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Liban - Événement

Geagea scelle la réconciliation avec son passé

Un retour dans l’univers carcéral, avec sérénité. Photos Aldo Ayoub

Le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, décrit sereinement son passé et témoigne de son incarcération sans émotion, ni clichés, devant les journalistes conviés à l'inauguration d'une reproduction à l'identique de son ancienne « cellule » du ministère de la Défense, reconstituée à Maarab. Il décrit ses onze années passées dans le troisième sous-sol du ministère de la Défense, « qui était à l'époque un ministère de la tutelle syrienne ».

Son attitude contraste avec l'émotion visible sur les visages de certains partisans qui l'accompagnent, dont un garde du corps incarcéré 73 fois au ministère de la Défense de l'époque, où il a été torturé. « Il s'est réconcilié avec cette période, moi pas », pouvait-on entendre murmurer un des proches de Samir Geagea.

L'inauguration de la cellule, qui doit prochainement être ouverte au public, a coïncidé avec la 20e commémoration de son arrestation. Le message est simple : la page a été tournée sur le passé, « sans haine ni rancune ». Invoquer ce passé aujourd'hui pour discréditer le chef des FL « trahit un manque d'arguments contre ma politique actuelle ».

Si Samir Geagea rejette tout lien entre l'inauguration de la cellule et sa candidature à la présidence, il reste que les deux auront servi un même dessein : briser « une image entretenue longuement par la tutelle syrienne » et qui avait rendu improbable jusque-là sa candidature. « J'ai purgé ma peine », déclare-t-il, indépendamment du bien-fondé des accusations qui lui avaient valu cette peine.
Il reconnaît avoir mérité son calvaire carcéral, d'abord psychologique, en même temps qu'il le situe dans le cadre d'un processus de réconciliation nécessaire.

 

(Lire aussi: Geagea serait largement le favori de l'électeur 14 Mars, d'après un sondage)


Tout dans l'étage de la prison, y compris le matériau, comme le carrelage et les équipements d'aération, est identique à la prison initiale. Rien n'est maquillé. Jusqu'aux détails de la rouille des lits superposés des geôliers, ou les menottes posées entre les barreaux du portail qui donne sur l'étroit couloir à travers lequel les prisonniers étaient conduits vers leur cellule, les yeux bandés. « C'est après sa reconstitution que j'ai pu voir ce couloir pour la première fois », indique M. Geagea.

L'installation de torture dans l'antichambre est aggravée par une bande de deux minutes projetée sur l'un des murs, reproduisant une scène de torture infligée à un homme puis à une femme, aux cris retentissants. « Je n'ai pas été torturé ainsi, mais j'ai subi d'autres formes de torture », affirme Samir Geagea.
La projection est réactivée de manière à en entendre les échos lorsque Samir Geagea atteint sa cellule, la troisième d'une série de six, dans un couloir qui prolonge celui de la permanence des geôliers. Ce sont en effet les cris de ses camarades, « torturés exprès devant la porte de ma cellule », qu'il entendait souvent, se mêlant à la rumeur assourdissante d'un générateur électrique activé tout près.

C'est par « la patience et le calme » qu'il dit avoir traversé ces instants, conscient qu'il se trouvait « dans une situation de confrontation politique ». Il évoque la prière parmi ses outils de résilience, sans toutefois en faire l'objet principal de son propos. Il fallait « éloigner le sentiment de peur et de découragement ».

 

(Verbatim : le discours-programme de Geagea pour la présidence de la République)



Debout dans sa cellule, près de son lit aux couvertures affadies, ramené du ministère de la Défense, il murmure un chant de printemps devant les journalistes, comme il avait l'habitude de le faire pour se calmer. Il est arrivé que ces cantonades lui servent d'outil de lutte politique. Dans le couloir longeant les cellules « des jeunes du Courant patriotique libre, du Parti national libéral et des FL étaient souvent entassés. Je pouvais les entendre ». « N'étant pas autorisé à parler, je n'ai trouvé d'autre recours pour réconforter une des militantes que de chanter "Ma tkhafich ana mouch nasiki" (Ne t'inquiète pas, je ne t'ai pas oublié) »... Son récit s'achève sur un rire calme.

À droite de sa cellule, son petit bureau est recomposé : sur les deux bords de la table, une petite pile de livres, où l'on repère un dictionnaire et une bible. Deux images de saints, un carnet de notes, une boîte de yaourt vide, des assiettes en carton empilées sous une boîte de pizza s'entremêlent sur la petite table.

 

(Voir : Qu'attendez-vous du prochain président ? Les Libanais, à travers le pays, répondent)

 

S'il dit avoir lu près de 1 500 livres (dont les plus marquants ont été regroupés dans une vitrine aménagée dans une salle indépendante), il confie avoir mis du temps pour acquérir une assiduité de lecture. « Il m'a fallu six mois pour finir mon premier livre, l'autobiographie de sainte Thérèse d'Avila, dont j'ai disséqué chaque ligne. » Se sont ensuite succédées des lectures psychologiques (Kierkegaard) et philosophiques (L'école transpersonnelle), imprégnées de spiritualisme. La quête constante du dépassement de soi et le processus de renaissance est une thématique récurrente dans les titres des ouvrages exposés. Le pacte national et la formule libanaise font partie de sa bibliographie.

« Mon passé est celui du Liban, pourquoi chercher à m'en dissocier comme si la guerre n'avait jamais eu lieu ? »
s'interroge-t-il. « Les erreurs que j'ai faites ont été commises en temps de guerre, rappelle-t-il. Le vrai criminel est celui qui continue à commettre ces erreurs après la fin de la guerre et le redressement de l'État », souligne, lucide, Samir Geagea.

 

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Le triple enjeu, libanais, arabe et occidental, de la candidature de Samir Geagea

Le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, décrit sereinement son passé et témoigne de son incarcération sans émotion, ni clichés, devant les journalistes conviés à l'inauguration d'une reproduction à l'identique de son ancienne « cellule » du ministère de la Défense, reconstituée à Maarab. Il décrit ses onze années passées dans le troisième sous-sol du...

commentaires (2)

AU MOINS IL EST LE PLUS FRANC ET LE SEUL À S'ÊTRE EXCUSÉ PUBLIQUEMENT POUR LE PASSÉ. QU'EN EST-IL DES AUTRES ? DU PASSÉ ET DU PRÉSENT ???

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 14, le 23 avril 2014

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Commentaires (2)

  • AU MOINS IL EST LE PLUS FRANC ET LE SEUL À S'ÊTRE EXCUSÉ PUBLIQUEMENT POUR LE PASSÉ. QU'EN EST-IL DES AUTRES ? DU PASSÉ ET DU PRÉSENT ???

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 14, le 23 avril 2014

  • Mettons de côté la grande épreuve, la résistance, et le mérite du chef des Forces libanaises, de par cette incarcération ordonnée par la tutelle syrienne. Arrêtons-nous sur le plus important, l'essentiel, le plus stupéfiant : Comment des Libanais, et plus encore des militaires, du sommet de cette République libanaise à des degrés inférieurs, ont-il accepté consciemment d'être aussi serviles à une tutelle qui piétinait avec une telle violence la dignité du Liban et de ses citoyens ? Il est impossible de comprendre cela en dehors d'une décadence morale inouie qui a envahi le Liban -et dont il reste hélas des traces meurtrières- suite à la guerre interne, puis sous l'oeuvre de cette même tutelle criminelle, vile et exécrable.

    Halim Abou Chacra

    05 h 42, le 23 avril 2014

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