Au lieu de se lamenter vainement sur le manque d'enneigement des pistes de ski en cette fin de janvier, pourquoi ne pas faire contre mauvaise fortune bon cœur et en profiter pour se promener à travers le pays ?
L'Orient-Le Jour a chaussé ses chaussures de marche, pour une journée d'écotourisme et de tourisme religieux à la découverte d'une région pleine de sites enchanteurs, Tannourine. Tannourine, sa réserve de cèdres, ses ermitages, ses églises millénaires et ses gouffres voisins.
À 75 km de Beyrouth, Tannourine s'étale sur 100 millions de mètres carrés de la montagne libanaise, à une altitude de départ de 800 mètres. Son plus haut sommet culmine à 2 700 mètres, sur la chaîne du Mont-Liban. Facile d'accès, à moins de deux heures de la capitale à partir de l'autoroute de Batroun, également accessible par Douma, la région est le point de rencontre entre trois mohafazats, le Mont-Liban, la Békaa et le Nord. Ses principaux villages sont Tannourine el-Tahta, Tannourine el-Fawqa, Wadi Tannourine et Wata Houb. Habités été comme hiver, ils n'en maintiennent pas moins une certaine authenticité, malgré la proximité avec le littoral. Ses autres villages, dont Harissa, Aïn el-Raha, Fahta, Wadi el-Jurd et Laqlouq, sont des centres de villégiature très prisés. Les habitants assurent que la Vierge de Harissa est originaire de Tannourine. « La statue de la Vierge a été transportée sur la colline de la baie de Jounieh, raconte l'ingénieur de la municipalité, Jawad Harb, lorsque les chrétiens de la région étaient persécutés durant la période ottomane. »
Circuits de marche en pleine forêt
C'est sur les hauteurs de la localité que se dresse majestueusement la cédraie de Tannourine qui surplombe la vallée du même nom. Aménagée en réserve en 1999 par la municipalité, la deuxième plus grande forêt au Liban après celle du Barouk, avec ses deux millions de mètres carrés, fait la fierté de la localité et le bonheur des amoureux de la nature. Plus d'un million et demi d'arbres, cyprès, pins, peupliers, épicéas et cèdres, dont certains deux fois millénaires, y sont protégés et surveillés de près par les villageois, gardiens du site. D'une grande richesse, elle abrite aussi plusieurs espèces d'oiseaux et de papillons, ainsi que des animaux sauvages, sangliers, hyènes, écureuils, serpents et chauves-souris. À tel point qu'elle est devenue un centre d'observation de la faune et la flore de la région, prisé des scientifiques et des établissements scolaires.
Soucieuse d'attirer les touristes, tout en préservant son site, la réserve de Tannourine a donc aménagé plusieurs circuits de longueurs et de difficultés variables, explications à l'appui, à l'intention des marcheurs, petits et grands. Avec pour consigne : respecter les lieux et ne pas piétiner les nouvelles pousses. Car la reforestation est en bonne marche, avec pour rêve ultime de faire un jour la jonction avec les cèdres de Bécharré.
Tannourine est aussi célèbre pour avoir été le refuge des chrétiens au fil des ans. Il abrite une quarantaine de vieilles églises en pierre, des couvents et des séminaires. Parmi lesquels l'église Mar Challita, vieille de 1 700 ans, bâtie sur les ruines d'un temple juif, le couvent Saint-Antoine de Houb, et l'église Saint-Antoine de Tannourine el-Tahta, véritable curiosité qui abrite en son sein une autre église, l'église as-Saydé. À flanc de montagne, de nombreuses anfractuosités dans la roche tenaient lieu d'ermitages. Certaines d'entre elles servent aujourd'hui de murs d'escalade ou de rappel à une jeunesse friande de sports extrêmes.
Avec près de 25 000 visiteurs par an, Tannourine ne veut pas s'arrêter en si bon chemin. « Nous avons d'excellents restaurants au bord de la rivière. Nous avons le meilleur hôpital gouvernemental du Liban. Nous envisageons de doubler le nombre de touristes d'ici à deux ans », promet le président de la municipalité, Mounir Torbay. « Outre la visite de la cédraie et des sites religieux, les touristes ont la possibilité de s'adonner aux sports d'escalade. Des murs ont été aménagés sur les façades rocheuses », explique-t-il. « Quant aux ermitages, il sera bientôt possible d'y accéder », assure-t-il. La municipalité œuvre également à la mise en place d'une navette touristique qui reliera le village à Batroun dans un premier temps. L'objectif à long terme étant de créer une navette qui desservira toute la région.
Le gouffre des trois ponts, unique au monde
La visite de Tannourine risque d'être incomplète sans un crochet par le gouffre de Baatara, qui fait la célébrité du village voisin de Chattine, à dix minutes. Un village qui appartenait à la municipalité de Tannourine, mais qui a créé sa propre municipalité il y a deux ans déjà. Très prisé pour les randonnées et les expéditions de spéléologie, ce village, qui revendique son orientation écologique, est encore inconnu du grand public. Et pourtant, le gouffre de Baatara est d'une beauté à couper le souffle. « D'une profondeur de 250 mètres, présentant une chute d'eau de 80 mètres qui alimente la source de Kfar Helda, il constitue une réserve naturelle protégée par le ministère de l'Environnement », explique le spéléologue, Antoine Comaty. On l'appelle aussi le gouffre des trois ponts car il présente trois ponts naturels superposés au-dessus du gouffre. « Unique au monde, il est né d'un phénomène d'érosion qui a duré 160 million d'années », assure le vice-président de la municipalité de Chattine, Fady Chaher.
Dans le cadre de l'aménagement du site, un escalier équipé d'un éclairage à l'énergie solaire a été construit par le ministère du Tourisme en collaboration avec le ministère de l'Énergie et de l'Eau, à la demande de la municipalité. Il a été inauguré en janvier. Et ce pour permettre aux visiteurs d'admirer le site, en toute sécurité, depuis un balcon. Les plus téméraires et les amateurs de sensations fortes préféreront marcher jusqu'au gouffre « laissé à l'état naturel, mais qui devrait être sécurisé de manière à ne pas être défiguré », assure M. Chaher. Ils pourront aussi pratiquer les activités d'écotourisme organisées par la municipalité avec l'aide de professionnels, à savoir la tyrolienne, le rappel, l'escalade ou même la spéléologie. « Nous avons installé la tyrolienne la plus longue du Liban », indique M. Chaher. Le fondateur de l'Association des trois ponts rêve de mettre Chattine sur un circuit touristique qui regrouperait les cèdres de Tannourine, Douma, Laqlouq et Afqa. Un rêve à portée de main, vu le potentiel de cette montagne encore préservée, riche de son patrimoine. Car le village présente un autre gouffre, celui de Balaa, moins accessible, mais tout aussi impressionnant...
Pour mémoire
« Il est temps que le Liban redevienne un havre de nature et de tourisme »
Ça met beaucoup du baume au cœur !
05 h 41, le 29 janvier 2014