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Culture - Spectacle

La poésie de Sappho rencontre la musique de Zad Moultaka à l’Opéra de Marseille

Année faste et agenda chargé pour Zad Moultaka qui multiplie voyages et créations. Après avoir été applaudi au Domaine Forget au Québec pour « Où en est la nuit » avec le Nouvel ensemble moderne, voilà que les feux de la rampe seront braqués aujourd’hui, à l’Opéra de Marseille, à l’occasion de « Vingt lieux sur la mer », sur sa création mondiale intitulée « Leipsano » (« Fragments de Sappho de Mytilène »).

250 chanteurs, trois ensembles (L’Itinéraire, Proxima Centauri, Musacatreize) et orchestre amateur pour cet événement alliant le monde du Parnasse et celui de la musique.
Tout en teintes méditerranéennes, de l’origine de la mythique poétesse de Lesbos à l’emplacement du concert sur les terres de la ville phocéenne, en passant par Zad Moultaka lui-même, Libanais et Méditerranéen de souche, cet événement est revêtu du caractère de la grande bleue avec ses rives aux embranchements multiples.
Sensualité et mysticisme d’un verbe où corps et esprit ont des envolées que la musique, en une belle polyphonie, porte à l’écoute des auditeurs. Du monde hellénistique aux raffinements contemporains voilà une alliance à découvrir. Et à savourer.
Un verbe vibrant qui vient, des temps les plus anciens, en vocables ou phrases sonores perdus et mordus par la poussière du temps, se loger et se lover dans les notes, les cadences et les mélodies du compositeur libanais.
D’après la présentation de Catherine Peillon, on retient les lignes suivantes: «Sappho de Mytilène est née au VIIe siècle avant notre ère.»
De la poétesse «immortelle», surnommée «la dixième muse» par Platon, qualifiée de «chose étonnante» par Strabon, adulée par Ovide et Catulle, il ne reste que des poèmes en lambeaux.
Leipsano désigne en grec ancien «les restes», par extension «les restes des morts», les reliques, avec leur dimension thaumaturge, leur force prodigieuse, agissante à travers les siècles.
À l’origine, le compositeur voulait embrasser l’intégralité des fragments retrouvés de Sappho de Mytilène, en gardant les manuscrits à l’état de bribes, avec les trous du texte, les lacunes. Inscrire le chant dans le silence de l’oubli, des accidents et des omissions de la mémoire, de la détérioration, du pourrissement, du feu des autodafés.
Resserrant finalement le texte, le répartissant en plusieurs chœurs «spatialisés», il fait ondoyer les parfums des mots – entiers ou tronqués –, les vestiges sensuels et «saints» du poème. Les éclats dérivent, se superposent, graduellement puis totalement, tournoient jusqu’à l’étourdissement.
Un «isôn» qui se transforme, de longs glissandi qui estompent les frontières entre les hauteurs, vers l’infini, et la perte de tout repère. Réverbérations, échos, clignotements, scintillements, chants de sirènes, ressac... Tout se mélange, s’entremêle dans une mise en abîme jusqu’au vertige, jusqu’au saisissement du sacré.
Zad Moultaka laisse aller son inconscient, sur le corps ravagé du poème – donner... beaux et bons... chagrin... blâme – procédant à l’invention d’une liturgie érotique. C’est Éros, briseur de membre, puissance du désir et de l’amour que la poésie de Sappho incarne dans toute sa phénoménologie, on pourrait dire sa physiologie. « Un feu court sous ma peau / par mes yeux je ne vois rien, mes oreilles bourdonnent... La sueur m’inonde, un tremblement me saisit toute, et je suis plus verte que l’herbe, et manquant de peu d’être morte je me sens...»
L’âme patinée par le syriaque, les cultures arabe et occidentale, le compositeur trouve le chemin d’une Grèce archaïque, mythique pour un imaginaire musical intemporel et contemporain.
Après les incursions du Finlandais Esso-Pekke Sosalen, d’Angélique Ionatos et Shaynes dans l’univers de la poétesse grecque, voilà que Moultaka offre sa version musicale de la perception de son Parnasse.
Dans une mise en espace signée Jeanne Royh, avec les textes établis par Philippe Brunet et sous la direction artistique de Roland Hayrabedian, la nouvelle œuvre de Moultaka, en attendant peut-être, en des temps plus paisibles, de l’accueillir aux bords de nos rives, par-delà les mers, a toutes les séductions incantatoires du chant des sirènes. Appel à une certaine spiritualité aux désirs et frémissements des corps. Appel à la vie...
250 chanteurs, trois ensembles (L’Itinéraire, Proxima Centauri, Musacatreize) et orchestre amateur pour cet événement alliant le monde du Parnasse et celui de la musique.Tout en teintes méditerranéennes, de l’origine de la mythique poétesse de Lesbos à l’emplacement du concert sur les terres de la ville phocéenne, en passant par Zad Moultaka lui-même, Libanais et...

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