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Liban - Patrimoine

De Tannourine à Jezzine : à la découverte du « vrai » Liban avec l’Apsad

L'Apsad a organisé en mai dernier deux journées consacrées à la découverte des régions de Tannourine et de Jezzine.

En route vers le point d’observation du gouffre des trois ponts, une merveille naturelle.

Plus de 200 personnes ont répondu à l'invitation de l'Apsad et du ministère de la Culture pour découvrir deux belles régions libanaises, à l'occasion des Journées du patrimoine. Voici un carnet de route des découvertes de cette année, qui n'ont pas manqué de surprises agréables.

Chatine – Tannourine
Quand la famille Younès a invité l'Apsad à découvrir son village de Chatine (caza de Batroun) et son projet de restauration, personne ne s'attendait à ce qu'il allait voir, ni à ressentir autant d'émotions.
Le lieu lui-même est superbe, comme ne peuvent l'être que quelques rares coins perdus et encore vierges du pays, témoins d'une époque révolue. Une nature luxuriante, des chênes centenaires, de coquettes maisons en pierre aux alentours, rien ne vient choquer le regard.

Le projet architectural et culturel à la fois comporte deux volets: d'une part, «une restauration expérimentale de deux maisons, dans le plus grand respect des techniques traditionnelles avec l'utilisation de matériaux anciens et de récupération (terre, chaux, argile, paille, bois et pierre de taille)», explique l'architecte Hala Younès-Moultaka, initiatrice du projet. D'autre part, la promotion de la création artistique et du développement social en milieu rural.

La première maison, «al-Mantara» (de l'arabe natour), «surveille», comme son nom l'indique, le paysage de Jabal Harissa et Jabal Faghri. C'est une maison de notables composée d'un rez-de-chaussée voûté et d'un étage noble: «Notre association al-Mantara animera ici même un centre culturel et une résidence d'artistes», précise Yalda, artiste et militante des droits de l'homme.


La seconde maison est plus modeste: elle a vu naître, au début du siècle dernier, le poète et essayiste Rawad Tarabay. Dans un poème en arabe dialectal, il décrit la maison de sa mère dans ses moindres détails et exprime sa nostalgie suite à l'exode qui a vidé le village et ruiné les habitations. Cette «Maison des poètes» est destinée à accueillir des chercheurs s'intéressant à la question du paysage historique.

«Chatine est fière de son poète, fière de sa sensibilité, de son grand cœur et de son attachement au pays et à ses racines», ajoute Nizar Younès, le père de Hala, avant de lire le poème «Notre maison à Chatine» devant une assistance silencieuse et émue.

Mais nul ne peut venir à Chatine sans voir son fameux «gouffre des trois ponts», une curiosité géologique rarissime. Grâce à l'initiative d'une autre famille, les Chaër, propriétaire du site, la visite du gouffre a été rendue plus agréable par l'aménagement d'un escalier respectueux du site et d'une esplanade sécurisée avec vue plongeante sur les trois ponts et sa cascade haute de 80 mètres.

Fady Chaër, membre du conseil municipal et militant actif du parti des Verts, se démène pour faire de Chatine un village modèle. «L'éclairage public se fait déjà à l'énergie solaire et un programme de tri sélectif des déchets est en cours, dit-il. Pour les plus sportifs, une tyrolienne, la plus longue du Liban, sera installée, et des activités écotouristiques, comme le rappel, la spéléologie et l'escalade, seront proposées par des professionnels.»

Les cars nous conduisent ensuite vers Tannourine. Refuge historique de populations chrétiennes, Tannourine peut aujourd'hui s'enorgueillir de ses 40 églises anciennes, couvents et monastères, dont l'église de Mar Challita au centre du village, remontant au XVIIIe siècle, et le monastère Saint-Antoine de Wata Houb. Les membres de la municipalité et son vice-président, Nehmé Harb, se font une joie de nous accueillir pour nous montrer ces vestiges avant de nous offrir le café dans leur nouveau local.

Les visiteurs se promènent enfin dans la réserve des cèdres de Tannourine, riche d'un million et demi d'arbres, devenue un centre d'observation de la faune et de la flore. Des guides bien entraînés dirigent les marcheurs sur un sentier facile, aménagé à l'ombre des cèdres millénaires.

Jezzine – Bkassine
La seconde Journée du patrimoine a eu lieu au Liban-Sud. En gravissant la route montagneuse depuis Saïda, il est possible de voir la falaise de Jezzine, sa cascade et ses maisons disposées en gradins surplombant l'immense forêt des pins de Bkassine. Nous apercevons au loin le site rocheux de Niha, refuge de l'émir Fakhreddine II lors de sa fuite devant les Ottomans.

À Jezzine, accueillis par le député André Wazir, vice-président du conseil municipal, nous déambulons dans les ruelles pour observer un vieux moulin à eau et d'anciennes demeures. Le souk traditionnel récemment rénové propose, dans de nombreuses boutiques, la fameuse coutellerie, artisanat local datant du XVIIIe siècle. Un motif unique : l'oiseau, emblème de la ville. Il s'agirait sans doute du symbole du Phénix, qui toujours renaît de ses cendres. Une autre explication veut que lors de la famine qui sévissait durant la Première Guerre mondiale, on aurait aperçu un rapace arrachant sa propre peau pour en nourrir ses petits... Le matériau utilisé comporte aujourd'hui, en plus de la corne de taureau originelle, du plastique et de la poudre de verre, modelée à la main avant d'être peinte en blanc ou noir.

La famille Kanaan nous ouvre ensuite les portes de sa grande maison, près du bâtiment de la municipalité. Dans cette demeure grandiose, les petits-enfants nous parlent de leur grand-père, héros de l'Indépendance ayant notamment participé à la conception du drapeau libanais. Devant des portraits de famille et une panoplie d'armes à feu, tout un pan de l'histoire du Liban se déroule sous nos yeux...

Détour incontournable par le palais Serhal, juché sur une colline, gigantesque demeure seigneuriale ouverte aux quatre vents, étalant ses sculptures murales, son mélange étonnant de styles ottoman, andalou, gothique, hindou, mauresque... Le rêve inachevé et abandonné du Dr Farid Serhal, médecin, artiste et visionnaire...

C'est enfin au tour de Habib Farès, président du conseil municipal de Bkassine, de nous accueillir sur la place de l'église de Mar Takla, nouvellement rénovée, aux vitraux imposants. Dans son souci d'inciter les habitants à construire dans le style ancien, M. Farès a eu le mérite de retrouver une décision de la Banque du Liban qui accorde des prêts à taux très réduits – près de 1% – pour toute construction respectueuse des traditions architecturales.

Nous clôturons la visite par une marche dans la pinède de Bkassine, la plus grande du Moyen-Orient, dans laquelle un projet écotouristique s'apprête à voir le jour: la Maison de la forêt, qui comporte des bungalows et un centre d'accueil pour les visiteurs, des sentiers aménagés pour les randonneurs, des activités de plein air ainsi qu'une vaste aire de pique-nique.

Ces deux Journées du patrimoine confortent notre conviction que pour préserver celui-ci et le mettre en valeur, il suffit de la volonté de quelques personnes motivées, d'une municipalité dynamique et présidée par une personne intègre, concernée par le développement de sa région et secondée par des architectes sensibles à notre héritage.

 

Gladys NADER et Nelly ABDALLAH
Apsad – Comité
SOS environnement

 

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