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À La Une - Allemagne

Au milieu des ordures, des oeuvres d'art volées aux juifs

La valeur totale des 1.500 dessins, croquis et tableaux retrouvés dépasserait le milliard d'euros.

Les œuvres auraient été découverts près de cet immeuble. REUTERS/Michaela Rehle

Le mystère s'épaississait lundi en Allemagne après l'annonce de la découverte en 2011 dans un appartement plein d'ordures, de 1.500 oeuvres signées Picasso, Matisse ou Chagall, certaines ayant appartenu à des juifs spoliés par les nazis.

 

Les autorités ont admis travailler depuis des mois sur cette affaire révélée dimanche par l'hebdomadaire Focus, mais observaient un mutisme presque complet, renvoyant au parquet de la ville bavaroise d'Augsburg, qui a annoncé une conférence de presse pour mardi, refusant lundi le moindre commentaire.

"Je pense que c'est la plus grande découverte de tableaux volés dans le cadre de l'Holocauste depuis des années, même si c'est une fraction infime du nombre d'oeuvres que nous recherchons", a déclaré dans un entretien à l'AFP Julian Radcliffe, président du Registre des oeuvres d'art perdues, basé à Londres.

 

Focus a estimé que la valeur totale des 1.500 dessins, croquis et tableaux dépasserait le milliard d'euros, mais une experte travaillant sur l'affaire et jointe par l'AFP a jugé toute estimation impossible.

 

Le gouvernement allemand a admis être au courant "depuis plusieurs mois" de la découverte faite par les douanes. Il a aidé les enquêteurs "en fournissant des experts sur les questions de l'art dégénéré et des oeuvres d'arts volées par les nazis", a expliqué son porte-parole, Steffen Seibert lors d'une conférence de presse régulière lundi.

Interrogé sur d'éventuelles demandes de restitutions, M. Seibert a affirmé ne rien savoir.

 

Les circonstances de la découvertes sont pour le moins rocambolesques.

Les douaniers allemands ont trouvé, au printemps 2011 ces dessins et ces tableaux, dont la plupart étaient considérés comme perdus à tout jamais, dans un appartement munichois où s'amoncelaient également des ordures et boîtes de conserves périmées, parfois depuis près de 30 ans.

L'appartement était celui de Cornelius Gurlitt, un octogénaire, manifestement atteint de syllogomanie, un trouble obsessionnel qui pousse à une accumulation compulsive d'objets divers.

 

Il avait été contrôlé en septembre 2010 par les douanes allemandes, dans un train reliant la Suisse à l'Allemagne, avec une importante somme en liquide dans une enveloppe.

Bien que le transport de cette somme - 9.000 euros, selon Focus - ait été parfaitement légal, les enquêteurs avaient décidé de suivre leur intuition, jusqu'à obtenir quelques mois plus tard l'autorisation de perquisitionner son appartement.

 

Selon les premiers éléments de l'enquête, Cornelius Gurlitt vivait depuis des décennies sans avoir d'existence légalement enregistrée en Allemagne, et sans travail. Il subvenait à ses besoins grâce à la vente occasionnelle des oeuvres amassées dans son appartement à des galeristes peu regardant sur l'origine.

Gurlitt a hérité ces oeuvres de son père, Hildebrand Gurlitt, collectionneur d'art décédé en 1956 dans un accident de voiture.

 

Menacé par les nazis dans un premier temps, notamment parce qu'il avait une grand-mère juive, Hildebrand Gurlitt s'était rendu indispensable au régime hitlérien qu'il aidait à écouler des oeuvres volées ou saisies à l'étranger.

Une part importante des oeuvres retrouvées proviendrait donc de la spoliation de juifs, dont les collections d'arts ont été saisies ou rachetées à très bas prix.

 

Selon Focus, au moins 300 oeuvres appartiennent à la liste des oeuvres saisies par les nazis car appartenant à l'"art dégénéré" et au moins 200 d'entre elles font l'objet de demandes officielles de recherche.

 

Les autorités allemandes ont également maintenu le secret aussi longtemps que possible en raison de l'immensité de la tâche que représente l'identification des oeuvres et la recherche de leur origine ou de leurs ayants droit.

 

Parmi les oeuvres découvertes se trouverait par exemple un tableau d'Henri Matisse ayant appartenu au collectionneur juif Paul Rosenberg, forcé d'abandonner sa collection lorsqu'il a fui Paris, et dont l'héritière légitime est la journaliste française Anne Sinclair, écrit Focus. Cette dernière n'aurait toutefois pas été informée de la découverte, poursuit l'hebdomadaire.

 

Cette politique de discrétion absolue a toutefois été critiquée par des spécialistes.

"Il y a une culture du secret. Il y a un manque total de transparence et nous espérons qu'ils vont, dans les prochains jours, communiquer, publier une liste et donner un calendrier pour la restitution des oeuvres", a déclaré Anne Webber fondatrice et directrice de la Commission pour les oeuvres d'art pillées en Europe.

 

Néanmoins, contrairement aux musées, les particuliers ayant hérité légalement d'oeuvres, mêmes volées, ne sont pas tenus par l'Accord de Washington sur la restitution d'oeuvres volées aux juifs.

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