La presse du Qatar, reflétant les vues officielles, a répondu jeudi sur un ton de défi à la décision de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de Bahreïn de retirer leurs ambassadeurs de Doha. "Messieurs, le Qatar est un État souverain", titre le quotidien Al-Watan qui revient longuement sur la décision des trois pays en tentant de réfuter leurs arguments concernant un soutien de Doha à la mouvance islamiste et ses ingérences dans les affaires de ses voisins.
"Il ne s'agit que de divergences de points de vue" sur le soutien aux Frères musulmans en Égypte, souligne le quotidien sous la plume de son directeur de la rédaction, Mohammed al-Merri, selon lequel ces divergences ne peuvent en aucun cas justifier la décision des trois voisins du Qatar.
"Le Qatar n'est le vassal de personne", écrit, de son côté, le quotidien Al-Raya, en soulignant le droit de ce pays d'"avoir son mot à dire" sur les affaires du monde et d'"être un État influent dont la voix porte loin".
"Certains de nos frères du Golfe n'ont pas renoncé à donner des ordres (...) en oubliant que le Qatar est un État indépendant qui refuse d'être soumis à quiconque", renchérit le quotidien Al-Arab.
Le rappel par l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de Bahreïn de leurs ambassadeurs au Qatar marque une crise sans précédent au sein du club des monarchies arabes du Golfe. Cette décision a été annoncée par l'agence officielle saoudienne SPA au lendemain d'une réunion "houleuse", selon la presse, des ministres des Affaires étrangères des monarchies arabes du Golfe à Riyad.
"Les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont tout fait auprès du Qatar pour s'entendre sur une politique unifiée (...) garantissant la non ingérence de façon directe ou indirecte dans les affaires internes de chacun des pays membres", selon le texte d'un communiqué des trois pays. "Il a été demandé au Qatar de ne soutenir aucune action de nature à menacer la sécurité et la stabilité des États membres", ajoute le communiqué en citant notamment les campagnes dans les médias, en allusion à Al-Jazeera.
Cette chaîne, un outil de la diplomatie du Qatar, a toujours exaspéré par sa liberté de ton les pays de la région et selon les experts, elle s'emploie à soutenir les islamistes, notamment en Égypte.
Le communiqué souligne qu'en dépit de l'engagement de l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani --lors d'un mini-sommet avec l'émir du Koweït et le roi d'Arabie à Riyad en novembre--, à respecter ces principes, son pays ne l'a pas fait.
Ce mini-sommet, à l'initiative de l'émir du Koweït, cheikh Sabah al-Ahmad Al-Sabah, était destiné à surmonter le profond désaccord entre Doha d'une part et Riyad, Abou Dhabi et Manama de l'autre sur la conduite à suivre face au nouveau pouvoir installé par l'armée en Égypte en juillet 2013 après l'éviction du président islamiste Mohamed Morsi.
(Lire aussi : Procès Al-Jazeera en Egypte: des accusés dénoncent des mauvais traitements)
Doha regrette
"Le Qatar regrette et s'étonne" de la décision de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de Bahreïn et "ne va pas retirer ses ambassadeurs dans ces pays", a indiqué le Conseil des ministres qataris dans un communiqué publié mercredi. "La décision des frères en Arabie, aux Émirats et à Bahreïn, n'a aucun lien avec les intérêts des peuples du Golfe, leur sécurité et leur stabilité", a ajouté le Conseil des ministres. "Elle concerne des divergences sur des questions hors des pays du Conseil de coopération du Golfe", a-t-il indiqué dans une référence à l’Égypte où le Qatar soutient les Frères musulmans.
L'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Bahreïn, ont notamment motivé le retrait de leurs ambassadeurs de Doha par le non-respect du Qatar d'un engagement pris il y a trois mois de cesser de soutenir les Frères musulmans en Égypte. Parmi leurs griefs figure aussi "la large coordination que mène le Qatar avec la Turquie, aux dépens des autres monarchies du Golfe" sur le conflit en Syrie notamment, Ankara étant redouté pour ses ambitions régionales.
Soutien aux islamistes
Outre ce dossier, le Qatar est profondément soupçonné par ses trois voisins de soutenir les islamistes proches des Frères musulmans dans leurs pays, dont des dizaines ont été condamnés à la prison aux Émirats arabes unis. La justice des Émirats vient de condamner un citoyen du Qatar à sept ans de prison. Il était poursuivi pour collecte de fonds au profit d'islamistes dans ce pays, accusés de vouloir renverser le régime.
Le Comité national des droits de l'Homme du Qatar (CNDH), proche du gouvernement, s'est élevé contre cette condamnation.
La crise, qui couvait depuis plusieurs mois, s'était déjà manifestée en février par le rappel par les Émirats de leur ambassadeur à Doha, pour protester contre des propos de l'influent prédicateur islamiste Youssef al-Qaradaoui, accusant Abou Dhabi d'hostilité envers les Frères musulmans.
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commentaires (5)
SOUVERAIN... SANS FREIN... D'AKHWANISME EMPREINT...
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 05, le 07 mars 2014