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Liban - La situation

Premiers frémissements sur la voie du changement

Tammam Salam présidant la commission ministérielle hier au Sérail. Elle se réunira de nouveau mardi. Photo Dalati et Nohra

D'où vient-il, alors que les blocages politiques perdurent, que les risques de vacance des institutions sont toujours dans l'air, que l'insécurité s'aggrave, en particulier dans la Békaa, et que la conjoncture économique demeure des plus moroses, d'où vient-il qu'un filet d'optimisme, mince mais réel, enveloppe depuis peu l'horizon libanais ?
Concrètement, rien ou peu de choses incitent à ce stade à se réjouir des perspectives qui s'ouvrent devant ce pays. Pourtant, quelques signaux, annonciateurs de changements et d'une évolution qui pourraient à terme se révéler décisifs sur la voie d'une stabilisation durable du Liban, commencent à apparaître.
La conférence de Paris et la symbolique qui en a été tirée représentent l'un de ces signaux, de ces frémissements si l'on préfère. Certes, la réunion, contrairement à ce qui se faisait dans le passé (Paris I, II et III) ne s'est pas achevée sur un alignement de chiffres sonnants et trébuchants en faveur du Liban. On se souvient de l'époque glorieuse quand le président Jacques Chirac se livrait avec entrain à l'arbitrage d'une compétition parmi ses hôtes pour voir qui d'entre eux donnerait le plus à l'économie libanaise et n'hésitait pas à tancer avec la plus grande sévérité les ministres et les États qui se montraient trop près de leurs sous.
Les temps ont changé et la manne financière est, aujourd'hui, presque hors de propos. Mais le soutien politique collectif – on serait tenté de dire universel – dont a bénéficié le Liban officiel, institutionnel, lors de cette conférence sous l'égide du président François Hollande, n'est guère de moindre importance.
Voici un pays qui fait du surplace depuis des mois, voire des années, qui est empêtré à l'intérieur dans les contradictions les plus radicales et se trouve coincé à l'extérieur dans une région en proie aux pires affres de la guerre, le voici qui réussit, à l'heure même où une crise de grande envergure secoue la diplomatie planétaire, à réunir cette belle unanimité autour de lui.
Se peut-il que, pendant que les Libanais avaient le regard détourné par leurs querelles permanentes, la stabilité de leur pays soit devenue un enjeu aussi important aux yeux des puissances ? Il semble bien que ce soit le cas. La conférence de Paris et la concertation qui va bon train au sein du Groupe international de soutien le prouvent.
Le deuxième signe d'une évolution en profondeur, qui est d'ailleurs en corrélation avec le premier, est en provenance du président de la République, dont les dernières prises de position marquent en quelque sorte un point de non-retour dans le discours légaliste et institutionnel de Baabda.
Dans les milieux proches du palais présidentiel, on mettait l'accent hier sur le fait qu'au-delà de la polémique survenue avec le Hezbollah depuis l'allocution prononcée la semaine dernière par le chef de l'État à Kaslik et la riposte acerbe qu'elle avait entraîné, Baabda reste à égale distance de toutes les parties et considère qu'un président « fort » est celui qui refuse de se soumettre au diktat de quiconque. De plus, on soulignait dans ces mêmes milieux qu'il ne saurait être question de rupture définitive avec une quelconque partie.
Toujours est-il que l'enjeu du bras de fer engagé est de taille, dans la mesure où le président Sleiman s'efforce de baliser la voie à son successeur, de faire en sorte que celui-ci ait suffisamment d'atouts en main pour ne jamais plus retourner à une politique de compromis sur les principes souverainistes et constitutionnels.
Il reste toutefois à préciser que la partie n'est pas pour autant gagnée dès à présent, puisque les risques de vacance au niveau de la première magistrature sont encore importants, comme on le fait remarquer dans certains milieux politiques.
Enfin, un troisième signal de changement a une provenance pour le moins inattendue : il s'agit de la minirévolution induite par le nouveau ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, dans la diplomatie libanaise. Notre correspondant au palais Brustros, Khalil Fleyhane, le confirmait hier soir : M. Bassil, qui a quitté Beyrouth à destination du Caire pour son premier Conseil de la Ligue arabe, demain dimanche, avait bel et bien abrogé, sans autre forme de procès, le document de travail que son prédécesseur, Adnane Mansour, avait adressé à la Ligue au nom du gouvernement libanais en vue de ce Conseil, et qui reprenait le fameux triptyque « armée-peuple-résistance » cher au Hezbollah. Anticipant sur les travaux de la commission ad hoc pour la rédaction de la déclaration ministérielle, M. Bassil a remplacé cette formule par une autre plus consensuelle, exprimant le droit de libérer un territoire occupé.
Par suite de cette initiative, qui marque une rupture, il ne fait pas de doute que la prestation du nouveau chef de la diplomatie demain à la réunion des ministres arabes sera examinée à la loupe.
Cela étant dit, on sait que le triptyque du Hezbollah a été abandonné depuis quelque temps déjà par la commission ad hoc et que le blocage, qui sévissait toujours après une neuvième réunion, hier, de cette commission, se situait autour du point sur le rôle de l'État dans la supervision de la « résistance ».
On a annoncé une dixième réunion pour mardi et celle-ci pourrait être cruciale, à en croire certaines sources qui s'attendent à une initiative de déblocage de la part du chef du courant du Futur, Saad Hariri. D'ici là, ce dernier devrait s'employer à rassurer davantage ses alliés chrétiens qui paraissent effrayés par la perspective de son rapprochement avec le général Michel Aoun.

D'où vient-il, alors que les blocages politiques perdurent, que les risques de vacance des institutions sont toujours dans l'air, que l'insécurité s'aggrave, en particulier dans la Békaa, et que la conjoncture économique demeure des plus moroses, d'où vient-il qu'un filet d'optimisme, mince mais réel, enveloppe depuis peu l'horizon libanais ?Concrètement, rien ou peu de choses...

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