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Liban - Walid JOUMBLATT

« Et si... ? » Lettre à Uri Avnery

Dans cette lettre, Walid Joumblatt répond à un article du journaliste et homme politique israélien de gauche, Uri Avnery, qui traitait de la visite du pape François en Terre sainte et du fait que le fondateur du sionisme, Theodor Herzl, aurait préféré initialement la Patagonie à la Palestine pour l'établissement du foyer national juif.

Mon ami Uri,

L'histoire et la vie forment une série de coïncidences. Lorsque j'étais étudiant à l'Université américaine de Beyrouth, j'ai eu l'occasion de suivre des cours avec des professeurs, dont certains étaient très distingués et d'autres parfaitement ennuyeux.
Ma préférence allait à l'histoire, quand bien même nous étions obligés d'assister à des matières stupides comme la psychologie et l'économie, auxquelles je réussissais à peine.
En histoire, j'ai eu la chance d'avoir assisté aux cours sur l'Empire ottoman dispensés par le professeur Zeine Zeine. Ce dernier avait une façon unique de discourir sur cette période où Arabes et Juifs vivaient plus ou moins paisiblement sous la protection du sultan.
Les cheveux grisonnants, il était petit de taille, mais avait un ton imposant, qui variait de la douceur au drame en fonction du sujet du cours. Il possédait ce pouvoir magnétique à même de faire perdre aux étudiants la notion du temps réel et nous faisait remonter les siècles à travers les différents épisodes de l'histoire ottomane.
L'un de ses cours les plus mémorables porta un jour sur la prise de Constantinople par Mehmet II le Conquérant, racontée avec une émotion et un sensationnalisme dignes d'Apocalypse Now de Coppola.
Ainsi, c'est en murmurant qu'il dévoilait les mystérieuses intrigues fomentées par les favorites du harem du Sultan, qui devaient précipiter le cours des événements d'une manière sans précédent pour l'empire et son destin.
Là, la sultane Hürrem, Roxelane, Alexandra Lisowska, née à Rohatyn (dans le royaume de Pologne à l'époque, mais qui se trouve d'aujourd'hui en Ukraine), avait convaincu Soliman le Magnifique, le conquérant de Belgrade, de Rhodes et presque de Budapest, de se débarrasser de son fils aîné Mustafa, né de son autre femme, la sultane Mahidevran Gülbahar.
L'amour est comme la mort, et Mustafa avait été étranglé sous les yeux de son père. Le fils de la sultane Hürrem devait succéder à Soliman le Magnifique et entrer dans l'histoire sous le nom de Sélim II « l'Ivrogne ».
Agatha Christie en aurait fait un superbe roman. Mais il n'y avait pas d'Orient-Express à cette époque...
Il y a 45 ans, comme si c'était aujourd'hui, le professeur Zeine s'arrêta soudainement, nous regarda et dit : « Ce sont là les "et si... " de l'histoire. »
Le cours en vint malheureusement à finir, et avec lui l'empire au bout de 500 ans de domination, Zeine évoquant tristement l'ultimatum de Lloyd George : « L'Empire ottoman doit cesser d'exister. »
Depuis ce jour et jusqu'à présent, les « et si... » de l'histoire décident du sort de nations et de peuples entiers.
C'est là que l'emplacement de « Der Judenstaat » a fini en Palestine, au lieu d'être en Patagonie, contrairement, il semble, à la volonté de Theodor Herzl.
Je ne doute pas du fait que Herzl détestait la Palestine et Jérusalem, et voulait éviter, comme vous le dites, le mouvement messianique qui a toujours conduit les Juifs à des catastrophes.
La Patagonie aurait pu être l'endroit, le paysage idéaux.
De plus, à Jérusalem, dans cette Ville sainte et malgré le fait qu'ils descendent tous d'un seul aïeul, Abraham, les habitants doivent coexister avec les « si » de l'humeur de la multitude des prophètes et des dieux qui ont hérité du grand patriarche. C'est pourquoi tout le monde y déteste tout le monde, y compris au sein de la même « famille spirituelle »...
À cet égard, la Patagonie aurait pu être plus sûre, Abraham n'ayant heureusement aucune connaissance de son existence, il me semble.
Cher Uri,
Bien sûr, personne ne sait ce que le pape a bien pu dire à Dieu dans sa prière.
Je suppose qu'il priait pour la paix. Mais il a aussi dû Lui dire : « Grâce à vous, Seigneur, et grâce aux "et si..." de l'histoire, Peres et Netanyahu ne sont pas en Patagonie. Sinon, ils auraient colonisé le reste de l'Argentine et j'aurais peut-être été aujourd'hui un réfugié, quelque part en Amazonie, au lieu d'être le Saint-Père. »
Amitiés sincères,
Walid

