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Liban - Société

Affaire Roula Yaacoub : confusion totale sur la cause du décès

 « L'Orient-Le Jour » a pu se procurer les rapports des ordres des médecins et des médecins légistes.

Le document du comité d’enquêtes professionnelles à l’ordre des médecins de Tripoli.

Une confusion totale règne sur la cause du décès de Roula Yaacoub survenu le 7 juillet 2013 à Halba, au Akkar. C'est ce qui ressort d'une lecture des différents rapports des médecins légistes et des conseils médicaux formés pour étudier le dossier de la femme, dont la famille accuse le mari Karam Afif al-Bazzi de l'avoir sauvagement battue à mort.

Dans le premier document daté du 7 juillet 2013, les médecins légistes ayant examiné le corps de la femme deux heures après le décès soulignent la présence de « contusions violettes, de différentes formes » sur plusieurs parties du corps. Elles sont dues « à des coups administrés par des objets durs de différents formats ». Ces contusions « sont anciennes et remontent à plus de 48 heures » et « elles ne sont pas mortelles ». D'après le rapport également, « il n'y a aucune trace de violence ou de coups sur le cuir chevelu ». De même, « les radiographies et le scanner du cou et du crâne ne montrent pas des fractures osseuses », mais « une forte hémorragie cérébrale », causée par « une rupture d'anévrisme / une maladie congénitale des vaisseaux sanguins ». Ce rapport conclut à un « décès naturel pour cause de maladie ».
Le deuxième document daté du 8 juillet 2013 a été établi par deux autres médecins légistes. Ces derniers ont noté la présence de contusions « récentes » qui remontent à moins de « trois jours », causées par « des chocs avec des objets solides, durs, mais pas contondants ». Les spécialistes ont également signalé la présence de contusions qui « remontent à plus de trois semaines ». En ce qui concerne la cause du décès, ils concluent également à une « rupture d'anévrisme », précisant qu'après avoir expliqué les causes du décès aux proches de la victime, ces derniers ont accepté qu'une autopsie soit réalisée sur le cuir chevelu.

L'avis des comités d'enquêtes de l'ordre des médecins de Beyrouth...
En date du 20 août 2013, le comité d'enquêtes professionnelles à l'ordre des médecins de Beyrouth, qui avait été sollicité par le juge d'instruction au Liban-Nord pour faire une expertise médicale dans le dossier de Roula Yaacoub, a fait remarquer que « l'autopsie n'a consisté qu'en la scalpation du cuir chevelu et n'a pas été réalisée sur le crâne et le cou ». « Or l'autopsie du crâne et du cou sont nécessaires pour établir une approche scientifique » de l'affaire et pour « essayer de définir la cause de l'hémorragie cérébrale d'une manière plus précise », précise le comité. Il indique en outre que « le scanner de la tête montre que la majorité de l'hémorragie est localisée à la fosse postérieure du crâne, ce qui contredit en principe l'hémorragie causée par une rupture d'anévrisme qui est généralement perceptible sur la partie supérieure du crâne ».

Par ailleurs, selon le comité, l'autopsie du cou est nécessaire parce qu'il est scientifiquement reconnu qu'un « trauma dans la partie supérieure du cou peut causer une hémorragie cérébrale semblable à celle observée » dans le cas de Roula Yaacoub.
Le comité a ainsi recommandé qu'une « autopsie virtuelle soit réalisée sur tout le corps de la femme par un scanner d'au moins 64 barrettes, ce qui permet de trouver plus facilement des fractures anciennes dans les différentes parties du corps, notamment les vertèbres cervicales ». Il a de même recommandé que « le corps soit exhumé et qu'une autopsie soit réalisée sur le crâne, les vaisseaux crâniens et les vaisseaux du cou, notamment les artères vertébrales ».

Le comité a en outre signalé qu'après avoir examiné le scanner du crâne, « il n'a trouvé aucune preuve d'un anévrisme », soulignant que l'hémorragie cérébrale « peut survenir sans la présence préalable d'un anévrisme ». Et d'insister que « d'un point de vue scientifique, la cause principale de l'hémorragie méningée diffuse, telle qu'observée dans ce cas, est liée à un trauma ». Le comité a en outre fait remarquer qu'il a « convoqué les quatre médecins légistes à une séance de mise au point », après avoir eu l'approbation des présidents des ordres des médecins de Beyrouth et du Liban-Nord, « mais ils se sont abstenus de se présenter ».

...et de Tripoli
En date du 21 septembre 2013, le comité d'enquêtes professionnelles à l'ordre des médecins de Tripoli a pour sa part noté que le scanner de la cage thoracique montre « un œdème pulmonaire congestif », précisant que d'après la radio pulmonaire face, « il n'y a pas de fractures au niveau du cou ». Il a ajouté que le scanner cérébral montre « une hémorragie méningée diffuse et un œdème cérébral diffus ». Cela montre que « l'hémorragie a pu avoir lieu quelques heures avant le décès » ou « suite à un traumatisme crânien ayant eu lieu avant le décès ».

