La violence domestique devient un problème récurrent au Liban, les cas des femmes victimes de cette violence défrayant la chronique plus fréquemment. Hier, c'était au tour de la famille Abou Chacra de faire ses adieux à Christelle, une jeune femme de 31 ans, décédée dimanche des suites d'un empoisonnement au Demol, un pesticide.
La famille de la jeune femme accuse le mari, Roy Hayek, de l'avoir empoisonnée et la maman de la victime, Joséphine, s'est portée partie civile contre lui. Ce dernier a été interpellé pour interrogatoire, puis laissé en liberté.
Mariée depuis six ans et mère d'un petit garçon de 5 ans, Christelle Abou Chacra vivait depuis quelque quatorze mois dans la maison parentale. Elle avait intenté une action en divorce. Son fils vit avec le père. « Elle a déserté le domicile conjugal, parce qu'elle ne pouvait plus tolérer la violence qu'elle subissait », confie à L'Orient-Le Jour son oncle maternel, Jean Tahan. « Nous n'avons jamais su ce qu'elle a enduré, poursuit-il, mais hier sa maman et ses sœurs ont enfin parlé. »
(Pour mémoire : Manal Assi : un crime conjugal de trop ?)
Jean Tahan raconte ainsi que Roy Hayek a été emprisonné pendant plus d'un an pour « trafic et usage de drogues ». Mais tout au long de son incarcération, il n'a cessé de lui envoyer des lettres de menace, que la famille garde toujours, comme l'affirme la maman de la victime.
« Il la maltraitait et la battait, ajoute Jean Tahan. Lorsqu'il savait qu'elle en faisait part à ses parents, il menaçait de la tuer et de tuer son fils. Il était évident qu'il la maltraitait. Ces derniers jours, j'ai ainsi su qu'il jetait la nourriture par terre et lui disait de la lécher, ou encore qu'il l'attachait à une chaise et se droguait avec ses amis devant elle... Il la menaçait avec des armes. Même après avoir quitté la maison conjugale, il ne cessait de la poursuivre et de la menacer ! »
Vendredi, le mari de Christelle Abou Chacra a appelé sa belle-mère, Joséphine, vers 11h, pour lui annoncer qu'il l'a transportée à l'hôpital, parce qu'elle s'était évanouie. Selon le concierge de l'immeuble où elle travaillait, la jeune femme était sortie ce jour-là en trombe vers 9h45. « Elle a été admise à l'hôpital vers 10h10, explique Jean Tahan. À l'hôpital, il ne s'était pas présenté. Il a dit qu'il l'a trouvée évanouie au bord de la route. Son sac à main avait disparu et son téléphone portable a été réinitialisé pour effacer toutes les données. »
Jean Tahan explique que selon « les premières données de l'enquête, il n'y avait pas de traces de Demol dans le bureau où elle travaillait, mais dans le coffre de la voiture de son beau-père ».
« Son patron, ses collègues et ses amis sont au courant de la maltraitance qu'elle endure, indique-t-il. Nous voulons la vérité. Nous laisserons la justice suivre son cours. »
(Lire aussi : La cause des droits des femmes au Liban : un état des lieux)
À quand la loi ?
Il y a un plus d'un an, Christelle Abou Chacra avait demandé un conseil juridique à l'ONG Kafa, « pour avoir des informations concernant les procédures des tribunaux religieux et la garde de son enfant », explique à L'Orient-Le Jour Leila Awada, avocate et membre de Kafa. « Mais elle n'est plus revenue », note-t-elle, soulignant que Kafa a proposé à la famille de Christelle Abou Chacra de suivre le dossier sur le plan juridique, « d'autant que l'enquête se poursuit pour identifier les circonstances de son empoisonnement ».
Et Leila Awada d'insister : « Les cas de femmes victimes de violence domestique deviennent de plus en plus fréquents. Moins de vingt jours se sont écoulés depuis le décès de Manal Assi dans la nuit du 4 à 5 février (Voir L'Orient-Le Jour du 7 février 2014). En tant que société civile, nous saisissons le président du Parlement, Nabih Berry, de ces dossiers. Le gouvernement est formé et il n'a plus d'excuses pour ne pas convoquer la Chambre. Il devrait même consacrer une séance spéciale, au nom de toutes ces victimes. Il est grand temps que la loi pour la protection de la femme de la violence domestique soit promulguée ! »
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bravo a l'OLJ de faire sienne la cause des femmes battues. l’indifférence est peut-être tout aussi assassine que les coups ou le demol.
13 h 44, le 18 février 2014