Par Walid JOUMBLATT
Député et chef du Parti socialiste progressiste

 

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De multiples hérétiques tant chrétiens que musulmans, trouvèrent refuge sur les flancs de ce Mont-Libanais. Les maronites, e.g., firent souche au Nord de ce gros massif crevassé. Tandis que des musulmans bientôt convertis au rite druzizte, dissidence ésotérique du chïïsme, prirent au Sud racine. Ce bastringue sera un assourdissant et tumultueux barnum en grand : en 1841 puis en 1860, cette montagne campagnarde en terrassées fut le théâtre de pogroms antichrétiens, préludes à de multiples autres effroyables interconfessionnelles hécatombes. Il faudra d’ailleurs, pour sceller la réconciliation, attendre 2001 et la visite du Batrak Primordial maronite Mâr Nassrallâh Botross. À l’heure des Croisades (sionisme ancien) et de leurs attaques, certains chréti(e)ns prêtèrent leur concours à ces assaillants de l’Ouest (Sud actuel). Ralliement qui leur vaudra moult rudes représailles lors des contre-attaques menées par les Mamelouks d’Égypte (Nusayrîs de sœur-syrie), ces gens de l’Est arriéré et bête. Les émirs druziztes locaux, eux, jouaient plutôt à l'agent "double" jurant d’épauler ces mêmes croisés (Sionistes vieux), tout en livrant leurs feuilles de route à ces autres pachas mamelouks (du nouveau Damas älaouïte). Partisans de l’Occident chréti(e)n (Juif, kifkif) VS serviteurs de l’Orient musulman (qui ment tant), les alliances étaient perpétuellement réversibles. En fait, tous ces déchirements si libanais(h) indigènes actuels viennent bien de là ; de tellement loin !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

08 h 16, le 09 juin 2014

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  • De multiples hérétiques tant chrétiens que musulmans, trouvèrent refuge sur les flancs de ce Mont-Libanais. Les maronites, e.g., firent souche au Nord de ce gros massif crevassé. Tandis que des musulmans bientôt convertis au rite druzizte, dissidence ésotérique du chïïsme, prirent au Sud racine. Ce bastringue sera un assourdissant et tumultueux barnum en grand : en 1841 puis en 1860, cette montagne campagnarde en terrassées fut le théâtre de pogroms antichrétiens, préludes à de multiples autres effroyables interconfessionnelles hécatombes. Il faudra d’ailleurs, pour sceller la réconciliation, attendre 2001 et la visite du Batrak Primordial maronite Mâr Nassrallâh Botross. À l’heure des Croisades (sionisme ancien) et de leurs attaques, certains chréti(e)ns prêtèrent leur concours à ces assaillants de l’Ouest (Sud actuel). Ralliement qui leur vaudra moult rudes représailles lors des contre-attaques menées par les Mamelouks d’Égypte (Nusayrîs de sœur-syrie), ces gens de l’Est arriéré et bête. Les émirs druziztes locaux, eux, jouaient plutôt à l'agent "double" jurant d’épauler ces mêmes croisés (Sionistes vieux), tout en livrant leurs feuilles de route à ces autres pachas mamelouks (du nouveau Damas älaouïte). Partisans de l’Occident chréti(e)n (Juif, kifkif) VS serviteurs de l’Orient musulman (qui ment tant), les alliances étaient perpétuellement réversibles. En fait, tous ces déchirements si libanais(h) indigènes actuels viennent bien de là ; de tellement loin !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 16, le 09 juin 2014

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