon de Beyrouth. Cela nous aide à amener les jeunes Libano-Brésiliens à se diriger vers leur pays d’origine pour y faire du tourisme, parce que notre préoccupation, c’est que le Liban soit actif et stable. Et nous savons qu’il suffit de pousser les gens à prendre l’avion, le Liban fait le reste puisqu’une fois sur place, les voyageurs tombent amoureux du pays. »
Mais est-ce que des jeunes qui n’ont jamais connu le Liban ressentent toujours un lien avec ce pays ou du moins un intérêt quelconque ? « Malheureusement, les gens n’ont pas gardé le sens de la réalité libanaise, déplore M. Mattar. Par exemple, après la guerre de 2006, beaucoup sont restés convaincus que le centre-ville a été détruit, et que tous les efforts de reconstruction des années 90 ont été perdus. De plus, ils sont très influencés par les crises à Bagdad ou à Gaza par exemple. Pour eux, ces villes sont proches de Beyrouth, ce qui en fait un endroit dangereux. Ils n’ont aucune idée de la modernité et de la convivialité de la société libanaise. Or pour notre part, c’est cette idée qu’il nous importe de répandre. »

« Une dette envers ce pays »
Toutefois, est-ce que les Brésiliens d’origine libanaise se considèrent toujours comme tels ou se sont-ils complètement fondus dans la société ? « Oui et non, répond M. Mattar. Nous sommes d’un côté très fiers de nos origines, de notre gastronomie, etc. Mais d’un autre côté, le Brésil est un pays d’immigrants, un melting-pot. Il est difficile de savoir comment les Libanais ont contribué au développement de leur pays d’origine, parce qu’ils sont si bien intégrés à leur société d’adoption et à cette identité multiculturelle brésilienne. Parmi les Libanais d’origine, on trouvera donc ceux qui ont gardé leur nom de famille et leurs traditions, comme ceux qui les ont perdus. Il leur faut revenir au Liban pour retrouver leurs origines. »
Mitri Mouffarej confirme la mission de la Chambre, celle de rapprocher les Libano-Brésiliens de leurs origines libanaises. « Une fois, nous avons invité des hommes d’affaires brésiliens au Liban, et leur enthousiasme a été tel que dès le premier jour, ils ont contacté leurs épouses pour leur demander de les rejoindre », raconte-t-il.
« La seule façon dont nous pouvons être utiles envers le Liban, c’est d’y attirer de grands commerçants qui pourront amener leurs produits mais aussi acheter la production libanaise, contribuant par là à l’essor économique du pays », assure l’homme d’affaires.
Pour M. Mouffarej, « les pays arabes ont leur pétrole, mais Beyrouth a toujours été un grand centre de commerce ». « C’est ainsi que, en développant les échanges avec le Brésil, nous pourrons créer de nouveaux emplois pour nos jeunes ici et payer notre dette envers ce pays », ajoute-t-il.
Mitri Mouffarej a quitté, il y a plusieurs années de cela, le Liban où il n’avait pas la possibilité de suivre une formation universitaire. Il a fait sa vie à Brazilia où il est devenu l’un des membres influents de la communauté d’origine libanaise, mais il a gardé dans son cœur le souvenir de son pays d’origine. Il affirme avoir discuté, au cours de cette visite, avec des jeunes qui passent aujourd’hui par les mêmes difficultés qu’il avait connues autrefois, et il aspire aujourd’hui à les aider.

