Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Le billet

Brigitte ma chérie

Photo d’illustration ginasander/Bigstock

 

Matignon, le 27 mars 2014


Brigitte ma chérie,
Permets-moi, aujourd'hui, de m'adresser à toi par écrit. Il est des choses plus faciles à écrire qu'à dire. Brigitte, il est fort possible que, dans les jours à venir, je perde mon boulot. À 64 ans, le coup est rude, je ne te le cache pas. Ce qui l'est plus encore, c'est l'impopularité. Les Français ne m'aiment pas, Brigitte. N'est-ce pas terrible ça, de savoir que tes compatriotes ne t'aiment pas ? Alors que moi, globalement, je les aime bien. Je sais bien qu'entre eux et moi, ça n'a jamais été la grande passion, mais là, Brigitte, j'explore les tréfonds de leur désamour.
Pour être tout à fait honnête, ce n'est pas l'impopularité qui me fait le plus mal. Le pire, c'est le lâchage par les miens. Moi qui milite dans les rangs du Parti socialiste depuis 1972 ! 42 ans Brigitte, 42 ans de cotisations, congrès, meetings et autres visites de marchés, 42 ans à grimper les échelons, un à un, humblement, dans le respect d'autrui, pas de coups bas, courageux, loyal le gars ! Et aujourd'hui, tout un tas de Brutus encartés veulent ma peau. Si tu vois Glavany à la télé, coupe le son Brigitte, tu ne vas pas supporter. Ils disent que je suis mou... Tu me trouves mou toi ? Ils disent aussi que je ne suis pas à la hauteur, pas assez autoritaire. Eh bien je lui souhaite bien du courage à mon successeur dans la gestion de ces ministres aux ego démesurés. Un conseil de divas, Brigitte, voilà ce que je me suis coltiné.
Mais tu me connais, je ne suis pas du genre à pleurer sur mon sort.
La bonne nouvelle, si je suis viré, c'est que toi et moi, ma Brigitte, on va ressortir le combi. À nous les routes de Bretagne, les galettes au beurre salé noyées dans le chouchen. Et le soir, Brigitte, le soir, au clair de lune, je te susurrerai Rilke.

Ton Jean-Marc


***


Le Caire, le 27 mars 2014


Habibti,
Permets-moi, aujourd'hui, de m'adresser à toi par écrit. Il est des choses qui doivent être couchées sur le papier pour la postérité.
Habibti, c'est fait, je suis officiellement candidat à la présidence. Je sais ce que tu penses, je sais tout. Je sais ta fierté, je sais ta joie, je sais tes peurs aussi : je vais avoir beaucoup moins de temps pour toi et nos enfants. Et pour combien d'années, te demandes-tu aussi. Je serai honnête et direct avec toi. Aujourd'hui, le peuple d'Égypte m'appelle, je me dois de lui répondre. Si demain il m'appelle aussi, je ne me déroberai pas à mes responsabilités. Jamais, foi de Sissi ! C'est que l'heure est grave, tu le sais. Des hordes de barbares terroristes menacent notre pays. Je te promets de les mener à la potence, pour toi habibti, et pour nos enfants aussi. Si Dieu le veut, bientôt, grâce à moi, plus aucune tête ne dépassera dans ce pays.
Et puis, si le manque devient trop fort, si les enfants me réclament en pleurant, va à la fenêtre habibti, écarte les rideaux, là, dans la rue, tu verras mon visage, en technicolor et grand format, tendu entre deux poteaux, placardé sur un immeuble, accroché à un pont. Emmène les enfants chez l'épicier, montre-leur le visage de leur père, au fond d'une tasse ou sur un pin.
Et sache qu'il m'en coûte aussi, de vous laisser ainsi. Comme il me coûte d'avoir lâché l'uniforme dans lequel j'ai grandi. Toi seule sais à quel point j'aime le kaki.

Ton Sissi


***


Alger, le 27 mars 2014


Amal ma chérie,
Permets-moi, aujourd'hui, de m'adresser à toi par écrit. J'ai quelques problèmes à l'oral ces temps-ci. Voilà, j'ai décidé de rempiler. Ce n'est pas un AVC, 80 jours d'hospitalisation, 77 printemps dont 15 au pouvoir, qui vont avoir raison de Abdelaziz ! Depuis que j'ai battu le record algérien de longévité au pouvoir, je me sens l'âme d'un immortel. Et qu'est-ce qu'un quatrième mandat à l'échelle de l'éternité ?
(...)
Amal ma chérie, permets-moi, aujourd'hui, de m'adresser à toi par écrit. J'ai quelques problèmes à l'oral ces temps-ci. Voilà, j'ai décidé de rempiler.
Ah mince, je radote. Tu vas m'excuser, je suis un peu fatigué. Certains disent que toutes les lourdes responsabilités que j'ai eues ces dernières années, ont fini par avoir raison de certaines de mes capacités. Foutaises et jalousie !
(...)
Amal ma chérie, excuse cette nouvelle interruption, l'infirmière vient de passer pour mes soins du matin. Adorable cette petite Samia. Je te disais donc que j'ai décidé de rempiler. Et a priori, je devrais y rester à la présidence. Avec une campagne innovante de surcroît, 100 % par procuration.
Mais pour toi, quel que soit le résultat de la présidentielle, rien ne changera. Que je sois élu ou pas, tu m'auras toujours là, à la maison avec toi. Moi Abdel, je serai invisible à mon peuple, mais jamais à toi.

Ton Boutef, pour toujours.

 

(Ceci est un billet, ce texte est donc le produit de l'imagination de l'auteur)

 

 

 
Matignon, le 27 mars 2014
Brigitte ma chérie,Permets-moi, aujourd'hui, de m'adresser à toi par écrit. Il est des choses plus faciles à écrire qu'à dire. Brigitte, il est fort possible que, dans les jours à venir, je perde mon boulot. À 64 ans, le coup est rude, je ne te le cache pas. Ce qui l'est plus encore, c'est l'impopularité. Les Français ne m'aiment pas, Brigitte. N'est-ce...
commentaires (3)

Ô BRIGITTE... NON PAS TOI ! JE PARLE À LA BRIGITTE LIBANAISE. JE N'OSE PAS VENIR TE VOIR MA CHÉRIE CHEZ TOI... IL PARAIT, ME DIT-ON, QUE MON NOM NE ME LE PERMET PAS... POURQUOI BRIGITTE ? POURQUOI CES LIBANAIS NE M'AIMENT PAS ? MOI? JE LES AIME : FOI DE AYRAULT !

LA LIBRE EXPRESSION

21 h 42, le 30 mars 2014

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Ô BRIGITTE... NON PAS TOI ! JE PARLE À LA BRIGITTE LIBANAISE. JE N'OSE PAS VENIR TE VOIR MA CHÉRIE CHEZ TOI... IL PARAIT, ME DIT-ON, QUE MON NOM NE ME LE PERMET PAS... POURQUOI BRIGITTE ? POURQUOI CES LIBANAIS NE M'AIMENT PAS ? MOI? JE LES AIME : FOI DE AYRAULT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    21 h 42, le 30 mars 2014

  • Hahahahahahahaha........ Super, superbe, genial!!! Bravo.

    michele bibi

    06 h 59, le 29 mars 2014

  • j'ai quitté le Liban depuis bientôt 4ans, et depuis le France, je lis L'Orient le Jour, toujours avec plaisir. La lettre de Jean-Marc à Brigitte est très pertinente.

    Faivre Francoise

    05 h 13, le 29 mars 2014

Retour en haut