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Liban - Éclairage

Jabal Mohsen et Bab el-Tebbaneh, éternelles caisses de résonance

À la veille de la fête de l’Adha, Tripoli connaît une nouvelle vague de tension. Alors que la ville attendait l’entrée en application du plan de sécurité qui mettrait définitivement un terme aux « lignes de démarcation » et aux « fronts sécuritaires », la voilà de nouveau dominée par des rumeurs sur de nouveaux affrontements après la fête.

 

La frustration provoquée à Jabal Mohsen et à Bab el-Tebbaneh par les informations distillées à la presse sur les résultats des enquêtes du service des renseignements des FSI au sujet de la double explosion de voitures piégées le 23 août, qui avait fait au moins 50 morts, devrait se traduire sur le terrain. Ce qui soulève de nombreuses questions, chez le 8 Mars, sur les méthodes « musclées » du service de renseignements des FSI qui a effectué une opération spectaculaire à Jabal Mohsen pour arrêter Youssef Diab (17 ans) soupçonné d’être impliqué dans le double attentat à la voiture piégée de Tripoli. De même, la publication dans la presse de plusieurs noms de personnes, en principe de Jabal Mohsen, donc alaouites, elles aussi impliquées dans cet attentat, est de nature à faire grimper la tension entre les ennemis de toujours, les sunnites de Bab el-Tebbaneh et les alaouites de Jabal Mohsen. S’il semble que les parties concernées préfèrent attendre la fin du congé de l’Adha pour réagir, les habitants des deux régions limitrophes ne cachent pas leur inquiétude de ce qui va suivre, d’autant que l’impression générale qui plane est que les alaouites ont voulu tuer des sunnites à la sortie de la mosquée pour le compte du régime syrien qui veut se venger de Tripoli.

 

Le Premier ministre démissionnaire Nagib Mikati a beau tenter de calmer le jeu et d’apaiser les tensions confessionnelles en précisant que si des personnes ont commis des crimes cela ne veut absolument pas dire que toute une communauté peut être pointée du doigt, et même si les députés de la ville et les notables des deux côtés adoptent en général ce langage, la situation reste tendue et la population inquiète.


La discorde confessionnelle, tant redoutée et tant décriée, pointe de nouveau son nez et les camps concernés, les alaouites et les sunnites extrémistes proches de l’opposition syrienne, se lancent des accusations, chacun estimant que l’autre a intérêt à ce qu’elle ait lieu. En toile de fond, ce sont donc toujours les développements en Syrie qui se profilent.

 

En effet, à Tripoli et à Jabal Mohsen, il est de plus en plus question d’une prochaine bataille de Qalamoun, dans le rif de Damas, et à la frontière libanaise, notamment du côté de Ersal. Les proches du régime syrien accusent la rébellion de vouloir ouvrir cette bataille après la fête de l’Adha, dans une opération préventive visant à retarder l’avance de l’armée syrienne et son intention de fermer les frontières avec le Liban, et les proches de la rébellion syrienne accusent le régime de vouloir mener cette bataille avec l’aide du Hezbollah pour fermer complètement les frontières et empêcher l’opposition de profiter de l’ouverture de Ersal et du nord du Liban, en l’isolant pour mieux la battre. Le point commun des deux versions est que quelque chose se préparerait de l’autre côté de la frontière, qui aurait forcément des conséquences sur l’intérieur libanais, au Nord en particulier. La tension qui monte à Tripoli serait donc liée aux développements annoncés en Syrie et accompagnerait les progrès des uns ou des autres sur le terrain. Tout comme elle serait la traduction concrète du blocage des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran qui est essentiellement dû au dossier syrien, ces deux pays ayant une influence considérable sur les deux camps rivaux, au Liban et en Syrie.