Des visites d’officiels brésiliens
La Chambre libano-brésilienne de commerce compte organiser des missions officielles réciproques entre les deux pays en 2009. Pour M. Mouffarej, organiser des visites officielles encouragera le développement des échanges commerciaux. Il assure avoir ressenti un enthousiasme des deux côtés pour de telles initiatives. « Le renforcement des relations commence comme cela, suivi de travail sur le terrain puis de la réalisation finale, dit-il. Mais dans tous les cas, nous persévérons dans nos efforts quoi qu’il arrive. »
Quelles mesures concrètes préparent les officiels brésiliens ? « Nous pourrions organiser des visites de personnalités, notamment le maire de São Paolo, Gilberto Kassab, ou encore celle d’un groupe de parlementaires d’origine libanaise, qui sont une quarantaine actuellement, souligne Mitri Mattar. Nous chercherons aussi à attirer vers le Liban des hommes d’affaires de différents secteurs. » L’un des objectifs sera d’augmenter le volume des échanges commerciaux. « Quand nous avons relancé les activités de la Chambre en 2001, les exportations brésiliennes vers le Liban étaient de l’ordre de 75 millions de dollars, dit-il. Aujourd’hui, elles représentent plus de 200 millions. Pour notre part, ce qui nous intéresse vraiment, c’est de développer les exportations libanaises vers le Brésil, ainsi que les partenariats et les collaborations diverses. Surtout que nous avons un marché pour les produits agroalimentaires libanais. »
Qu’est-ce qui a empêché, jusque-là, le développement de ces relations ? Est-ce la distance considérable entre les deux pays ? « Non, ce serait plutôt le manque de moyens de transport, de lignes maritimes et de lignes aériennes entre le Brésil et le Liban, estime M. Mattar. Il faudrait pour sûr une connexion directe entre São Paolo et Beyrouth. Le Brésil est une puissance pour l’avenir, de l’aveu de tout le monde. Avec notre population de 200 millions d’habitants et un centre commercial qui est le plus développé du continent, nous avons beaucoup de choses à offrir au Liban et au monde arabe en général. D’autant plus qu’au Brésil, et notamment à São Paolo, le développement de l’infrastructure n’a pas suivi celui du marché, et que maintenant, nous manquons de tout. Notre gouvernement n’aura jamais les moyens de tout construire seul. Il aura besoin d’établir des partenariats avec le secteur privé, peut-être avoir accès à des capitaux arabes, avec ou à travers le Liban. Il s’agira d’investissements solides, concrets. »

Un prix annuel
Dans tous les cas, les relations se développent d’année en année. À l’occasion du cinquantième anniversaire de sa fondation cette année, la Chambre libano-brésilienne de commerce a créé, à l’initiative de son président, Alfredo Koteit, un prix décerné chaque fois à une personnalité du monde économique au Liban, et à une autre du Brésil. En 2008, ce sont Adnane Kassar, président des organismes économiques au Liban, et Ernesto Zarzour du Brésil, qui ont été choisis. L’édition de 2009 se tiendra à Beyrouth. Par ailleurs, la Chambre participera également au congrès du « Lebanese International Business Council » (LIBC), qui sera organisé cette année au Liban (voir notre édition du 17 novembre).
Sont-ils rentrés en contact avec des officiels libanais au cours de leur visite ? « Pas cette fois, mais nous comptons sur leur collaboration, assure Mitri Mattar. Nous avons déjà l’appui du consulat général du Liban au Brésil. Nous pensons également créer un bureau permanent à Beyrouth pour aider éventuellement les hommes d’affaires qui voudraient instaurer des rapports avec le Liban. Nous appuyons aussi les projets du LIBC. »
Mais il ne sera pas question de faire de la politique. « La Chambre est complètement apolitique, précise M. Mattar. Nous sommes proches de toutes les parties ici. Nous sommes bien sûr attachés, dans l’absolu, à l’indépendance, la souveraineté et, surtout, la stabilité sécuritaire du Liban. En 2006, nous avions affiché notre position hostile aux attaques contre le Liban, par exemple. »
« Nous pensons que nous pouvons jouer un rôle plus important en faveur du Liban, tout comme il peut être pour nous une porte ouverte sur le monde arabe », conclut-il
M. Mattar, qui est dans le secrétariat des relations internationales de la mairie de São Paolo dont l’actuel maire, Gilberto Kassab, fils d’émigrés libanais, a été porté en octobre à la tête de cette institution par un véritable raz-de-marée populaire, nous explique d’emblée que la...