L'homme politique libanais est une race à part. Veule et vaine, dans son immense majorité. Tellement inutile. Surtout une fois tous les six ans.
Parce que, pendant que Michel Sleiman continue de prouver à quel point la cravate d'homme d'État lui va infiniment plus que son ex-uniforme de général, à quel point il restera une énorme exception, 98 % de l'échiquier politique local se noie dans le bavardage. Dans les magouilles. Et dans une absence hallucinante de fierté – ou de dignité, c'est pareil.
Le pays n'a jamais autant ressemblé à une volière : du plus inconnu des caïmacams au plus insipides des députés, tous ont un avis, tous tiennent à le faire connaître. C'est pratiquement le degré zéro de la politique. Et de l'intelligence.
Le pays n'a jamais autant ressemblé à une arrière-cour des Médicis : ça se renifle dans chaque coin, ça se dragouille derrière les caméras, ça se renifle, ça fricote, ça insinue, ça enfle les rumeurs à propos de tel ou tel deal sous-terrain, telle réconciliation entre des ennemis d'hier, ça brasse de l'air, ça se pavane.
Le pays n'a jamais autant ressemblé à une bergerie. De la Suisse il y a une cinquante d'années, le voilà passé à la Nouvelle-Zélande du Moyen-Orient : il n'y a presque plus que des moutons. Partout. Des moutons qui bêlent dans toutes les langues, de l'iranien au saoudien, en passant par tous les camaïeux possibles de latin : Babel dégénérée, inaudible, illisible. Et stérile. Toutes les langues, sauf le libanais. De 1990 à 2006, c'était une tutelle immonde, mais au moins elle était claire. Franche. Surtout pas honteuse.
La honte est comme la douleur : on ne l'éprouve qu'une fois. On peut encore la feindre après ; mais on ne la sent plus. Cependant, le plaisir reste, et c'est bien quelque chose. Et c'est bien là tout le drame : à quelques exceptions près, ces hommes politiques libanais sont incapables de la moindre maturité, incapables de la moindre autogestion, incapables de la moindre libanitude. Masochistes et handicapés jusqu'à la moelle. Que leurs maîtres les lâchent, qu'ils les affranchissent, qu'ils leur donnent carte blanche, qu'on verrait ces hommes-là gigoter affreusement, ne plus savoir que dire/faire, perdus comme jamais, comme des lapins pris dans des phares, veules, vains. C'est atroce : si on les enfermait pour élire, en absolue liberté, un président de la République, ils ne sauraient le faire. Ils ne savent plus le faire. Ils ne comprendraient aucunement qu'il n'y ait pas de mot d'ordre. De là où ils sont, Sleimane Frangié, le grand-père, et Élias Sarkis rigolent doucement.
L'homme politique libanais est véritablement une race à part. La seule qui autorise, cela s'appelle de la légitime défense, un minimum vital, nécessaire, de racisme.
P.-S. : à moins d'un miracle, c'est un président consensuel (le mot est repoussant et affligeant...) qui s'installera dans le fauteuil superbement chauffé par Michel Sleiman. Quitte à aller dans ce sens, quitte à perpétuer la farce, quitte à amender la Constitution, autant le faire avec panache. Avec intelligence. Avec de la (pré)vision. Le principal défi du futur président de la République n'est plus d'en finir avec les armes du Hezbollah, avec la vampirisation de l'État ; de sanctuariser le Liban. Cela reste évidemment d'une urgence féroce, mais la priorité, désormais, est de garder le pays hors de l'eau. Dans ce cas, un homme, un seul, serait à même de le faire. Riad Salamé.
commentaires (6)
Sûrement pas cher ami, sûrement pas! Le consensuel nous a mené à la guerre civile. Nous n'en voulons plus. Nous voulons quelqu'un qui ai les couilles d'appliquer un programme bien défini et claire qui commence par le plus néfaste: les armes du Hezbollah. Après cela tout le reste se réglera de facto. N'importe quoi d'autre c'est se foutre le doigt dans le nez jusqu'au coude.
Pierre Hadjigeorgiou
11 h 56, le 03 mai 2014