Le comité a précisé qu'« il n'est pas possible de confirmer si la cause du décès est liée à une maladie ou à une violence sans une autopsie réalisée sur tout le corps, y compris une autopsie du crâne à la période du décès », ce qui « n'a pas été fait ».

Le comité estime en outre que « les normes des procédures médicales légistes » convenues au Liban « ont été suivies, sachant que ces normes ne correspondent pas au niveau scientifique souhaité ».
Selon ce comité, « l'une des raisons de l'hémorragie cérébrale est la rupture d'anévrisme provoquée par une forte tension artérielle ou un gros effort ». « De ce fait, toute agression violente antérieure sur la victime aurait pu causer indirectement l'hémorragie », a-t-il ajouté, précisant que « ces possibilités scientifiques pourraient être une des causes du décès, mais nous ne pouvons pas les confirmer ou les démentir ».
« Il aurait été préférable scientifiquement dans ce cas de réaliser une autopsie de tout le corps à la période du décès, mais nous ignorons les données et les circonstances qui prévalaient à l'endroit où se trouvait le corps, ni les raisons pour lesquelles le corps n'a pas été transféré dans une autre ville pour entreprendre les mesures scientifiques requises », a poursuivi le comité, affirmant qu'« à l'heure actuelle, l'autopsie n'aboutira à aucun résultat puisqu'on ne peut pas confirmer ou infirmer la présence d'un anévrisme à cause de l'autodégradation des tissus plus de deux mois après le décès ».

« La cause directe de l'hémorragie n'a pas pu être définie »
Le dernier document est un procès-verbal de la réunion tenue par le comité d'enquêtes professionnelles à l'ordre des médecins de Beyrouth, le 5 décembre 2013, en présence du magistrat Ala' el-Khatib. D'après ce document, « le décès est dû à une hémorragie cérébrale dont la cause directe n'a pas pu être définie ». D'après ce procès-verbal, l'autopsie virtuelle, réalisée « deux mois et demi après le décès », montre qu' « il n'y a pas de lésions osseuses au niveau du crâne, de la colonne vertébrale et du bassin ». De même, « il n'y a pas eu de » lésions osseuses avant le décès, y compris des fractures ou une luxation (perte totale de contact des surfaces articulaires d'une articulation, se produisant lors d'un traumatisme, NDLR) ».

Ces documents posent un point d'interrogation sur le non-lieu prononcé en faveur du mari de Roula Yaacoub, Karam Afif al-Bazzi, le juge d'instruction Ala' el-Khatib ayant estimé que le décès a été dû à une rupture d'anévrisme (voir l'édition de L'Orient-Le Jour du 28 janvier 2014), ce qui n'a pas pu être prouvé selon les rapports susmentionnés des comités d'enquêtes des ordres des médecins de Beyrouth et de Tripoli.

Une autre question reste en suspens, celle de savoir qui est responsable de la négligence évidente manifestée au niveau des mesures médicales et scientifiques qui auraient dû être prises pour clarifier les circonstances du décès de Roula Yaacoub...


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Une confusion totale règne sur la cause du décès de Roula Yaacoub survenu le 7 juillet 2013 à Halba, au Akkar. C'est ce qui ressort d'une lecture des différents rapports des médecins légistes et des conseils médicaux formés pour étudier le dossier de la femme, dont la famille accuse le mari Karam Afif al-Bazzi de l'avoir sauvagement battue à mort.Dans le premier document daté du 7...

commentaires (2)

Et que disent les "autorités religieuses"???? elles disent bravo,ces imbéciles...

GEDEON Christian

13 h 56, le 30 janvier 2014

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Commentaires (2)

  • Et que disent les "autorités religieuses"???? elles disent bravo,ces imbéciles...

    GEDEON Christian

    13 h 56, le 30 janvier 2014

  • Quand on lit ça, on a plus que jamais honte d'appartenir à un pays où toutes les couches de l'appareil d'Etat (si on peut appeler ça un Etat) sont corrompues jusqu'à la moelle. La famille de Roula Yaacoub devrait saisir l'OMS pour que soient radiés de l'Ordre des médecins tous ces connards qui ont sans doute été influencés par le bourreau de la pauvre femme. Il ne faut pas être médecin pour savoir qu'il fallait faire une autopsie immédiatement, il ne faut pas être juriste pour soupçonner cette ordure de mari de trafic d'influence et de rendre volontairement les choses décousues pour brouiller les éléments. Que ces salauds qui s'imaginent nous faire croire que c'est un pur hasard qu'il y ait eu rupture d'anévrisme juste au moment où l'autre primate lui tombait sauvagement dessus soient bannis de la société. Et puis cette pauvre femme ne s'est pas flagellée elle-même ! Rien que pour les coups qu'elle a subis, le f... de p... de mari devrait être condamné pour violence et atteinte à l'intégrité de la personne. Que la malédiction tombe sur ce khawaja de merde pour le restant de ces jours.

    Robert Malek

    17 h 06, le 29 janvier 2014

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