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Moyen Orient et Monde - Syrie

A Montreux, l'arrogance du régime syrien

Les délégations syriennes n'ont pas montré de signe de volonté de compromis de nature à être optimiste avant les négociations de demain.

Alors que Paris dénonçait les « élucubrations longues et agressives » du chef de la diplomatie syrienne Walid Moallem, le chef de la délégation de l’opposition, Ahmad Jarba, a tenu pour sa part des propos « responsables et démocratiques » appelant notamment à une enquête internationale dans les prisons du régime, après la parution d’un rapport accusant le pouvoir de torture systématique. Fabrice COFFRINI/ UN TV./AFP

La première rencontre entre dignitaires du régime syrien et opposants en exil visant à enrayer le cycle de violences en Syrie a été marquée hier par une guerre des mots et par l'impossibilité de se mettre d'accord sur le sort de Bachar el-Assad. « Rhétorique incendiaire », « Élucubrations agressives », accusations de « trahison » : la conférence de paix de Genève 2 à Montreux s'est déroulée dans un climat tendu. Et les délégations syriennes n'ont pas montré de signe de volonté de compromis de nature à être optimiste avant les négociations de demain.


Réunis sur les bords suisses du lac Léman, la quarantaine de représentants de pays et d'organisations n'ont pas attendu longtemps avant de constater que le fossé restait gigantesque entre le régime de Bachar el-Assad et l'opposition syrienne en exil. Lors de cette conférence, prélude aux négociations entre les seules délégations syriennes dès demain à Genève, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a rappelé à tous l'enjeu de la rencontre, synonyme « d'espoir » après trois ans d'affrontements meurtriers. « Notre but était d'envoyer un message aux deux délégations syriennes et au peuple syrien pour dire que le monde veut une fin immédiate du conflit », a déclaré M. Ban. « Trop, c'est trop, il est temps de négocier », a-t-il martelé. « Tous les Syriens ont les regards tournés vers vous aujourd'hui », a-t-il dit aux deux délégations syriennes qui se faisaient face à quelques mètres de distance.


La Russie et les États-Unis, qui ont œuvré en coulisses pour la tenue de cette conférence, ont également appelé les Syriens à saisir une opportunité « historique », le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov prévenant que les négociations ne seraient « ni simples ni rapides ». Mais avec l'intervention du secrétaire d'État américain John Kerry, le ton a changé. « Bachar el-Assad ne prendra pas part au gouvernement de transition. Il est impossible, inimaginable, que cet homme qui a mené une telle violence contre son propre peuple puisse conserver la légitimité pour gouverner », a-t-il lancé.

 

(Lire aussi : Mansour accuse les détracteurs du Hezbollah de « couvrir les crimes des organisations terroristes »)


Piqué au vif, le chef de la diplomatie syrienne Walid Moallem lui a répondu vertement : « Monsieur Kerry, personne au monde n'a le droit de conférer ou de retirer la légitimité à un président (...) sauf les Syriens eux-mêmes. »  Un peu plus tard, le ministre syrien de l'Information, Omran Zoabi, a de nouveau exclu tout départ d'Assad. « Assad ne s'en va pas », a-t-il dit aux journalistes en marge de la conférence.


La question du sort de M. Assad, au centre de tous les débats depuis le début du mouvement de contestation en mars 2011, a ainsi lourdement plané sur la conférence. Russes et Américains continuent de s'opposer sur l'interprétation des principes édictés en juin 2012 lors de la conférence de Genève 1. Les Occidentaux parlent de formation d'un gouvernement de transition sans Bachar el-Assad, une condition que réfutent les Russes et les Syriens pro-Assad. Se joignant à l'appel de John Kerry, et face aux propos de M. Moallem qui appelait à une lutte contre les « terroristes », terme utilisé par le régime pour désigner les groupes rebelles, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a remis les pendules à l'heure : la conférence n'avait pas pour but de parler de « terrorisme », comme le souhaite Damas, mais d'un « gouvernement de transition ».

 

(Eclairage : L'opposition syrienne plus que jamais divisée)

 

Passe d'armes
Le discours de Walid Moallem a aussi été l'occasion d'une vive passe d'armes entre ce dernier et le secrétaire général de l'ONU. Le responsable syrien, à l'instar du chef de l'opposition, avait dix minutes de temps de parole. Mais après 20 minutes de discours, Ban Ki-moon s'est décidé à interrompre M. Moallem qui restait sourd aux sonnettes répétées lui demandant de conclure. « Vous vivez à New York et moi je vis en Syrie, j'ai le droit de donner la version syrienne ici devant ce forum », a lancé M. Moallem au patron des Nations unies. La remarque n'a pas plu au secrétaire général de l'ONU qui rappellera à M. Moallem, enfin silencieux après 35 minutes de discours, que son intervention était contraire à « l'atmosphère constructive » qu'il avait appelée de ses vœux.

