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Dégâts des eaux

Obstinément boudé par la pluie, rongé par une urbanisation anarchique qui affecte jusqu'à son sous-sol, le Liban se dessèche, il est même en voie accélérée d'aridification : tel est l'angoissant cri d'alarme lancé par une équipe de chercheurs libanais aussi qualifiés que motivés et que nous répercutions dans notre édition du jeudi 27 février. Le réchauffement de la planète aidant, c'est bien sûr le cas d'un peu tout le monde. Plus dure cependant est la chute pour les pays qui furent des paradis de verdure, des châteaux d'eau convoités des peuples d'alentour.


Pour cruelle que se montre, de nos jours, la Nature, ne l'accablons pas outre mesure : bien davantage qu'à elle, c'est aux Libanais eux-mêmes, piètres gestionnaires d'un trésor à nul autre égal, que doit être lancé le reproche d'ingratitude. À eux revient surtout la palme de l'inconscience : ce n'est pas tant dans leur terre que dans leurs cœurs et leurs esprits qu'ils sont en effet menacés d'assèchement, voire de désertification. De leur unique formule de coexistence, ils se sont ingéniés à faire une tour de Babel où les vociférations sectaires tiennent lieu de discours politique ; et de leur démocratie, fort imparfaite il est vrai, ils ont fait le plus parfait des capharnaüms, la loi du plus fort prenant invariablement le pas sur les règles constitutionnelles.


Le Liban multiconfessionnel étant l'une des principales arènes où s'affrontent les extrémismes religieux de tout poil, c'est désormais à la source que se trouve empierré, chaque jour un peu plus, son fabuleux potentiel de vie. Perse et Arabie sont les berceaux de deux splendides civilisations s'étendant sur de vastes empires de conquête mais aussi d'inappréciables apports scientifiques et culturels. Le plateau iranien continue, à travers les siècles, d'être considéré comme le pivot géopolitique du Moyen-Orient et le désert d'Arabie demeure le berceau de l'islam, titre qui lui confère plus d'autorité encore que ses immenses richesses en hydrocarbures. De ces deux puissances régionales, le Liban était en droit d'attendre le meilleur, ne fut-ce que parce que chacune était censée se soucier de la sécurité et du bien-être de ses propres protégés, ici chiites et là sunnites.


C'est au contraire le pire que l'on a eu : c'est-à-dire la sanglante réactualisation d'un schisme vieux de treize siècles : un schisme alimenté par la frénésie des mollahs d'Iran comme par les ultras du wahhabisme saoudite, les moins dangereux n'étant pas ceux ayant échappé au contrôle du royaume ; un schisme enfin dont les secousses, se succédant sur fond de folles équipées miliciennes en Syrie et d'attentats terroristes à la bombe, ébranlent rudement le fragile édifice libanais.


C'est précisément face à cet hallucinant saut dans le passé que les Libanais font preuve en ce moment d'un terrible aveuglement. Notre eau f...t le camp ? Il y a bien plus grave, et c'est la ruée des flots de discorde venus d'un Golfe que l'on dit indifféremment – et fort à propos – persique ou arabique.

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Obstinément boudé par la pluie, rongé par une urbanisation anarchique qui affecte jusqu'à son sous-sol, le Liban se dessèche, il est même en voie accélérée d'aridification : tel est l'angoissant cri d'alarme lancé par une équipe de chercheurs libanais aussi qualifiés que motivés et que nous répercutions dans notre édition du jeudi 27 février. Le réchauffement de la planète...