Depuis la tragédie des « boat-people » libanais survenue vendredi dernier en mer indonésienne, la communauté libano-australienne est sous le choc. Ce jour-là, plus de 36 personnes, dont 21 Libanais ont trouvé la mort noyés lors d’un voyage clandestin vers l’Australie.
« Je sais que la vie est dure au Liban, surtout depuis le début de la guerre en Syrie, mais croyez-moi ça ne vaut pas la peine de la risquer de cette manière », affirme Robert Bekhazi, président fédéral du Mouvement libano-australien uni, à l’adresse des Libanais qui seraient tentés par l’immigration clandestine vers l’Australie. « Le périple est long et dangereux, poursuit-il dans un entretien téléphonique avec Lorientlejour.com. Et même si vous parvenez à atteindre l’île Christmas, vous serez automatiquement refoulés par les autorités locales qui ne tolèrent pas ce genre de stratégies ».
Les survivants ont raconté que leur objectif était l'île Christmas, un territoire australien de l'océan Indien, plus proche de l'Indonésie que de l'Australie.
Ce voyage est entrepris par de nombreuses embarcations de fortune chargées de demandeurs d'asile, majoritairement des Afghans, des Iraniens et des Sri-Lankais. Des centaines de boat-people sont morts ces dernières années dans le naufrage de leur bateau.
Selon Michael Khairallah, président du Conseil de la communauté libanaise dans l’État de Victoria, en Australie, les Libanais qui étaient à bord du « bateau de la mort » avaient été « trompés ». « Les passeurs leur avaient expliqué que le voyage était sans danger et que leur accueil par les autorités australiennes était garanti », dit-il dans une entrevue accordée au site Business Insider Australia. M. Khairallah, qui affirme avoir rencontré des proches des victimes installés en Australie, explique que les « boat-people » ont agi par désespoir. « Il n’y a pas d’emplois, pas de sécurité… Les Libanais ne se sentent plus en sécurité dans leur propre pays », dit-il.
Pour M. Bekhazi, la tragédie aurait pu être évitée si les Libanais étaient bien informés des dangers du voyage clandestin. « Il faut savoir que la distance entre l’Indonésie et l’Australie est égale à celle entre le Liban et la France (près de 3.200 km, ndlr), explique-t-il. De plus, depuis l’entrée en fonction du gouvernement du nouveau Premier ministre Tony Abbott, l’Australie a drastiquement renforcé sa loi sur l’immigration clandestine ».
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Depuis le 1er janvier, plus de 15.000 boat-people sont arrivés en Australie, suscitant un vif débat dans le pays. Tony Abbott, dont le parti conservateur a accédé au pouvoir début septembre, a mené campagne contre l'immigration clandestine.
« C’est un débat très important en Australie, qui se considère généreuse en terme d’immigration, indique M. Bekhazi. Le pays accueille près de 180.000 immigrants par an, ainsi que 30.000 réfugiés. Mais ces dernières années, le nombre de clandestins n’a cessé d’augmenter, poussant les autorités australiennes à durcir leurs lois ».
Canberra ne tolère plus les demandeurs d’asile arrivés de manière clandestine au pays, affirme le Libano-Australien qui rappelle que le précédent gouvernement de Kevin Rudd avait déjà signé le 19 juillet, un accord avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée pour la déportation systématique vers ce territoire de tout clandestin intercepté par les autorités australiennes.
« Les détenteurs de passeports libanais ne recevront pas le statut de réfugiés et ceux qui se sont procurés de faux passeports syriens seront forcément démasqués », assure M. Bekhazi. « Ils avaient peut-être une chance avant le durcissement des lois, certains Libanais en avaient profité d'ailleurs, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui », poursuit-il.
« Pour que cette tragédie ne se reproduise plus jamais », M. Bekhazi appelle le gouvernement australien à lancer une vaste campagne de sensibilisation au Liban pour décourager ceux qui seraient tentés par le voyage clandestin ».
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15 h 26, le 02 octobre 2013