 

Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem.  AFP/POOL/GARY CAMERON


Après le discours de M. Moallem, durant lequel il a qualifié de « traîtres » et d' « agents à la solde des ennemis » de la Syrie les représentants de l'opposition, Washington a dénoncé une « rhétorique incendiaire » tandis que Paris dénonçait les « élucubrations longues et agressives » du ministre syrien. Paris a en revanche loué la position « responsable et démocratique » du chef de la délégation de l'opposition, Ahmad Jarba, qui a appelé le président Bachar el-Assad à remettre son pouvoir à un gouvernement de transition conformément à la déclaration de Genève 1. « J'appelle (la délégation du régime) à signer immédiatement le document de Genève 1 (prévoyant) le transfert total des prérogatives d'Assad, y compris les prérogatives exécutives, celles de l'armée et de la sécurité, à un gouvernement de transition », a indiqué M. Jarba.

 

Le chef de la Coalition de l'opposition syrienne, Ahmad Jarba. AFP / UN / JEAN-MARC FERRE


Le médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, a annoncé pour sa part qu'il rencontrerait aujourd'hui les deux parties pour discuter de la prochaine étape des négociations. « Allons-nous nous réunir dans une même salle et entamer les discussions ou parlerons-nous séparément un peu avant ? Je ne sais pas encore », a ajouté M. Brahimi.


Lors de la conférence de presse finale, M. Kerry a estimé de son côté que l'Iran, qui n'était pas présent à Montreux, pouvait encore jouer un rôle décisif dans la recherche d'une solution à la guerre civile. Le secrétaire d'État a en outre affirmé que son pays amplifierait son aide à l'opposition syrienne.

 

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commentaires (4)

C'est de la perte de temps tout ce bataclan. A leur place je soutiens les rebelles modérées, m'arrange pour établir un partage du territoire plus ou moins acceptable, empêche Bachar d'user de ses avions et les laissent continuer a se taper dessus autant qu'ils veulent pour quelques années encore. Ça permettra au Liban de reprendre son souffle, de reconduire tous les ressortissant et réfugiés Syriens peut être avec une bonne partie des Palestiniens et de se débarrasser de tous les "Takfiristes" de tout bord sans en payer le prix lui même. Merci Bachar!

Pierre Hadjigeorgiou

08 h 46, le 23 janvier 2014

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Commentaires (4)

  • C'est de la perte de temps tout ce bataclan. A leur place je soutiens les rebelles modérées, m'arrange pour établir un partage du territoire plus ou moins acceptable, empêche Bachar d'user de ses avions et les laissent continuer a se taper dessus autant qu'ils veulent pour quelques années encore. Ça permettra au Liban de reprendre son souffle, de reconduire tous les ressortissant et réfugiés Syriens peut être avec une bonne partie des Palestiniens et de se débarrasser de tous les "Takfiristes" de tout bord sans en payer le prix lui même. Merci Bachar!

    Pierre Hadjigeorgiou

    08 h 46, le 23 janvier 2014

  • A Montreux, non seulement "l'arrogance du régime syrien", mais aussi la monstruosité, le nazisme le plus cruel et le plus criminel de ce régime de Damas. Pour en avoir une idée, que les lecteurs veuillent bien voir la vidéo de la LBCI, publiée avant-hier 21/01, sur le rapport accablant établi par trois procureurs renommés de tribunaux internationaux : www.youtube.com/embed/nYV16ynSgdg

    Halim Abou Chacra

    08 h 39, le 23 janvier 2014

  • Genève 2, ou la foufonnerie des faussesnégociations. Car enfin les occidentaux, les pays arabes veulent donner le pouvoir en Syrie aux rebelles, ils ne sont pas la pour parler de paix. Quand , je lis que le réprensentant des rebelles veut imposer sa volonté pour la signature sur le document de Genève 1 au représentant légitime de la Syrie, lui qui représent que lui, et même pas les autres rebelles et terroristes

    Talaat Dominique

    07 h 42, le 23 janvier 2014

  • Tout homme de bon sens dira que rien de positif et de constructif ne sortira de cette conférence de Genève 2. Seule l'insolence du ministre de la tyrannie syrienne, Walid Mouallem, en particulier à l'égard du secrétaire général de l'ONU, en est déjà une preuve irréfutable.

    Halim Abou Chacra

    04 h 25, le 23 janvier 2014

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