Ici comme là-bas une même obstination à ignorer les réalités démographiques, à faire fi des appels à la raison, au simple bon sens. Ici comme là-bas les mêmes tragiques conséquences, la même montée dangereuse des extrémismes, d’un jihadisme fou qui n’envisage l’avenir qu’en termes de vengeances et de règlements de comptes vieux de 1 400 ans...
Une solution « légaliste » est-elle possible aujourd’hui à Tripoli ? Une solution sécuritaire est-elle envisageable alors que les raisons mêmes du conflit se trouvent en Syrie ? Alors que la guerre civile qui s’y déroule joue les prolongations et que le Hezbollah chiite s’enfonce chaque jour un peu plus dans le conflit intercommunautaire attisant la frustration et la colère des populations sunnites ?
Tripoli souffre le martyre, est livrée aux humeurs assassines de hordes criminelles et l’État en est encore à discuter de plans de sortie de crise, à tabler sur des compromis, sur des compromissions, qui ne sont que les étincelles de nouveaux combats, de nouvelles destructions.
Mais l’État a-t-il vraiment le choix, n’est-il pas lui-même l’otage des divisions internes, des chantages exercés par toutes les parties, celles qui appellent à une intervention musclée, comme celles qui préconisent le maintien du statu quo ? A-t-il les coudées franches pour envoyer la troupe dans tout le secteur de Jabal Mohsen, arrêter tous ceux qui seraient impliqués dans les derniers attentats aux voitures piégées, nettoyer les zones de non-droit sans que le Parti arabe démocratique, allié inconditionnel de Bachar el-Assad ne « pète les plombs », sans que le Hezbollah n’en fasse une affaire personnelle ?
L’État peut-il sévir contre les éléments armés à Bab el-Tebbaneh, pourchasser les têtes brûlées sans provoquer une levée générale de boucliers dans les rangs sunnites, sans qu’il ne soit accusé d’assujettissement à la volonté de Hassan Nasrallah ?
Pitoyable impuissance, désastreux blocage, alors que les innocents continuent de tomber à Tripoli, que les caïds de quartiers y poursuivent leurs exactions et soumettent la population à leur loi hors de tout recours possible à une protection légale.
La solution, en toute logique, consisterait en une intervention simultanée des forces armées régulières dans les deux zones en conflit, une opération qui ramènerait Jabal Mohsen et Bab el-Tebbaneh dans le giron de la légalité, quel qu’en soit le coût en pertes humaines et en destructions. Mais pour qu’une telle opération puisse avoir lieu, il faut qu’il y ait au préalable une décision politique.
Et c’est là où les choses se compliquent. Ni Parlement opérationnel ni gouvernement en état de gouverner et en toile de fond un Hezbollah omniprésent qui a son mot à dire, celui que le régime syrien lui soufflera à l’oreille...
Huit ans après son départ du Liban, la Syrie, même en convulsions, continue de nous maintenir en otages, à nous faire payer le prix de notre « émancipation ». Jusqu’à nouvel ordre, Tripoli continuera à en être la victime expiatrice...
Tripoli continuera à en être la victime expiatrice tant que les libanais eux aussi ne sont jamais solidaires . Antoine Sabbagha
16 h 07, le 28 octobre 2013