Il est en effet désormais clair pour tout le monde au Liban qu’il n’y a aucune possibilité de déblocage interne tant que le dialogue n’a pas repris entre Riyad et Téhéran. De nombreuses parties internes avaient misé sur l’ouverture d’un tel dialogue à la faveur du pèlerinage de La Mecque à l’occasion de la fête de l’Adha. Mais ces pronostics ont été démentis par les faits, le président iranien Hassan Rohani ayant considéré qu’il ne peut se contenter d’une vague invitation adressée par le roi Abdallah pour effectuer le pèlerinage de La Mecque. Une source iranienne affirme à cet égard qu’une reprise du dialogue entre deux pays aussi importants dans la région mérite une invitation officielle précise et la tenue d’un sommet, au lieu d’une rencontre dans le cadre d’une célébration religieuse, aussi importante soit-elle. Comme le président Rohani a refusé de rencontrer le président américain à New York, à la va vite et dans le cadre de la session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies, il ne pouvait pas non plus accepter une rencontre similaire avec le roi Abdallah. Ce genre de réunion, explique la même source, doit être bien préparé. Et du côté iranien, un comité a été formé pour étudier les dossiers qui devraient figurer à l’ordre du jour des entretiens avec le dirigeant du royaume wahhabite. La source précitée affirme que l’idée a déjà reçu un accueil positif de la part du ministre saoudien des AE. Mais elle attend encore d’être concrétisée.


Une source diplomatique arabe affirme de son côté que l’attente de la concrétisation de cette idée pourrait se prolonger, l’Arabie saoudite étant actuellement plongée dans la gestion de l’accueil des pèlerins. Il faut donc compter une dizaine de jours au moins avant que ce dossier soit fermé. Mais cela ne signifiera pas que l’Arabie se penchera immédiatement sur celui de ses relations avec l’Iran. La source diplomatique arabe ajoute que les dirigeants saoudiens n’ont pas encore digéré le rapprochement entre l’Iran et les États-Unis, qui les a pris de court et qui ne s’inscrit pas dans ce qu’ils considèrent comme les intérêts du royaume. Par conséquent, ils ne sont pas disposés, à cette période, à faire des concessions, souhaitant au contraire à bloquer ce rapprochement, ou en tout cas le rendre plus difficile. D’autant que tout sommet entre le roi Abdallah et le président Rohani devrait forcément aboutir à des concessions des deux côtés sur des dossiers régionaux importants, en suspens entre les deux pays, notamment celui de la Syrie, celui de l’Irak, celui de Bahreïn et celui du Liban. Les contentieux ne manquent pas, mais les solutions doivent attendre. Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen restent, dans ce contexte, la caisse de résonance la plus facile à utiliser, en l’absence de mesures de sécurité radicales libanaises.

 

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À la veille de la fête de l’Adha, Tripoli connaît une nouvelle vague de tension. Alors que la ville attendait l’entrée en application du plan de sécurité qui mettrait définitivement un terme aux « lignes de démarcation » et aux « fronts sécuritaires », la voilà de nouveau dominée par des rumeurs sur de nouveaux affrontements après la fête.
 
La frustration...

commentaires (3)

A quand la fin ? Antoine Sabbagha

Sabbagha Antoine

16 h 25, le 15 octobre 2013

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Commentaires (3)

  • A quand la fin ? Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    16 h 25, le 15 octobre 2013

  • VOTRE ARTICLE, CHÈRE MADAME SCARLETT HADDAD, MET DANS LE MÊME SAC LES TUEURS ET LES VICTIMES, QUAND VOUS N'HÉSITIEZ PAS À TOUT CHARGER SUR LES DOS DES HABITANTS DE TEBBANEH, ET NON DES PERCHÉS, TOUS LES CLASH DU PASSÉ SACHANT BIEN QUE CES DERNIERS ÉTAIENT TOUJOURS LES INITIATEURS. L'INIQUITÉ À L'HONNEUR !

    SAKR LOUBNAN

    10 h 40, le 15 octobre 2013

  • Pauvres Libanais ! La formation de leur gouvernement, leur sécurité, leur nourriture, la garantie que des voitures piégées ne vont pas les envoyer à tous les enfers, enfin toute leur vie dépend de l'humeur du président de l'Iran et du roi d'Arabie. Comme il s'agit des chefs des deux théocraties les plus divines et les plus divinement du pré-Moyen Age du divin Moyen-Orient, chaque soir tous les Libanais devraient, à genoux, implorer au ciel qu'il inspire ces deux chefs de se rencontrer, de se concilier, de se réconcilier, de rayonner leur clémence vers la Méditerranée orientale où se trouvent le Liban (hélas !) et la pauvre Syrie, si toutefois il reste quelque chose de cette dernière.

    Halim Abou Chacra

    05 h 16, le 15 octobre 2013

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