Après d'âpres négociations, les grandes puissances et l'Iran ont annoncé être parvenus à un accord au terme duquel la République islamique acceptera de limiter son programme nucléaire en échange d'un allègement des sanctions économiques, ouvrant une nouvelle période de pourparlers sur le fond pendant six mois.
L'accord a été qualifié de « succès » par le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, et de « première étape importante » par le président des États-Unis Barack Obama. Le président français François Hollande y a vu « une étape vers l'arrêt du programme militaire nucléaire iranien ». Quant au président russe, Vladimir Poutine, il a reconnu qu'« une percée a été réalisée. Mais c'est seulement un premier pas sur un chemin long et difficile », a-t-il nuancé (lire par ailleurs).
Dans le même sens, le secrétaire d'État américain John Kerry a déclaré hier dans la soirée que « maintenant, la partie vraiment difficile commence ». Tout juste arrivé de Genève à Londres, il a précisé qu'il faudra faire « un effort pour obtenir un accord complet qui demandera d'énormes engagements en termes de vérification, de transparence et de responsabilité ».
(Lire aussi : Interprétations libanaises variées de l'accord sur le nucléaire iranien)
« Sans précédent »
Cet accord intérimaire a été qualifié hier de « solide » par des experts, mais ces derniers soulignaient que le plus dur restait à faire dans les six mois à venir.
« L'accord intérimaire est solide, il établit une gamme plus importante de contraintes et de vérifications sur le programme nucléaire iranien que ce qui avait été envisagé auparavant », a ainsi relevé Suzanne Maloney, spécialiste de l'Iran à l'institut Brookings de Washington. Pour elle, ce marché lie « Téhéran à un processus diplomatique dont les récompenses principales ne seront pas obtenues tant qu'un accord bien plus ambitieux n'aura pas été scellé ».
Partis d'une lettre du président Barack Obama à son homologue Hassan Rohani en juin et passés par une première rencontre entre le secrétaire d'État John Kerry et le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif, les petits pas entre États-Unis et Iran, ennemis depuis une génération, ont enfin abouti à un accord au terme de trois rounds de négociations, dans la nuit de samedi à dimanche à Genève.
Pour Joel Rubin, responsable du groupe de réflexion Ploughshares Fund, il est « sans précédent » que l'Iran ait accepté des inspections quotidiennes de ses usines nucléaires de Natanz et Fordo, ainsi que d'arrêter ses travaux sur le réacteur d'Arak.
« C'est un accord qui permet de gagner du temps puisqu'une grande partie du programme nucléaire iranien va être gelé pour six mois », ajoute à Paris Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique. « C'est un accord qui démontre la validité de la démarche de fermeté des 5+1, et notamment de la France. Ceux qui nous ont dit pendant des années que les sanctions ne marchaient pas et que les sanctions ne marcheraient jamais ont vu leur diagnostic totalement infirmé », analyse-t-il.
Trop d'ambition tue l'ambition
Mais à l'instar du président Obama, qui a prévenu samedi soir que « d'énormes difficultés persistent » dans ce dossier, les spécialistes de l'Iran ont mis en garde contre l'ambition d'une « solution complète ».
Pour Kenneth Pollack, également de la Brookings, il est « plausible » que l'Iran et les grandes puissances
parviennent à cet objectif, mais « il nous faut reconnaître que cette étape risque d'être bien plus difficile que l'accord qui vient d'être négocié. Les concessions que les deux parties devront effectuer seront bien plus douloureuses », selon lui. L'un des écueils pourrait être l'enrichissement d'uranium, étape nécessaire à l'élaboration d'une bombe nucléaire. L'Iran a assuré samedi que son droit à un tel processus n'était pas en cause dans l'accord, assertion immédiatement repoussée par la Maison-Blanche. « Si l'Iran campe sur ses positions, dont son "droit" à enrichir et l'abrogation de "toutes" les sanctions, une telle solution pourrait s'avérer impossible à atteindre », prévient M. Pollack.
« Ça reste un accord limité », nuance aussi Bruno Tertrais, car il « ne dit absolument rien de ce qu'on appelle les activités de militarisation qui sont les études, les recherches, les expériences que l'Iran a menées et mène peut-être encore pour la confection d'un engin nucléaire ».
Trita Parsi, président du « Conseil national irano-américain », a remarqué que cet accord a été obtenu « parce que les deux parties ont fait des compromis et compris que tout le monde devait gagner quelque chose pour qu'un marché soit possible et durable ».
La concomitance de plusieurs facteurs, dont l'élection de M. Rohani et les effets de plus en plus sensibles des sanctions en Iran, a ouvert « une fenêtre » pour un accord, selon M. Rubin. Les négociations à venir vont toutefois « être un défi à tous les sentiments, les conceptions, les idéologies et les émotions qui se sont cristallisés aux États-Unis, en Occident et en Israël depuis des décennies. Cela va être très, très dur », prévient-il.
Pour mémoire
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Commentaire
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commentaires (3)
ÉVIDEMMENT ; ET C’ÉTAIT PRÉVISIBLE....
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
18 h 19, le 26 novembre 2013